Oyez, oyez bonnes gens ! Après d'insupportables années de paix et de prospérité, un nouveau seigneur du mal est sur le point de déchaîner sa fureur sur le monde ! Réjouissez-vous, car le règne mollasson de l'Empire et des ces centurions touche à sa fin. Les larbins, petites créatures maléfiques, s'agitent et piaffent à la perspective du carnage qui s'annonce ! L'Overlord est de retour, et s'il renoue assez tristement avec les travers de son prédécesseur, sa mauvaise volonté et son insatiable soif de pouvoir vous plongeront cependant au coeur d'une aventure délicieusement décalée.
En 2007, le premier Overlord nous avait déjà permis de goûter à une généreuse aventure dont la principale qualité tenait à sa faculté de pervertir tous les clichés de l'heroïc-fantasy. Pastiche attachant, drôle et rafraîchissant, ce premier jeu n'en souffrait pas moins de nombreux petits défauts. Une caméra moribonde, un level-design un poil paresseux et quelques soucis techniques empêchaient effectivement cet étrange mélange d'action, de stratégie "Pikminesque" et de jeu de rôle de s'exprimer pleinement. Si certains de ces problèmes ont clairement été l'objet de petites retouches de la part des développeurs de Triumph Studios, Overlord II reste néanmoins gêné par des difficultés trop semblables à celles de son aîné. Et d'un autre côté, on imagine déjà les âmes chagrines reprocher à cette suite son manque de nouveautés vraiment significatives. Il est vrai que les ajouts de Triumph ne modifient pas vraiment les bases du gameplay que nous connaissons déjà, mais elles permettent cependant de donner plus de profondeur à l'univers d'Overlord, tout en accentuant sa dimension gentiment satirique. Comptez donc avec des humains répugnants et lâches, des elfes écolos particulièrement niais et des allusions plus ou moins marquées aux "sous-tolkienneries" dont nous abreuvent la plupart des jeux de fantasy.
Mais cessons dès à présent de nous perdre dans des commentaires généraux pour ausculter avec minutie les entrailles pourries de la bête. Dans cette suite, le joueur incarne un nouvel Overlord, le précédent ayant connu un sort funeste. Bien des années ont passé depuis le règne du dernier Seigneur du Mal et le monde se trouve maintenant dans le giron du Glorieux Empire, un ersatz de l'Empire Romain. Farouchement opposée à tout ce qui semble avoir un lien avec la magie, la population ne va donc pas être à la fête en découvrant qu'un mage noir se met en tête d'initier un nouveau règne de terreur. Secondé par les hordes de petits lutins qui servaient à toutes les basses besognes du précédant seigneur du Mal, notre antihéros va donc tenter de reconquérir une par une les régions contrôlées par l'Empire. Ainsi, pas de surprise, le principe de base de cette suite est absolument identique à celui du premier Overlord. Sous ses airs de beat'em all bête et méchant, le titre échappe en fait à cette étiquette en mettant intelligemment l'Overlord au second plan.
En effet, ce sont vos larbins qui livreront vos batailles, eux qui trimballeront les objets que vous souhaiterez récupérer pour faire de votre donjon souterrain un nid douillet, eux qui détruiront les obstacles qui joncheront votre route. C'est d'ailleurs là que le parallèle avec un jeu comme Pikmin prend tout son sens. Les larbins ne sont pas très malins et il vous faudra donc constamment les chaperonner. Il existe trois méthodes pour y parvenir : la première consiste à utiliser le stick droit pour contrôler directement le déplacement des créatures. La deuxième revient à envoyer vos hordes tout de go vers l'avant avec la gâchette droite, en espérant qu'elles feront de leur mieux. La dernière vous demande de locker précisément le mécanisme ou l'ennemi qui vous intéresse grâce à la gâchette gauche puis d'envoyer un nombre précis de larbins avec des coups de gâchette droite.
Cette dernière option est en fait la plus importante, puisque assez rapidement, vous découvrirez qu'il existe 4 types de larbins différents dans le jeu, et que chaque groupe a sa propre fonction. La couleur de leur parure les distingue : brun, rouge, vert et bleu. Les premiers sont adaptés au corps-à-corps et s'équipent automatiquement avec tout ce qu'ils trouvent sur le champ de bataille. Les seconds étouffent les feux et attaquent à distance. Les troisièmes font de même avec les gaz toxiques, et peuvent surprendre furtivement les ennemis en arrivant par derrière. Les bleus, enfin, franchissent les étendues aquatiques et ressuscitent leurs congénères. Passer d'une race à une autre s'effectue sans problème grâce à une habile combinaison de touches. L'apparition successive des larbins colorés a cette qualité de donner un léger aspect stratégique aux combats. Il faut effectivement procéder de manière différente selon les ennemis, sous peine de perdre bêtement tous les larbins d'un même type inadapté à la situation. Sans atteindre la finesse d'un jeu de stratégie, le gameplay réussit à transporter le joueur loin des terres arides du beat'em all minimaliste, d'autant que le level-design est nettement plus inspiré que dans le premier volet.
On prend donc plaisir à traverser des niveaux interconnectés qui sans être originaux, font preuve de suffisamment de variété pour ne pas susciter de lassitude. La progression est rythmée par de petites énigmes qui nécessitent l'emploi de tel ou tel type de larbins ainsi que par des sympathiques cinématiques bien débiles. Les larbins, fiers de servir leur maître, caquettent joyeusement (encore une fois, mention spéciale au doublage !), et partent étriper bébés phoques et légionnaires avec une dévotion qui fait plaisir à voir. Les bougres ont d'ailleurs conservé l'habitude de tout vous rapporter. Certaines zones sont ainsi remplies d'objets destructibles qui dissimulent de l'or, des potions de soins ou de magie. Dans Overlord, tuer permet de récupérer les petites pastilles incandescentes qui permettront d'appeler d'autres larbins auprès de puits incantatoires. A l'heure qu'il est, les possesseurs du premier volet doivent sans doute se dire que cette suite n'apporte rien de neuf, et ils n'ont pas tout à fait tort.
Au fond, les seules petites nouveautés d'Overlord II, outre son univers qui semble rendre hommage aux Romains d'Astérix et Obélix, tiennent aux capacités supplémentaires de vos ouailles démoniaques. En fonction de leur race, les larbins pourront ainsi chevaucher des montures bien particulières. On comptera ainsi sur des loups pour les bruns, des salamandres pour les rouges et des araignées pour les verts. L'effet est double : d'une part on augmente l'efficacité du groupe au combat, et d'un autre côté, il devient possible d'atteindre des zones et des plates-formes éloignées. Des archers vous menacent du haut d'une corniche ? Pourquoi ne pas envoyer vos chevaucheurs de loups par un sentier détourné ? Quelques bonds plus tard, les crocs des prédateurs se refermeront sur les cous de poulet des légionnaires. Dans ce second épisode, les larbins sont également capables de s'improviser marins, lors de séquences où vous prendrez le contrôle d'un bateau, pour aller botter les fesses des elfes sur leurs propres terres. Les vils lutins pourront aussi vous aider à manipuler balistes et catapultes lorsqu'il s'agira de vaincre les régiments bien protégés de l'Empire.
Autre petite trouvaille : la possibilité occasionnelle de posséder directement une de vos teignes et de partir s'infiltrer loin derrière les lignes ennemies afin d'ouvrir la route à votre lourde carcasse en armure. Et quand on parle d'infiltration, sachez que vous devrez parfois déguiser vos larbins afin qu'ils passent plus facilement sous le nez de gardes incompétents. Rien de révolutionnaire donc, mais comme nous le disions précédemment, ces ajouts permettent de varier les plaisirs et de donner un poil plus de profondeur à l'aventure. Dans un autre registre, les développeurs de Triumph ont enfin cherché à offrir au joueur le contrôle de la caméra. En appuyant sur une touche et en déplaçant le stick droit de votre manette, vous devriez pouvoir regarder autour de vous, ce qui franchement, n'est pas du luxe. Livrée à elle-même, la caméra a effectivement bien du mal à suivre les événements. Côté contrôle on pestera également contre le fameux système de verrouillage de cible que nous évoquions plus haut. Car la plupart du temps, il sera nécessaire de passer en revue toutes les cibles potentielles avant de trouver la bonne. Un processus fastidieux et parfois même frustrant.
Malgré ces problèmes, venir à bout de la campagne d'Overlord II s'avère plutôt plaisant. Bourrée de quêtes secondaires et de trésors planqués à droite et à gauche, cette dernière vous réservera de 15 à 20 heures de jeu. Un total somme toute très raisonnable par les temps qui courent. A tout cela s'ajoutent des modes multi pour deux joueurs. En écran partagé ou sur le net, vous pourrez tenter de survivre ensemble face à des vagues successives d'ennemis revanchards ou partir vaincre un centurion et sa légion en choisissant différents itinéraires dans un même niveau. Mais tout le monde sait qu'un Overlord n'aime pas partager le pouvoir, aussi, les plus vils pourront-ils partir affronter un autre seigneur du mal et tenter de s'emparer des différentes zones d'une même carte. Enfin, un dernier mode versus voit deux seigneurs se livrer à une sorte de course au trésor, le gagnant étant évidemment celui qui sera parvenu à amasser le plus d'or. Hélas, pour l'heure, les joueurs ne semblent pas se bousculer en ligne et les rares parties disponibles étaient généralement sujettes aux lags et aux déconnexions intempestives.
En résumé, Overlord II ne se contente finalement que de faire évoluer la recette originelle, ce qui est déjà loin d'être négligeable. L'univers délirant conçu par Triumph a gagné en consistance et plonge plus volontiers encore dans le domaine de la satire. Certes, l'humour ne porte pas toujours mais dans l'ensemble, on ne restera pas hermétique à un tel déploiement d'absurdité. Et plus que tout, on éprouvera toujours une joie perverse en massacrant de pauvres petites créatures innocentes. Il n'y a à pas dire, faire le mal est toujours aussi bon.
- Graphismes16/20
Nettement plus fin que son prédécesseur, plus inspiré et plus varié également, Overlord II n'en accuse pas moins quelques méchants soucis de fluidité sur consoles. La version PC apparaît en revanche dénuée des soubresauts dont sont victimes les larbins de la PS3 et de la 360. Reste que dans tous les cas, on profitera de décors colorés et élégants qui ne sont pas dénués de poésie et s'approchent même d'un certain Fable II. Le tout est cependant joyeusement perverti par quelques touches d'humour noir et par les cabrioles de larbins plutôt bien animés.
- Jouabilité15/20
Pas de révolution de ce côté-là. Le jeu repose toujours sur le contrôle constant de 4 types de larbins aux capacités distinctes. Overlord II se montre cependant bien moins répétitif que son prédécesseur grâce à des quêtes plus variées et des niveaux mieux construits. En termes de prise en main, défauts et réussites du premier volet nous reviennent presque en l'état, la seule petite amélioration venant du fait qu'il est maintenant possible de contrôler la caméra.
- Durée de vie15/20
Selon votre rythme, comptez de 15 à 20 heures pour voir le bout de l'aventure. Les modes multijoueurs ne sont pas originaux pour un sou et s'avèrent difficiles à pratiquer en ligne.
- Bande son16/20
Très réussie, la bande-son d'Overlord II associe de superbes musiques orchestrales à des morceaux plus guillerets, alors même qu'on massacre d'innocents petits gnomes ou des villageois grassouillets. Les bruitages ne sont pas en reste et plongent le joueur au coeur de l'action avec efficacité. Reste à mentionner les voix, excellentes, qui donnent vie à des répliques délicieusement surjouées. Seule ombre au tableau, la tendance trop appuyée des larbins à sortir les mêmes répliques à tout bout de champ.
- Scénario16/20
Prenant une nouvelle fois des airs de suite irrévérencieuse du Seigneur des Anneaux, Overlord II parvient à mêler l'Empire Romain, le Yéti et des elfes écolos en un tout cohérent. Avec quelques gags bien débiles savamment orchestrés et quelques répliques qui sentent bon les dessous de bras, on nage en plein bonheur. Evidemment, certains traits d'humour portent moins, mais l'ensemble paraît tout de même très rafraîchissant. Et puis que dire des larbins, moches, vicieux, et pourtant terriblement attachants ? Ces petites teignes tapageuses participent donc grandement au charme ravageur d'Overlord II.
Véritable pied-de-nez à tous ces jeux qui nous donnent à observer des elfes hautains et magnifiques, des chevaliers vertueux et des nains inflexibles, Overlord II nous sert une aventure drôle et bien menée. A la tête d'une petite armée de larbins dévoués, on se fait du bien en répandant le mal. Et si les nouveautés de ce second volet ne sont pas très nombreuses ni très significatives, elles permettent néanmoins de donner encore un peu plus de profondeur à l'expérience. Le titre saura donc séduire les possesseurs du premier épisode comme les néophytes désireux de passer du côté obscur.