Velvet Assassin aimerait mettre fin à la disette de jeux d'infiltration en offrant en plus une approche originale de la Seconde Guerre mondiale. Une tentative audacieuse dans une discipline qui ne pardonne pas l'approximation.
La Seconde Guerre et l'infiltration, voilà une association originale qui a le mérite de relancer l'intérêt pour cette période historique surexploitée. En plein conflit, l'agent secret britannique Violet Summer agit dans l'ombre, comme un Sam Fisher des années 40. Sabotage, vol de documents, assassinat, l'agent remplira tous les types de missions que l'on peut attendre d'une femme capable de s'infiltrer dans les places fortes les mieux gardées. Du moins, c'est ce qu'elle faisait avant d'atterrir dans un hôpital, gravement blessée. Ce sont donc les opérations qui l'ont conduite ici que l'on suivra dans Velvet Assassin, par le procédé magique du flash-back obscur auquel on ne pipe rien. Chaque mission est en effet un souvenir de Violet, parfois ponctué par de très courtes cinématiques incompréhensibles. Une lourdeur narrative dont on se serait volontiers passé et qui peine à masquer le manque de cohérence du scénario. Mais bon, on fera avec dans la mesure où l'ambiance est au moins assez soignée.
Velvet Assassin s'inscrit dans la pure tradition des jeux d'infiltration qui misent tout sur la discrétion, rien sur l'action brutale. Armée d'un couteau, Violet progresse en profitant de l'ombre. Dans la pénombre, un halo violet autour de la silhouette, faisant office de jauge de santé, vous indique que vous êtes virtuellement invisible. Reste alors à s'approcher discrètement d'un ennemi pour l'occire sans un bruit. Quelques artifices viennent par ailleurs compléter l'arsenal tactique comme la possibilité de siffler pour attirer un adversaire ou les nombreuses boîtes à fusibles grâce auxquelles on pourra plonger une pièce dans l'obscurité. Chaque meurtre vous fera profiter d'une petite animation montrant Violet en train d'exercer ses talents. Rien de bien original dans tout ça donc puisque dans la pratique, le jeu utilise exactement les mêmes mécaniques que le tout premier Splinter Cell. On admet toutefois que la formule procure quelques bons moments pour peu que l'aspect old-school ne rebute pas trop. L'idée d'aller dégoupiller une grenade à la ceinture d'un soldat est par exemple une sympathique trouvaille.
Seulement si Velvet Assassin reprend ce qu'on a déjà vu il y a plusieurs années, il le fait moins bien. En premier lieu, le système de furtivité est complètement dans les choux. Souvent, sans que l'on sache pourquoi, les ennemis parviennent à nous voir de loin alors que le fameux halo violet est bien présent à l'écran. Pire, il suffit d'être placé un millimètre trop sur le côté pour que la tentative d'assassinat échoue lamentablement. Car le détail qui fait la différence, c'est que Violet est incapable de tuer un adversaire de face, aussi bien cachée soit-elle. Le joueur doit obligatoirement être placé dans le dos d'un ennemi pour le neutraliser. La moindre erreur dans le timing (souvent capricieux par ailleurs) ou dans le placement, et vous êtes repéré. Un problème qui ne serait pas si dramatique si Violet était capable de réagir face à ce genre de situation. Si dans Splinter Cell le joueur peut rapidement sortir un poignard et régler le problème, au prix certes d'un peu de bruit et d'un ou deux coups dans la tronche, Violet, elle, prend tout son temps pour sortir son arme, passer en mode Visée et faire feu. La plupart du temps, on est mort avant même qu'elle ait dégainé. En d'autres termes, Velvet Assassin impose une mécanique extrêmement datée qui n'offre de plus aucun droit à l'erreur.
Et ces principes ne sont pas les seuls éléments d'un autre âge. Si de nombreux jeux d'infiltration offrent une part de créativité au joueur, ici on doit composer avec des itinéraires très précis. Le joueur doit impérativement suivre le chemin au pixel près s'il tient à éviter les ennuis et tuer l'ensemble des gardes n'est pas une option, c'est une obligation. Ajoutez à cela le côté intransigeant du jeu et vous n'avez plus qu'à apprendre les séquences de patrouilles par cœur pour éliminer chaque garde un à un. Habituellement, une progression maîtrisée au pixel et à la seconde près sert à réaliser le score parfait dans un Hitman. Ici, c'est le minimum syndical simplement pour boucler un niveau. Ce n'est pas une question de niveau d'exigence du jeu, simplement un problème de rigidité du gameplay. Et encore, si on a la chance de ne pas subir les bugs du système de furtivité.
De temps à autre, Velvet Assassin délaisse son modèle principal, Splinter Cell, pour jeter un regard sur une autre grande référence, Hitman. On retrouve alors le principe des déguisements chers à 47. Là encore en moins bien. Une fois parée de sa jolie tenue teutonne, Violet doit éviter d'éveiller les soupçons en agissant étrangement ou en s'approchant trop près d'un ennemi. Une fois de plus, les règles sont faussées et ce qui réussira une première fois échouera la seconde sans que l'on comprenne pourquoi, la "distance de suspection" variant étrangement. Une punition frustrante qui consiste, encore, à apprendre un morceau de niveau sur le bout des doigts. En marge on pourra encore signaler le fonctionnement magique des portes et échelles. Lorsque vous ouvrez une porte, vous apparaissez, pouf, d'un coup, de l'autre côté. Idem pour les échelles. C'est très déstabilisant tout ça. Et tant qu'on y est, un mot sur les checkpoints particulièrement mal placés puisqu'ils vous obligent à répéter de opérations sans intérêt avant de regagner le lieu de l'action. Et par sans intérêt, on entend passer 45 secondes à pousser une caisse de 50 centimètres de hauteur alors que Violet serait largement capable de passer au-dessus. Qui a dit que l'architecture des niveaux était à revoir ?
Techniquement Velvet Assassin ne fait pas de miracles. Si son gameplay a déjà tendance à ruiner l'immersion, le fait de constater que le jeu doit compter 5 modèles de personnages n'arrange rien à l'affaire. D'autant que l'animation rigide rajoute à l'âge apparent du jeu. Côté environnements, force est de constater une certaine pauvreté habilement masquée par de jolis effets qui parviennent à pimenter un peu l'esthétique de certains niveaux. Une réalisation graphique en dents de scie donc, néanmoins compensée par une bande-son rondement menée. Les thèmes musicaux sont discrets mais efficaces et le doublage est excellent. Violet s'exprime avec ce charmant accent britannique qui sied si bien aux femmes pendant que les mâles teutons suivent le fil de leurs conversations en allemand.
Au final, Velvet Assassin déçoit les espoirs placés en lui. Face à la maigreur de l'offre en jeux d'infiltration, voir débouler un nouveau candidat offrant de plus un univers généralement réservé aux FPS et une héroïne taillée pour le rôle avait de quoi réjouir les amateurs. Le hic, c'est que le jeu aurait mieux fait de sortir en 2002... et avec un système de jeu vraiment fonctionnel.
- Graphismes13/20
Les modèles de personnages sont peu nombreux et bien moyens, de même que leurs animations. Les environnements masquent habilement leur pauvreté sous des éclairages réussis qui leur donnent un aspect plutôt séduisant.
- Jouabilité9/20
On aurait pu composer avec les mécaniques d'infiltration datées, comme le fait que Violet soit incapable d'exécuter un ennemi sans être placée pile dans son dos ou encore sa lenteur pathologique, si seulement il ne fallait pas en plus faire avec un système de couverture souvent défectueux, une progression imposant le "par coeur" sans droit à la plus petite erreur et une gestion des détections aléatoire qui vaudra de nombreux décès.
- Durée de vie13/20
Dans la mesure où on avance par essai-erreur, la progression est assez lente mais une fois le jeu maîtrisé, on n'y reviendra pas puisqu'il n'y aura plus rien à explorer. Trouver la motivation pour le terminer étant déjà assez difficile.
- Bande son16/20
Un excellent doublage qui sert quelques dialogues de qualité et d'autres plus quelconques. Les thèmes musicaux sont également de bonne facture.
- Scénario10/20
L'option flash-back ne sert à rien et on passera son temps à essayer de comprendre en vain les courtes cinématiques cryptiques et floues qui représentent les bribes de mémoire de Violet.
Puisant dans les ficelles les plus classiques du genre, Velvet Assassin s'inspire très largement de Splinter Cell premier du nom. On lui reconnaîtra que s'il ne prend pas de risques, il parvient à offrir quelques séquences divertissantes. Du moins, tant que son IA et son système de couverture fonctionnent et ne se mettent pas à dérailler sans raison. Des dysfonctionnements qui flinguent complètement un gameplay déjà fragilisé par de nombreuses lacunes. Les gros amateurs du jeu de cache-cache peuvent lui consacrer quelques heures mais qu'ils ne se fassent pas d'illusions, Velvet Assassin a beau être tout jeune, il n'a déjà plus l'air très frais.