De Everquest à Star Wars Galaxies en passant par les prochains DC Universe Online ou The Agency, Sony Online Enternainment propose une offre complète en matière de jeux massivement multijoueurs. Complète ? Pas tant que ça si l'on considère le public traditionnellement peu disposé à s'adonner au genre. Un public de joueurs occasionnels et de non joueurs, que l'investissement dans un MMORPG et la course à la puissance qu'il suscite n'intéressent guère. Les équipes de SOE étaient parfaitement conscientes que ce dernier bastion ne pourrait être conquis que par un titre bien spécifique. C'est ainsi qu'est né Free Realms, un jeu massivement multijoueur conçu pour plaire à un public familial.

Free Realms se démarque dès la phase de création de votre personnage, dont vous pourrez vous acquitter avant même d'avoir créé un compte et d'être rentré dans le jeu ! Proposant seulement deux races (les humains et les fées) déclinables dans les deux genres, ce MMORPG préfère miser sur une personnalisation graphique plutôt complète qui évoque celle des Sims. Aussitôt votre avatar créé, vous disposez désormais d'une page web dédiée, de type Facebook, qui répertorie vos exploits, peut être consultée par vos amis et vous permet de rester connecté avec eux. Pour lancer le jeu, il suffit de télécharger un tout petit client, sachant que le contenu se débloquera, au fur et à mesure de votre progression, à la faveur de chargements automatiques et transparents. Ce système permet de jouer à Free Realms sans attendre et sans avoir à télécharger un gros client rempli de fonctionnalités que vous n'utiliserez pas. Revers de la médaille : le jeu est à déconseiller aux petites connexions, les micro-chargements étant plus fréquents et moins "micro" qu'ils ne le devraient. Il faut dire qu'il affiche un univers visuellement très accrocheur, un peu faible techniquement mais artistiquement convaincant. Sony a misé sur des décors colorés et féeriques et des personnages rigolos, réalisés dans un style Disney qui plaira à toute la famille. On ne s'en plaindra pas vu que les environnements restent ouverts, le level design réussi et les paysages variés (forêt, monts enneigés, marais, plage...).

Mais ce qui fait à la fois l'originalité et la force de Free Realms, c'est sa progression multiclasse. Le principe est simple : vous disposez d'une quinzaine de professions, que vous pouvez adopter et monter indépendamment et sans aucune contrainte particulière. Aventurier, facteur, chef cuisinier, dresseur, joueur de cartes, mineur, combattant, pilote (de kart ou de demolition derby), ninja, archer, sorcier, guerrier, médecin et forgeron sont au programme, sachant que les cinq dernières sont réservées aux abonnés (nous y reviendrons). Libre à vous d'essayer de les développer toutes à la fois, ou bien de vous concentrer sur celles qui ont votre préférence. Pour gagner des niveaux dans une profession, il vous faut accomplir des quêtes, qui consistent pour la plupart à vous adonner à de petites épreuves sympathiques et amusantes. Étant donné qu'on retrouve, à peu de choses près, les mêmes mini-jeux associés à un même métier, la progression aurait pu se révéler lassante si on ne vous laissait pas la possibilité de passer à tout moment de l'un à l'autre. Il faut savoir que dans Free Realms, votre personnage n'est défini par aucune caractéristique : seul son équipement lui permet de monter en puissance. En accomplissant des missions, il gagne de l'or, mais aussi des étoiles qui symbolisent l'expérience acquise et lui permettent de franchir des niveaux. Plus il progresse dans une voie et plus il a accès à du matériel puissant, acheté ou reçu comme récompense de quête.

Ce système de progression est d'autant plus intéressant qu'il vous permet de monter un personnage non-combattant, pouvant accéder à un haut niveau sans jamais avoir occis une seule créature. L'univers du jeu n'est pas dénué de monstres, mais ceux-ci ne vous attaquent que si vous en faites le choix : c'est en cliquant dessus que les classes combattantes peuvent rejoindre une zone instanciée où elles se feront un plaisir de les éliminer. Les autres pourront s'en passer et découvrir toute la fraîcheur d'une évolution en marge du monster bashing usuel. Ils pourront par exemple embrasser la carrière de postier, qui leur demandera de livrer des colis dans un temps imparti. Ou bien devenir chef cuistot : ils devront alors amasser des ingrédients à la faveur d'un puzzle-game assez prenant, puis les cuisiner dans le cadre de phases de jeu à la Cooking Mama. A moins qu'ils n'optent pour le métier de dresseur, qui leur imposera de veiller à la bonne santé de leur animal mais leur permettra en contrepartie de lui apprendre des tours en dessinant des formes à l'écran avec la souris. On peut également citer la profession de pilote, qui vous donnera l'occasion de prendre part à de véritables courses de voitures puisant leur inspiration du côté de Mario Kart ou de Destruction Derby. Ces épreuves de course ont l'avantage de vous laisser affronter d'autres joueurs : il suffit pour cela de s'inscrire dans les lobbys dédiés, même si les adversaires ne se bousculent pas au portillon.

Il en est tout autrement du jeu de cartes à jouer et à collectionner, dont la salle de rencontre semble faire constamment le plein. Free Realms propose en effet un JCC virtuel qui emprunte la plupart de ses mécanismes à des jeux de cartes connus. Après avoir choisi votre voie (nature, machine, chaos et ordre) et construit votre deck, vous pourrez défier d'autres joueurs grâce à une interface qui n'a rien à envier à celle d'un Magic the Gathering Online. Le monde regorge également de tables de jeu permettant de s'adonner aux Échecs et aux Dames (avec là encore la possibilité d'affronter un ami), ou encore à un tower defense particulièrement réussi qui se montre addictif au plus haut niveau de difficulté. Dans l'ensemble, vous serez agréablement surpris par la qualité des mini-jeux proposés : la plupart appartiennent à des genres en vogue chez les joueurs occasionnels, mais loin d'être de simples prétextes, ils se révèlent bien étudiés et bien réalisés. Seule réserve : l'impossibilité de reparamétrer les touches (pensées pour les claviers qwerty) nuit quelque peu à leur accessibilité. Il serait pourtant faux de considérer Free Realms comme un simple party-game massivement multijoueur, tant le jeu regorge de choses à découvrir, de PNJ à rencontrer et de quêtes à accomplir. Il vous permet même de rassembler des collections d'objets rares (comme dans Everquest) ou encore d'accumuler, au fil des épreuves, des tickets permettant de se servir dans le trésor royal !

Free Realms est donc un MMORPG familial de grande qualité, même s'il n'est pas dénué de quelques défauts, dont le principal tient à la présence d'un double modèle économique. Gratuit à la base, le jeu ne vous laissera profiter de l'ensemble de son contenu que si vous vous acquittez d'un abonnement s'élevant à 5 $/mois. Bien qu'il reste possible de jouer sans verser un seul centime, vous aurez tout de même l'impression de ne bénéficier que d'une version bridée : s'il n'est pas très grave de ne disposer que d'un seul emplacement de personnage, il est plus frustrant de ne pouvoir accéder à tous les métiers et de se trouver régulièrement confronté à des quêtes réservées aux abonnés. Or, le tarif a beau rester modéré, le principe même d'un abonnement mensuel semble mal adapté avec le concept de jeu occasionnel. D'autant que Free Realms propose un item shop, dans lequel il est possible d'acheter des accessoire divers et variés ou des boosters de cartes pour le JCC, et qui aurait sans doute pu assurer à lui seul la viabilité économique du projet. Conséquence plus ou moins directe de cette gourmandise financière de l'éditeur : en dépit des deux millions d'inscrits annoncés, les dix serveurs US disponibles sont pour l'instant loin de faire le plein. Dernière réserve : le jeu n'étant disponible pour l'instant qu'en anglais, son aspect familial s'en voit quelque peu sabordé, même si son succès devrait logiquement conduire SOE à en proposer des version localisées.