Quand Cyanide, le développeur de Chaos League, nous propose un petit casse-croûte gratuit en attendant Blood Bowl, ça ne se refuse pas. Surtout que le jeu en question, original, drôle et jouable uniquement en ligne, permet à deux équipes de pieds nickelés de se disputer l'amour d'un trésor ! Dommage, tout de même, que Dungeon Party laisse la désagréable impression de n'être encore qu'en phase de bêta...
On ne sait pas vraiment quelles ont été les sources d'inspiration des développeurs de Cyanide, mais nul doute qu'elles sont surtout à chercher dans le domaine de petits jeux de société comme Munchkin ou Dungeon Twister, que nous ne saurions trop vous conseiller si vous avez envie de passer un bon moment sans être mobilisé trop longtemps. L'objectif de Dungeon Party est exactement le même : permettre aux joueurs de se connecter quand bon leur semble pour prendre part à des sessions de jeu courtes mais amusantes. Le principe ? Opposer deux équipes de 2 à 5 joueurs, venues récupérer un trésor au fin fond d'un donjon truffé de pièges et de monstres. Comme il n'y a qu'un seul trésor, tous les coups les plus pendables sont permis pour s'en emparer et sortir sain et sauf du donjon. Sauf que pour cela, il faudra préalablement gagner son estime. Oui, celle du trésor. Vous n'avez rien compris ? Bon, on va essayer de tout reprendre à zéro.
Dungeon Party est un free to play, ce qui signifie que vous pouvez le télécharger gratuitement et y jouer sans aucun abonnement. Comme il est désormais de coutume dans ce modèle économique, le jeu est doté d'un item shop, mais l'équipe de Cyanide a eu la sagesse de n'y vendre que des objets à finalité cosmétique. Car si les personnages que vous créez peuvent être customisés graphiquement, les options les plus extravagantes ne sont disponibles qu'en faisant un détour par l'item shop. D'autre part, bien que votre chasseur de trésor puisse évoluer au cours d'une partie, il faut savoir que les niveaux gagnés et les compétences acquises ne sont que temporaires. C'est donc l'équité la plus totale qui prévaut au début de chaque partie. Vos exploits vous permettent toutefois d'accumuler de la "monnaie de héros", qui sert à acheter des items périssables (pièges et potions) utilisables par vos personnages. Au rayon des gains permanents, on retrouve également toute une série de succès à débloquer, qui accordent certains titres (honorifiques ou non d'ailleurs) à votre personnage.
La création d'un personnage est donc forcément sommaire, mais c'est surtout le nombre de classes disponibles qui déçoit : sur les six promises à l'origine par Cyanide, seules trois ont survécu. Vous avez le bourreau, un guerrier très solide qui constitue la force de frappe d'un groupe, le mage qui joue pour l'essentiel un rôle de soutien, et enfin le voleur, sans doute le plus agréable à incarner avec sa panoplie de coups bas qui ne manqueront pas d'irriter vos adversaires. Pour apprendre à jouer et à tirer parti des capacités de votre personnage, vous disposez d'un excellent tutorial qui sait se mettre à la portée du joueur pour lui expliquer avec un recul rafraîchissant toutes les ficelles du gameplay. L'humour et le second degré omniprésents font d'ailleurs le charme de Dungeon Party ; rien que les descriptions des maps ont dû être rédigées à l'issue d'une soirée arrosée. Dommage que ces dernières ne soient pas assez nombreuses : une demi-douzaine, c'est trop peu pour ne pas avoir l'impression de tourner en rond, y compris dans un jeu censé se pratiquer via de petites sessions. Bref, avant même d'avoir lancé une partie, on s'aperçoit que le jeu manque sacrément de contenu.
Dès vos premiers pas dans un donjon, vous risquez également de souffrir d'une maniabilité trop peu souple. Déplacement au clic droit, action ou attaque au clic gauche : voilà une configuration bien peu intuitive, qui semble d'autant plus préjudiciable qu'il est pour l'heure impossible de la modifier. A côté de ça, vous disposez tout de même d'une interface sans doute un peu encombrée, mais dont la complétude permet d'embrasser rapidement tous les aspects d'une partie, dont votre progression personnelle. A mesure que vous acquérez de l'expérience en éliminant des opposants (monstres ou joueurs), vous franchissez des niveaux et gagnez des points de compétence. Les compétences en question peuvent être achetées dans le feu de l'action en cliquant simplement sur un emplacement libre de la barre dédiée. Chacune des classes a accès à 13 compétences, dont 5 générales et 8 autres réparties dans deux domaines, sachant que la spécialisation dans une voie bloque l'accès à l'autre : le mage peut par exemple privilégier les sorts de zone au détriment du reste. Vous ne pouvez disposer au total que de cinq compétences, à choisir judicieusement. L'évolution des personnages est donc particulièrement bien pensée.
Enfin, elle l'aurait été encore davantage si l'aspect PvE avait été plus convaincant. Les donjons symétriques sont remplis de créatures, de pièges et de caisses transportables à effets variés, mais on a l'impression que ces facteurs environnementaux sont un peu laissés pour compte par les joueurs. Et pour cause : les monstres sont bien trop faibles et les pièges (pierres qui roulent, grilles enflammées, poison...) jamais fatals, surtout si le groupe dispose d'un bon mage. Si bien qu'après avoir grindé 30 secondes pour augmenter leurs compétences, les joueurs finissent par s'en désintéresser, passant impunément sur les pièges et se laissant taper dans le dos par les créatures à leur poursuite. Quant aux caisses, qui permettent de ralentir l'équipe adverse (feu, gel) ou de booster la vôtre (vitesse, soin), leur effet de zone affecte indifféremment les deux équipes, si bien que certains joueurs ont tendance à les ignorer. Du coup, le rush est inévitable, même s'il prend la forme sympathique d'une course effrénée jusqu'au trésor, ou à la poursuite de l'équipe adverse si elle s'en est déjà emparée. Dans les faits, les parties, constituées de plusieurs rounds, ne durent guère plus de quelques minutes.
On aurait apprécié que Cyanide réprime les velléités de rush trop prononcées en intégrant des obstacles et des mécanismes qui obligent les joueurs à coopérer, que ce soit pour activer un piège ou ouvrir une porte. Bon, on ne peut pas dire que la coopération soit absente, vu que les trois classes disponibles bénéficient d'une complémentarité qui incite à jouer en équipe et à ne pas faire cavalier seul ; mais tout ça manque cruellement d'interactions avec le décor. En fait, les développeurs ont élaboré une autre arme anti-rush : c'est l'amour du trésor. Car si l'objectif consiste à rallier la zone de sortie avec le trésor, celui-ci n'acceptera de sortir du donjon qu'entre les bras de l'équipe qui lui aura témoigné le plus son amour. Comment ? En le portant suffisamment longtemps, ou bien en versant le sang (le trésor est un sadique), que ce soit celui des personnages-joueurs, des monstres ou des quelques boss qui ont été placés dans les donjons. Concrètement, l'amour du trésor est symbolisé par une jauge qui pointe en faveur d'une des deux équipes ; on a quand même l'impression qu'il oscille trop rapidement de l'une à l'autre, rendant les parties imprévisibles et particulièrement chaotiques.
Le caractère confus du jeu ne manquera d'ailleurs pas de rebuter certains joueurs : malgré les tentatives d'organisation et les intentions stratégiques, les parties tournent vite au désordre le plus total, d'autant que le trésor décide parfois de "divertir" les héros en faisant tomber l'obscurité, en leur mettant la tête à l'envers ou en les faisant jouer à la bombe. Ajoutez à ça toutes les compétences bien relous comme celles du voleur, qui peut se dissimuler, briser les jambes de l'ennemi pour le ralentir, ou encore voler instantanément ce qu'il a dans les mains (caisse... ou trésor !), et vous obtenez un joyeux bazar auquel on se plaît de contribuer. Et si on ne peut s'empêcher de penser qu'il manque à l'évidence de contenu, d'équilibrage et de finition (à quand les pénalités pour les joueurs quittant impunément les parties ?), Dungeon Party reste un jeu sympathique qui remplit sa fonction de divertissement sans prétention, et gratuit de surcroît. Souhaitons toutefois voir arriver sous peu les 3 classes manquantes, les modes de jeu alternatifs, les guildes, les nouvelles maps et l'éditeur de niveaux, sous peine de finir par lasser ceux qui, à raison, lui ont accordé leur confiance.
- Graphismes12/20
Même s'ils se montrent techniquement peu convaincants, les environnements cartoon comptent pour beaucoup dans l'ambiance délirante du jeu. Chacun appréciera à sa manière celui des personnages, réalisés en cel shading : très expressifs, ils n'en demeurent pas moins... assez moches. Signalons également des effets graphiques un peu cheap et une animation perfectible.
- Jouabilité13/20
Que ce soit en jeu ou dans les menus, l'interface est assez chargée mais se révèle au final très pratique et c'est bien là l'essentiel. En revanche, le gameplay somme toute basique de Dungeon Party s'accommode assez mal d'une maniabilité peu intuitive et de l'impossibilité de reparamétrer les actions liées aux boutons de la souris.
- Durée de vie10/20
Avec seulement trois classes de personnages et une demi-douzaine de cartes, Dungeon Party pèche clairement sur le plan du contenu. De nombreuses fonctionnalités promises par Cyanide n'ont pas encore été implémentées et bien que le jeu soit en version finale, on a l'impression de participer à une phase de bêta.
- Bande son16/20
Les thèmes musicaux très décalés, qui mêlent atmosphère de maison hantée et sonorité jazzy de la Nouvelle-Orléans, portent littéralement le jeu et son humour omniprésent. Les bruitages tout aussi pêchus viennent renforcer la folie et le dynamisme des parties.
- Scénario/
Dungeon Party donne l'impression de n'être que le brouillon de l'excellent jeu qu'il deviendra sans doute au fil des mois et des mises à jour. En manque évident de finition, d'équilibrage et de contenu, le nouveau titre de Cyanide se révèle pourtant fun, drôle et diablement accrocheur. Il pourrait bien convaincre tous ceux qui ont envie de se détendre via de courtes sessions de jeu sans prise de tête. De toute façon, le client étant disponible en téléchargement gratuit sur notre site, le mieux est encore de l'essayer pour vous forger un avis.