Pour beaucoup, jeu de rôle massivement multijoueur rime avec abonnement mensuel. Pourtant, on assiste depuis quelques années à l'émergence d'un nouveau modèle économique venu d'Asie, le "free to play". Autrement dit, des MMORPG accessibles gratuitement, dont le financement est assuré par l'achat -facultatif- d'items. Ce secteur est en plein boom en Europe : Bounty Bay Online, Rappelz, Dream of Mirror, Ragnarok Online... La liste commence à être longue. Aujourd'hui, nous allons nous intéresser à Runes of Magic, dernier représentant en date de cette catégorie. En cherchant son inspiration du côté d'un certain World of Warcraft, le titre développé par Runewaker pourrait bien représenter une sérieuse alternative au MMO de Blizzard pour les joueurs moins fortunés.
Runes of Magic s'adressant avant tout aux néophytes, commençons d'abord par rappeler les grands principes d'un MMORPG, quitte à enfoncer quelques portes ouvertes. Dans tout jeu du genre, vous incarnez un personnage que vous façonnez à votre guise, aussi bien pour ce qui est de son aspect physique que de ses compétences. Ensuite, vous parcourez un vaste monde pour gagner de l'expérience en tuant des créatures et en accomplissant des quêtes. En somme, rien de très différent des jeux de rôle solos, mis à part que vous partagez l'univers avec plusieurs milliers d'autres joueurs. L'interaction entre humains est au coeur du concept, qu'il s'agisse de commercer, de se combattre ou au contraire de s'allier pour aller nettoyer des donjons en groupe. Malgré tout ce qu'on peut penser, la pratique d'un MMORPG est une activité éminemment sociale.
La première étape consiste donc à créer votre personnage, votre avatar, bref votre représentation numérique dans le monde virtuel. Runes of Magic n'est pas très généreux en termes de possibilités à ce niveau-là, puisqu'il ne propose qu'une seule race, les humains, malgré la présence d'autres races plus originales, comme le peuple Capra (hommes-chèvres), malheureusement non jouable. Les choix sont déjà plus nombreux concernant l'apparence, surtout au niveau des visages, les options de corpulence étant quant à elles plus limitées. Pour ce qui est de la classe de personnage, Runes of Magic fait dans le classique (un constat qui reviendra souvent dans ce test) : guerrier, chevalier, mage, prêtre, éclaireur et rôdeur. Petite originalité toutefois : une fois au niveau 10, vous pourrez sélectionner une classe secondaire. Mais n'espérez pas pour autant être capable de porter une armure de maille et une épée avec votre mage/guerrier, seules quelques capacités sont communes aux deux classes. Pour cela, il faudra plutôt basculer en guerrier/mage, opération qui peut se faire uniquement en rentrant dans votre maison. Vous pourrez alors dire adieu à la plupart de vos sorts... Bref, ce système de multiclassage n'est pas vraiment satisfaisant. Il donne plutôt l'impression de jouer deux personnages différents, qui partagent seulement le même corps et quelques fonctionnalités, dont certaines auraient d'ailleurs gagné à être séparées, comme l'inventaire et le journal des quêtes.
Les sacro-saintes quêtes, fer de lance des MMORPG, nous y voilà justement. N'y allons pas par quatre chemins : Runes of Magic est une grosse déception dans ce secteur. La majeure partie des missions consiste à aller tuer 8 ceci ou 10 cela, ou de convoyer un objet X de la personne A à la personne B, etc. Certes, c'est un peu habituel dans le genre, mais RoM semble pousser cet ennuyeux mécanisme à un degré rarement atteint. Les quêtes qui sortent un peu du lot en proposant des objectifs plus imaginatifs sont bien rares, il faudra pour cela aller explorer les profondeurs d'endroits dangereux, comme l'abbaye abandonnée de Silverspring par exemple. C'est aussi en ces occasions que vous aurez l'opportunité de découvrir un peu plus le background du jeu, assez peu développé par ailleurs. Si le site officiel de Runes of Magic nous renseigne bien sur l'histoire du monde de Taborea, les informations sont bien maigres une fois dans la partie. De toutes façons, l'univers ne sort pas vraiment des sentiers battus de la fantasy, même si vous ne croiserez ni nains barbus ni elfes à grandes oreilles. Ouf, c'est déjà ça. En fait, la principale "innovation" de ce contexte, c'est l'omniprésence des runes. Il existe un grand nombre de ces symboles mystiques gravés sur des pierres, que vous pouvez fusionner et utiliser pour conférer divers bonus à votre équipement. Mais au final, ça ressemble à n'importe quel système de sertissage de gemmes...
Mais s'il est un domaine où Runewaker a été encore plus frileux, c'est bien celui du design. En arpentant les terres de Taborea, on sent vraiment l'inspiration World of Warcraft à tous les coins de rues. Qu'il s'agisse des maisons de Logar ou de l'architecture de Varanas, ça fleure bon le style Blizzard, sans en atteindre la quintessence. Certains environnements sont même pompés de façon flagrante sur ceux de WoW, comme ces fermes bordées de champs de citrouilles et de petits moulins en bois, qui rappellent furieusement Westfall. Bien sûr, Blizzard n'a pas inventé les citrouilles, mais quand même... Runes of Magic s'éloigne toutefois du style World of Warcraft en ce qui concerne les personnages, plutôt d'inspiration manga (légère). Par contre, beaucoup de PNJ sont clonés, et surtout ils sont mal animés. Il faut voir les mouvements robotiques pour le croire, tant c'est ridicule parfois. Malgré ces défauts, avouons tout de même que RoM ne s'en sort pas trop mal pour un jeu gratuit. Sans jamais décrocher la mâchoire, le titre réserve quelques paysages réussis, notamment en forêt. Dommage qu'il n'ait pas su affirmer une personnalité propre.
Vous l'aurez compris, avec son gameplay classique, son univers classique et son design classique, Runes of Magic fait pâle figure, surtout après un titre comme The Chronicles of Spellborn, que nous avions au contraire loué pour sa prise de risque dans les trois compartiments sus-cités. Après Spellborn, Runes of Magic fait l'effet d'une grande platitude, même si son classicisme est aussi synonyme de mécaniques efficaces bien rodées. Reste que le titre de Runewaker a pour lui un argument massue : sa gratuité. De ce côté-là, le jeu ne nous prend pas en traître en nous faisant miroiter des objets inaccessibles comme Dungeon Runners. Il est tout à fait possible de s'amuser et de développer un personnage correct sans jamais mettre la main au porte-monnaie. Ceux qui céderont aux sirènes de l'item shop ne se verront pas favorisés en termes de puissance, mais plutôt au niveau du confort de jeu. Ils auront ainsi accès à des montures permanentes, à des emplacements supplémentaires à la banque et dans l'inventaire, à des meubles pour décorer leur maison... Notre seul regret est que la respécialisation passe elle aussi par l'achat d'un objet, au lieu d'être accessible librement (à l'exception d'une fois au niveau 30). Il faut donc veiller à dépenser ses points de talent judicieusement.
En plus de son prix, le jeu a un autre atout : son accessibilité. En effet, Runes of Magic a le mérite de ne pas être prise de tête, ce qui devrait plaire aux nouveaux venus. Les items tombent généreusement, il est possible de louer une monture dès le premier niveau, la difficulté est plutôt basse... Bref, un titre idéal pour débuter en douceur dans le milieu, à des lieues des MMO asiatiques habituels, généralement réputés pour leur côté hardcore. Cette grande accessibilité est néanmoins gâtée par un détail qui posera problème à de nombreux joueurs : pour l'instant, Runes of Magic est uniquement disponible en anglais et en allemand. Une version française a récemment été annoncée, mais à "moyen terme", il ne faut donc pas l'espérer dans les prochains mois. En attendant, il faudra composer avec la langue de Shakespeare et la population bigarrée des serveurs internationaux. La communauté est d'ailleurs plutôt bon enfant, même si vous n'échapperez pas aux inévitables spams des vendeurs d'or, heureusement vite relégués dans la liste noire. Ni à quelques enquiquineurs qui viendront vous piquer "votre" spot de ressource juste sous votre nez. Le système d'artisanat est d'ailleurs à l'image du reste du jeu : fondamentalement classique. Des métiers de collecte (bûcheron, mineur...), des métiers de création (forgeron, alchimiste, tailleur, cuisinier...), des recettes et des ingrédients trouvables sur les monstres ou chez des marchands... Bref, du déjà-vu.
- Graphismes13/20
Il y a plusieurs choses qui fâchent dans l'aspect visuel de Runes of Magic. A commencer par son design, tantôt quelconque, tantôt franchement pompé sur celui de World of Warcraft, mais sans jamais atteindre la maîtrise artistique de Blizzard. D'un point de vue technique, ce sont surtout les animations qui font tache de par leur extrême rigidité. Les différentes créatures sont correctement modélisées, même si on déplore un grand nombre de clones chez les NPC, témoins d'un éditeur de personnages pas assez poussé. Ce constat sévère est cependant contrebalancé partiellement par la gratuité du titre.
- Jouabilité12/20
Qu'il s'agisse des quêtes, de l'artisanat ou du système de combat, Runes of Magic démontre un certain penchant pour la frilosité, en recopiant des schémas déjà vus maintes fois chez la concurrence. Et quand le jeu tente d'innover, avec les runes ou le multiclassage par exemple, c'est tantôt peu inspiré, tantôt bancal. Pas de quoi attirer les joueurs expérimentés à la recherche de nouveauté.
- Durée de vie14/20
Runes of Magic se targue de proposer plus de mille quêtes, mais il faut voir leur gueule... L'immense majorité étant parfaitement inintéressante, la progression devient rapidement fastidieuse. Du côté de la zone de jeu, RoM propose une petite dizaine de régions à explorer, sans compter les donjons. Cela ne représente pas une superficie énorme, mais c'est tout de même pas mal. Atteindre le palier maximum dans chacune des deux classes choisies ne sera pas une mince affaire, sans parler des compétences d'artisanat.
- Bande son13/20
La musique se fait plutôt discrète, laissant la place à un silence seulement troublé par quelques bruitages, pas toujours très réussis d'ailleurs, notamment en ce qui concerne les bruits de pas et les cris de certains animaux. Quand un morceau se décide enfin à résonner, il est généralement de bonne facture, bien que les orchestrations aient tendance à manquer un peu d'épaisseur. On reste loin du caractère épique de la BO de WoW. Enfin, les NPC sont muets, comme souvent dans le genre, on n'en tiendra donc pas rigueur.
- Scénario13/20
L'univers de Runes of Magic aurait gagné à être davantage intriqué à l'expérience de jeu, en étant développé au travers des quêtes et des dialogues. Car malgré sa relative familiarité, le monde de Taborea possède un certain charme. Dommage qu'il n'y ait qu'une seule race jouable, alors que le titre a pourtant la bonne idée de proposer autre chose que les sempiternels elfes et nains.
Classique, voilà sans doute le mot qui définit le mieux ce Runes of Magic. Un mot à double tranchant : cela signifie à la fois que le jeu utilise des mécanismes qui ont fait leur preuve, mais aussi qu'il manque cruellement d'originalité. Du coup, il risque de partager les différents publics. D'un côté, les vieux briscards des MMORPG risquent de rester froids devant une formule aussi routinière. De l'autre, les néophytes devraient être conquis par la gratuité du titre et son accessibilité, qui font de Runes of Magic une bonne porte d'entrée dans le milieu. Pour savoir de quel côté vous vous situez, le mieux est encore de l'essayer.