Le retour d'Alerte Rouge a fait son petit effet l'automne passé. Mais EA ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Non content d'avoir offert une belle cure de jouvence à ce grand nom de la stratégie en temps réel, l'éditeur a souhaité poursuivre l'expérience avec une extension, La Révolte.
La première innovation de La Révolte, c'est d'abord son mode de distribution : pas de version boîte, pas de version console non plus, le jeu est uniquement disponible en ligne sur PC, au tarif de 20 euros. Sachez également qu'elle est indépendante d'Alerte Rouge 3 d'un strict point de vue technique : la possession du jeu original n'est pas requise pour faire fonctionner cette extension. Néanmoins, elle s'adresse avant tout aux fans puisqu'elle constitue le prolongement direct de l'épisode précédent au niveau scénaristique. Les nouveaux venus risquent donc d'être un peu perdus malgré la brève cinématique récapitulative. C'est comme prendre la série Lost en route : il y a beau y avoir un "résumé des épisodes précédents", le spectateur non averti est largué. Bref, La Révolte est plutôt à réserver aux connaisseurs. Voyons ce que ces derniers y trouveront et si cela mérite l'investissement.
Malgré le délai très court qui sépare cette extension du jeu de base (à peine quatre mois et demi), elle offre un contenu conséquent, au moins pour ce qui est du solo. Le plat de résistance est constitué de quatre courtes campagnes de quatre missions chacune (une par faction plus une bonus). A la tête des Soviétiques, il s'agira de faire de la résistance avec ce qui reste de la glorieuse Armée Rouge. Côté Alliés, il faudra gérer un Japon désormais sous occupation, mais pas totalement pacifié pour autant. Quant à la campagne du Soleil Levant, elle vous mettra aux prises avec des Russes prêts à tout pour conquérir l'archipel. Sans être particulièrement inspirées, ces nouvelles missions apportent quelques développements intéressants à l'histoire d'Alerte Rouge 3. Comme d'habitude, cela passe par des cinématiques kitch avec quelques situations décalées. Si on perd forcément quelques personnages du premier volet, on récupère au passage de nouveaux venus : Malcolm McDowell dans le rôle du Président européen, Holly Valance dans celui d'une journaliste, tandis que l'ancien catcheur Ric Flair incarne le Commandant Hill. Enfin, élément ô combien essentiel, les yeux de biche de Gemma Atkinson illuminent toujours les briefings alliés, sur lesquels il est plus que jamais dur de se concentrer...
Ces nouvelles campagnes sont aussi l'occasion de découvrir quelques nouveautés du gameplay, mais disons-le tout net : c'est bien maigre de ce côté-là. Il y a même parfois une certaine impression de régression, puisque les missions ne sont plus construites pour deux joueurs (adieu le mode Coopératif) et qu'elles proposent souvent des objectifs déjà vus et revus. En fait, la seule véritable nouveauté provient des unités inédites, une dizaine en tout. Les Soviétiques font plus que jamais dans la finesse avec un nouveau véhicule, le Broyeur, véritable rouleau compresseur capable de déchiqueter n'importe quoi. Niveau infanterie, un nouveau soldat fait son apparition : le ravageur, équipé de réservoirs de poison à même de ronger les chairs comme le métal. En face, il trouvera du répondant en la personne du cryolégionnaire, unité alliée dédiée à la fabrication de glaçons. Dans le même camp, le bombardier Harbinger fait des ravages avec sa puissance de feu colossale. Enfin, les Japonais peuvent compter sur le renfort des femmes archers, des ronins blindés et du bien nommé drone de destruction. La plupart de ces nouvelles unités sont plutôt sympathiques à utiliser et donnent dans la surenchère, poussant le design un peu plus loin dans le gros délire que les amateurs d'Alerte Rouge apprécient tant.
Mais le principal intérêt de La Révolte n'est pas là. Il se situe plutôt dans la campagne bonus, qui nous fait incarner Yuriko Omega dans une série de missions retraçant son histoire, depuis son enfance dans un centre de recherches psychiques jusqu'à ses retrouvailles avec sa soeur Azumi. Sur la forme, cette aventure fait penser à la campagne bonus de Warcraft 3 : The Frozen Throne (qui nous faisait vivre la fondation de Durotar aux commandes de Rexxar), en cela qu'on y joue un unique héros. En beaucoup moins long, certes, mais tout aussi épique. Oubliez la stratégie, la construction de bâtiments et la gestion de ressources, il s'agit plus d'un genre de hack'n slash. Le gameplay consiste principalement à utiliser les différents pouvoirs de Yuriko. Le bouclier psionique retourne les dégâts à l'envoyeur, le contrôle psychique permet d'asservir l'infanterie... Certaines capacités sont carrément jouissives à utiliser, comme la télékinésie. Il faut voir la frêle Japonaise soulever un tank par la seule force de son esprit, puis l'abattre violemment sur un second véhicule. Hop, en une seconde, voilà deux blindés ennemis qui disparaissent dans un déluge de feu, l'action étant toujours aussi jolie à regarder. Le level-design est plutôt bien conçu pour tirer parti des possibilités de l'héroïne. Lors de son évasion d'un camp de détention allié, c'est un régal de libérer les autres captifs pour les voir se retourner contre leurs anciens geôliers. Bref, vous l'aurez compris, cette campagne est une franche réussite.
Enfin, ce tour d'horizon du nouveau contenu ne serait pas tout à fait complet sans mention du mode Défi, dans lequel vous allez pouvoir mesurer votre niveau face à une cinquantaine d'objectifs variés. Chaque défi peut être accompli à la tête de la faction de votre choix, sachant que toutes les unités ne seront pas d'emblée disponibles (elles sont débloquées au fur et à mesure en guise de récompense). Sans être transcendant, ce mode a toutefois le mérite d'allonger une durée de vie par ailleurs handicapée par l'absence totale de fonctionnalités multijoueurs. C'est dommage, car les nouvelles unités auraient pu faire des ravages dans les affrontements entre potes. Il faudra donc se contenter de s'en servir contre l'ordinateur. Mais au final, l'impression laissée par La Révolte est tout de même positive. Sans être indispensable, elle représente une bonne extension, à même de satisfaire les fans.
- Graphismes15/20
Pas de gros changement de ce côté-là, c'est toujours très propre, avec des environnements détaillés, une eau sublime, de chouettes effets de lumières et d'explosions... Le design s'enfonce d'un cran supplémentaire dans le grand n'importe quoi, bien loin de la fadeur des Command & Conquer classiques. Bien sûr, ça ne plaira pas à tout le monde, mais ces délires sont complètement assumés et c'est ce qu'on aime dans la série Alerte Rouge.
- Jouabilité15/20
Le gameplay de base n'est pas vraiment bouleversé, même si on peut compter sur les joueurs pour trouver des nouvelles stratégies basées sur les unités inédites. Les missions sont désormais conçues pour un seul joueur, c'est un peu triste, d'autant qu'elles proposent des objectifs plutôt classiques dans l'ensemble. Heureusement que Yuriko est là pour dynamiter tout ça dans la campagne bonus.
- Durée de vie14/20
Les 16 nouvelles missions représentent un contenu correct compte tenu du tarif d'une vingtaine d'euros. Après, il restera toujours le mode Défi et les escarmouches contre l'ordinateur. Dommage que le multi soit totalement absent.
- Bande son16/20
Sans atteindre des sommets de conviction, le doublage français semble un poil plus soigné que dans Alerte Rouge 3. Effets sonores et musiques sont toujours aussi réussis, notamment les thèmes japonisants qui accompagnent les aventures de Yuriko Omega, dignes des meilleures bandes originales d'animes.
- Scénario14/20
Les nouvelles campagnes reprennent les événements où ils en étaient restés à la fin d'Alerte Rouge 3 et les développent un peu plus avant. Si cette nouvelle histoire n'est pas franchement indispensable, elle réserve tout de même quelques bons moments et offre son lot de dialogues rigolos. Le casting s'enrichit au passage de quelques têtes, dont Malcolm McDowell.
Nous n'irons pas jusqu'à dire que cette extension est indispensable, loin s'en faut. Cependant, les fans d'Alerte Rouge 3 devraient y trouver leur compte, notamment avec l'histoire de Yuriko, totalement jouissive à parcourir grâce à l'utilisation presque abusive de pouvoirs psychiques dévastateurs. De quoi passer un bon moment donc, en attendant la suite...