Très prisée des amateurs de jeux de rôle épris de liberté, la série Gothic enfante aujourd'hui un nouveau rejeton. Illégitime serait-on tenté de dire, et pas seulement parce qu'il n'a pas le même géniteur, mais bien car il risque de jeter l'opprobre sur toute la famille.
Commençons par débroussailler cette histoire de famille, vu que ça devient suffisamment compliqué pour qu'on n'y retrouve pas ses petits. La série Gothic fut créée par le studio allemand Piranha Bytes, qui est resté aux commandes jusqu'au troisième épisode inclus. Puis, c'est le désamour avec l'éditeur JoWooD, et c'est ce dernier qui obtient la garde de la licence après la séparation. Piranha Bytes part travailler sur Risen dans son coin, tandis que JoWooD confie le développement du quatrième volet (Arcania : A Gothic Tale) à Spellbound. Mais pour assurer la transition entre Gothic 3 et 4, un bouche-trou est nécessaire. Ce sera Forsaken Gods, extension indépendante qui échoit à Trine, un troisième larron jusqu'ici inconnu au bataillon. L'histoire de cet épisode intermédiaire se déroule deux ans après les événements de Gothic 3, alors que le héros anonyme repart sauver un royaume de Myrtana une fois de plus rongé par la guerre, malgré la prophétie de Xardas.
Malheureusement, cette nouvelle aventure va vite tourner en eau de boudin tant elle est affligée de nombreuses tares. Par où débuter le réquisitoire ? Peut-être par l'aspect technique, qui est certainement le domaine où les problèmes sont le plus flagrants. Gothic 3 n'était déjà pas un modèle d'optimisation, mais Forsaken Gods fait pire encore, avec des temps de chargements interminables et de nombreuses saccades, quand il ne se met tout simplement pas à freezer durant plusieurs secondes. Toujours pratique en plein combat... Et tout ça pour afficher quoi ? Eh bien pas grand-chose de beau en plus, le jeu semble même plus moche que son grand frère, que ce soit au niveau de l'eau, de la végétation ou du design des personnages, affreusement génériques et animés à grands coups de balais dans le fondement. Sans compter que les environnements manquent cruellement de vie, en dehors des villages on a l'impression de se promener dans un monde mort. Ce tableau peu reluisant est évidemment complété par une pléthore de bugs, marque de fabrique de la saga. Que serait un Gothic sans dialogues vides ou mal traduits, sans PNJ que se "fondent" un peu trop dans le décor, sans quêtes infinissables, sans collisions hasardeuses...
On l'aura compris, il est difficile de s'immerger dans cette nouvelle histoire. D'autant que du point de vue du contenu en lui-même, les choses ne sont pas meilleures. Il n'y a pas grand-chose à faire, les quêtes sont rares et guère palpitantes, le monde est réduit à Myrtana (exit Varant et le Nordmar). Bref, on s'ennuie vite. Bien sûr, le jeu offre toujours des dizaines de possibilités à explorer (magie, alchimie, forge...) au fil de la montée en niveaux, mais dans ces conditions, à quoi bon progresser ? D'autant que le système de jeu n'a pas évolué d'un pouce. Décidément, cette extension laisse un amer goût d'inachevé. Mais quelle mouche a donc piqué JoWooD pour laisser sortir un truc pareil ? Forsaken Gods dessert la série Gothic plus qu'autre chose, entachant sa réputation de bien vilaine manière. L'éditeur en semble d'ailleurs conscient, puisqu'il a adressé un message aux fans pour s'excuser, reconnaissant que la qualité du jeu était "insatisfaisante". Tu m'étonnes. Si même l'éditeur le dit...
- Graphismes6/20
Certains jeux parviennent à être à la fois beaux et fluides. Forsaken Gods réussit la "prouesse" inverse. C'est-à-dire qu'il est moche et qu'il se permet en plus de ramer, même sur une configuration puissante. Chapeau l'artiste.
- Jouabilité8/20
Là où la majorité des extensions tentent d'apporter des innovations -même mineures-, Forsaken Gods se contente de reprendre les mêmes mécanismes que son aîné. Ca ne serait pas un mal si le gameplay n'était pas pourri par une cohorte de problèmes techniques.
- Durée de vie8/20
Avec Forsaken Gods, le monde de Gothic 3 se retrouve amputé de plusieurs régions. La partie restante est désespérément vide de choses intéressantes à faire.
- Bande son14/20
Voilà bien le seul aspect à sauver dans cette extension. Pas difficile me direz-vous, puisqu'on retrouve une partie des excellentes musiques de l'original. Qu'importe ce recyclage facile, c'est un plaisir de retrouver ces thèmes enchanteurs. Quant au doublage anglais, il est d'honnête facture.
- Scénario8/20
Le royaume de Myrtana est une fois de plus secoué par des guerres entre humains et orques. Charge à vous de le pacifier. On a déjà connu plus inspiré, et on peine à rester éveillé dès la soporifique cinématique d'introduction.
La série Gothic ne méritait pas ça. D'accord, elle nous avait déjà habitués à des bugs en tous genres, mais elle avait tout de même offert de grands moments aux aventuriers persévérants. Tandis que là, le seul moment vraiment jouissif est celui de la désinstallation. Souhaitons que Forsaken Gods soit une parenthèse vite oubliée. Gothic 4 étant développé par un autre studio, laissons-lui le bénéfice du doute et espérons qu'il ranime un flambeau bien moribond après un tel coup de Trafalgar.