La vie est pleine de surprises. On croit connaître les gens, et puis voilà qu'ils révèlent une facette de leur personnalité dont on ne se doutait pas. Prenez Zorro, par exemple, cet indémodable héros mystérieux et romantique. Qui aurait cru que c'est dans La Destinée de Zorro sur Wii que le célèbre justicier tomberait le masque ? Et qui aurait cru que derrière le défenseur des pauvres et des opprimés se cachait un vil escroc prêt à vous dépouiller de 50 euros ?
Oubliez Bernardo, le Sergent Garcia et le Commandant Monastorio : La Destinée de Zorro sur Wii n'est pas une adaptation de la célèbre série télévisée produite par Walt Disney, et n'est pas davantage tirée des films sortis sur grand écran. Je vous avouerai que n'étant pas un spécialiste de l'oeuvre de Johnston McCulley (qui n'a de toute façon été traduite que partiellement en français), je ne puis vous dire si le scénario du jeu qui nous occupe est directement issu d'un de ses romans. Toujours est-il que l'histoire débute quand Calavera, une sorte de sauvage revêtu d'un masque de zombie et d'une armure de conquistador, enlève dame Inès afin de récupérer l'amulette qu'elle possède. Don Diego De La Vega ayant l'habitude de courtiser cette jeune femme, se lance sans attendre à son secours revêtu du costume de Zorro. Voilà, place à l'action ! Et de l'action, il va y en avoir, La Destinée de Zorro étant un beat'em all mâtiné de quelques phases de plates-formes.
Dès le premier niveau, vous risquez de pleurer toutes les larmes de votre corps : le jeu est visuellement repoussant, que ce soit sur le plan technique ou artistique. Même L'Ombre de Zorro, sorti en 2001 sur PC et PS2, affiche comparativement des graphismes de meilleure facture. Ici, les environnements sont hideux et pixellisés à outrance tandis que les personnages sont difformes et mal animés (les sbires de Calavera donnent l'impression de se retourner le coude lorsqu'ils tentent de vous frapper). Pour essayer de faire passer la pilule, les développeurs ont éloigné à l'extrême la caméra (non réglable soit dit en passant), noyant les personnages dans le décor et ruinant pour le coup les velléités d'immersion visées par la jouabilité à la Wiimote. Pire : dès que vous combattez plus de 2 ou 3 adversaires simultanément, l'action connaît des chutes de framerate accompagnées d'une caméra rendue parkinsonienne par les innombrables problèmes de collision (parfois, Zorro ne peut pas avancer à plus de 5 mètres d'un obstacle, d'autres fois au contraire il leur passe allègrement à travers). Le bilan visuel absolument désastreux (et je pèse mes mots) de La Destinée de Zorro en fait tout simplement l'un des jeux les plus moches de la Wii.
Vous voilà prévenu. Il est temps de passer au crible le gameplay du jeu, qui se révèle heureusement un peu moins catastrophique. Le couple Wiimote/Nunchuk est mis à contribution, notamment lors des combats. Zorro dispose d'un coup de base que vous pouvez exécuter "en tenant votre télécommande Wii comme si c'était une épée". C'est du moins l'argument mis en avant par la boîte de jeu. Dans les faits, agitez-la frénétiquement dans tous les sens et vous obtiendrez le même résultat. Sachez toutefois que ces passes d'armes ne permettent pas de blesser vos adversaires ; elles ont seulement pour effet de les fatiguer. Seul un autre type de coup nommé "domination", à effectuer en balançant la Wiimote tout en appuyant sur le bouton B, vous permet d'achever un ennemi groggy. Cette idée curieuse revient à ne disposer que d'une seule façon d'en venir à bout et rend les combats répétitifs. D'autres incohérences agacent. En dépit de ses talents d'escrimeur, Zorro n'est pas capable de parer les attaques qu'on lui assène : vous devez donc vous déplacer avec le Nunchuk pour les esquiver, sachant qu'une fois sur deux, les problèmes de collision évoqués plus haut vous en empêcheront.
Zorro peut tout de même utiliser son inséparable fouet pour maintenir à distance certains de ses adversaires en cas de surnombre. Il m'a par contre été impossible, malgré toute ma bonne volonté, de sortir le coup du "super-fouet" en faisant tournoyer la Wiimote au-dessus de ma tête. Par chance, le fameux "Z" est quant à lui facilement exécutable : Zorro dispose d'une jauge de détermination qui se remplit à mesure qu'il porte ses coups ; une fois pleine il suffit d'appuyer sur le bouton Z (ça ne s'invente pas) et de dessiner rapidement à la Wiimote, dans les airs, la lettre fétiche pour que le vengeur masqué marque son infortunée victime. Le coup occasionne une remontée immédiate de la jauge de vie de Zorro, ce qui n'est pas un mal vu qu'elle s'épuise assez vite. Les affrontements restent toutefois ridiculement faciles, et ce pour plusieurs raisons. D'une part, vos opposants sont bêtes comme leurs pieds : ils se tirent dessus, restent coincés dans le décor et ne manifestent aucun embryon de bon sens. D'autre part, sachez que si d'aventure vous veniez à passer l'arme à gauche, vous réapparaîtriez alors aussitôt, frais comme un gardon, sans qu'il en soit de même pour les ennemis occis. Autant dire que le challenge en prend un sacré coup !
Le volet action/aventure se révèle tout aussi décevant. Les niveaux de jeu, souvent peu étendus, sont truffés de murs invisibles vous orientant dans la direction voulue par les développeurs. Il vous faut parfois monter sur une plate-forme ou activer un mécanisme. Un cercle vert vous indique alors qu'il y a une action possible, quand on ne vous explique pas carrément ce qu'il faut faire. Zorro ne pouvant ni sauter ni interagir directement, tout passe par son fouet : pointez la Wiimote sur le cercle vert et pressez le bouton A pour le voir bondir, grimper, s'accrocher ou tirer un levier. Autant dire que ces actions semi-automatiques réduisent l'aspect plates-formes à peau de chagrin. Le titre saura toutefois, à l'occasion, vous ménager une bonne petite crise de nerfs. Certaines phases de jeu doivent en effet être accomplies en temps limité, comme ces explosifs à désamorcer dans le troisième niveau. La jouabilité épouvantable vous contraindra inexorablement à manquer de temps et à en passer par plusieurs game over avant de pouvoir venir à bout de cette séquence. Autant dire que c'est un peu la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Mais si vous êtes parvenu jusqu'ici, c'est que vous savez à quoi vous en tenir, n'est-ce pas ?
- Graphismes2/20
Décors dégueulasses et pixellisés, modélisation préhistorique, animation grotesque, chutes de framerate, bugs graphiques, problèmes de collision, caméra trop éloignée et victime de spasmes incessants : carton plein pour La Destinée de Zorro. Allez, tequila pour tout le monde !
- Jouabilité6/20
Le gameplay n'est pas dénué de bonnes intentions, notamment dans son utilisation des contrôles de la Wii, mais il s'enlise dans de trop nombreuses maladresses (phases de combat) et dans un trop grand dirigisme (phases de plates-formes), sans parler des problèmes de jouabilité dus au naufrage technique.
- Durée de vie7/20
Une dizaine de niveaux plutôt courts : la plupart ne seront que simple formalité, mais certains sont susceptibles de vous poser problème, même si cela ne semble pas avoir été voulu.
- Bande son7/20
Les thèmes musicaux d'inspiration hispanique se laissent écouter. Les bruitages, par contre, sont vraiment médiocres, et les voix (en anglais) des personnages franchement ridicules. Pour ne rien arranger, une voix off horripilante se sent obligée de commenter la plupart de vos actions.
- Scénario4/20
"Un cavalier, qui surgit hors de la Wii, court vers l'aventure au galop. Son nom, il le signe à la pointe de la Wiimote, d'un Z qui veut dire Zéro". Bon, un petit peu plus en l'occurrence, mais juste parce que le personnage de Zorro n'a pas été trop égratigné. Le reste est d'une rare indigence.
Candidat sérieux pour le titre du jeu le plus moche de la Wii, La Destinée de Zorro est un authentique naufrage technique dont le gameplay plein de bonnes intentions ne parvient jamais à se relever. En l'occurrence, le Z du vengeur masqué ne saurait évoquer autre chose qu'une vieille série Z, un Zéro pointé, les blagues de Télé Z ou un exil à Zanzibar.