Véritable messie du Tactical RPG pour une bonne partie des joueurs, la série des Disgaea a permis au studio Nippon Ichi Software de laisser libre cours à son imagination débordante en enrichissant, au fil des épisodes, un système de jeu au potentiel inépuisable. Avec le temps, on constate que le résultat brille toujours par son efficacité, même si la série a décidément bien du mal à se moderniser.
Quelque part, dans une dimension inaccessible au commun des mortels, se trouve un univers perverti par le vice et connu sous le nom de sous-monde. Là, les êtres porteurs d'intentions maléfiques évoluent en toute impunité sous la tutelle du Seigneur du mal, une entité située au-dessus de tout et de tous. Elevés dans le seul but de devenir des démons vils et cruels, les étudiants de l'académie du mal rivalisent de malice pour prouver à leurs professeurs qu'ils sont les pires engeances que le sous-monde ait connues. Mais aucun n'arrive à la cheville de Mao, étudiant d'honneur de l'académie et descendant direct du Seigneur du mal en personne. Cancre assumé, Mao s'est mis en tête de renverser son père dont on dit que seul un héros véritable pourrait venir à bout. Le souci, c'est que Mao, de par sa nature maléfique absolue, ne connaît rien des concepts d'amour et de justice qui sont pourtant la source du pouvoir d'un héros, ces notions étant pour lui totalement abstraites. Ainsi débute une histoire complètement farfelue, totalement dans l'esprit des productions auxquelles nous a habitué Nippon Ichi jusqu'à présent. Un jeu que l'on appréciera d'autant plus que cet épisode de Disgaea est le premier à bénéficier d'une traduction en français dans sa version européenne.
Avec cet atout dans sa manche, Disgaea 3 n'a aucune excuse pour ne pas séduire ceux qui avaient boudé la série jusque-là, le soft n'ayant pas le moindre lien scénaristique avec les précédents volets. Seule ombre au tableau, une réalisation rebutante, pour ne pas dire révoltante, que seuls les inconditionnels de la série sauront pardonner aveuglément à l'heure où le mélange 2D/3D ne semble plus avoir sa place sur une machine telle que la PS3. Ce n'est d'ailleurs pas tant ces graphismes old-school qui choquent, mais plutôt le fait que le soft n'apporte vraiment aucune amélioration visuelle par rapport aux épisodes PS2. On y retrouve les mêmes sprites des personnages, les mêmes effets lors des combats et les mêmes problèmes de caméra. Car pour un jeu qui renferme un tel potentiel ludique et tactique, il est finalement bien dommage de devoir composer avec une jouabilité aussi austère et des angles de vue aussi mal adaptés. Ceci étant dit, voilà bien le seul véritable défaut de Disgaea 3 qui, pour le reste, réjouira plus que jamais son public, à condition de passer outre le manque d'innovations apportées par ce troisième opus.
Et puisque les nouveautés ne sont guère nombreuses, autant les évoquer tout de suite plutôt que de ressasser les bases d'un système de jeu désormais connu de tout le monde. Si Disgaea 3 reprend facilement 90% des idées établies dans les volets précédents, il introduit tout de même quelques notions nouvelles qui obligeront les habitués à revoir quelque peu leur manière de jouer. Là où les personnages pouvaient, par le passé, acquérir automatiquement de nouvelles techniques liées à leur job et les développer en gagnant de l'expérience, Disgaea 3 nous oblige désormais à mettre en jeu un certain capital de mana propre à chaque personnage. Loin d'être anecdotique, cette idée permet de garder un contrôle total sur le développement des compétences de chacun, avec possibilité d'acheter de nouveaux talents ou de booster ceux déjà acquis. Le mana s'obtient en combattant mais vous en aurez besoin également pour investir dans d'autres types de bonus tout aussi intéressants, comme la création de nouveaux personnages. Celle-ci s'effectue dans la salle de classe, un élément exclusif à cet épisode et qui constitue, en quelque sorte, une nouvelle version de la Dark Assembly.
Si Persona 3 nous obligeait déjà à assister à des cours de manière régulière, le principe s'avère complètement différent dans Disgaea 3. Conscients que les cours sont une contrainte pour les étudiants du sous-monde, les développeurs s'en sont servi comme prétexte pour mettre en place des possibilités de customisation entièrement nouvelles dans la série. On pourra par exemple inscrire les élèves à des clubs d'activité pour tisser des liens entre eux, liens qui se renforceront encore plus si vous les placez côte à côte dans la salle de classe. Les changements de place sont donc loin d'être anodins puisqu'ils influeront sur la fréquence des attaques combinées, les personnages n'ayant l'idée de s'allier en combat que si leurs affinités sont compatibles. Le choix des clubs sera donc lui aussi déterminant, mais la plupart ne seront accessibles que si vous parvenez à faire valider vos propositions par les sénateurs. C'est là que le principe de la permanence rejoint celui de la Dark Assembly puisqu'il consiste à choisir un thème à faire passer puis à soudoyer les sénateurs en leur offrant des pots-de-vin pour que la majorité du conseil vote en votre faveur. En cas de refus, vous perdez le mana mis en jeu mais vous pouvez toujours essayer de les convaincre par la force, tout en sachant que le niveau des sénateurs avoisine souvent les 250. Fort heureusement, un pourcentage permet de savoir à l'avance si l'on a des chances de réussir. Ainsi, il sera plus difficile de détourner les fonds du comité que de demander le renouvellement des stocks des magasins. Autant dire qu'on passe beaucoup de temps à l'académie, le seul moyen de repartir au combat étant de sécher les cours, en tout bien tout honneur.
Il nous reste encore une nouveauté intéressante à évoquer ici, et elle concerne justement le déroulement des combats. A l'instar des autres univers maléfiques de la série des Disgaea, le sous-monde est composé d'habitants humains et de créatures animales diverses. La bonne idée est qu'il existe désormais une compatibilité entre les deux races, un Prinny pouvant décider de fusionner avec un compagnon humanoïde pour se changer en arme. C'est ce qu'on appelle le Magimorph. Vous n'avez alors plus qu'une unité au lieu de deux, mais pour peu que vos compétences vous le permettent, vous pourrez déclencher des attaques complètement dévastatrices durant quelques tours. Le reste du gameplay, bien qu'il soit toujours très au point, ne fait que reprendre et améliorer les idées qui ont fait la richesse de la série. On retrouve ainsi la notion de géoblocs qui consiste à manipuler les effets conférés par certaines cases du terrain pour tenter de provoquer des réactions en chaîne en faisant exploser les bons blocs au bon endroit. Sont présentes également les notions de piles constituées de personnages qu'on peut porter et lancer, de combos et d'attaques combinées déjà évoquées plus haut, sans oublier le monde des objets qui permet de faire évoluer ses troupes dans des niveaux très colorés. Le gameplay de Disgaea 3 est d'une telle richesse qu'il faut bien des dizaines et des dizaines d'heures pour en maîtriser toutes les subtilités. Et c'est justement pour cette raison que les fans ne manqueront pour rien au monde la sortie de cet opus en dépit de son très grand classicisme. Quant aux autres, on ne pourra que leur conseiller de tenter l'expérience à leur tour s'ils n'ont pas peur de choper le dangereux virus Nippon Ichi.
- Graphismes10/20
On ne le saurait pas, rien ne pourrait nous laisser deviner que Disgaea 3 tourne sur PS3. Le soft est, sur le plan visuel, la réplique exacte des volets PS2, les sprites en 2D étant, de toute évidence, indissociables de l'univers de Disgaea. Dommage que cette réalisation dépassée entraîne toujours les mêmes soucis de lisibilité au niveau des angles de caméra, ce qui se répercute évidemment au niveau du gameplay.
- Jouabilité14/20
Sur le fond, Disgaea 3 est irréprochable. La richesse et la complexité du système de jeu sont une mine d'or pour les amateurs du genre, et le potentiel ludique est inépuisable. En revanche, les lourdeurs du maniement et les problèmes de caméra nuisent énormément au plaisir de jeu. Sans compter que les nouveautés ne sont pas légion dans cet opus.
- Durée de vie18/20
La longévité d'un Disgaea a toujours été l'une de ses grandes forces, et il en va de même avec cet épisode dont on ne réussirait même pas à faire le tour en une centaine d'heures de jeu. Si vous n'avez pas peur de lui consacrer beaucoup de temps, Disgaea 3 est fait pour vous.
- Bande son16/20
L'équipe de Nippon Ichi ne cesse de nous surprendre sur le plan musical avec des pistes totalement imprévisibles et très diversifiées, passant de la J-Pop au tango sans aucune transition sinon par le biais d'une pirouette humoristique dont les développeurs ont le secret.
- Scénario16/20
Une histoire improbable se déroulant dans un monde issu de l'imagination sans limite d'un scénariste fou. Voilà ce qu'évoque le contexte narratif de Disgaea 3, un titre qui, dès les premières minutes, annonce la couleur...
Même si l'on a forcément envie de s'incliner devant le génie et le savoir-faire de l'équipe de Nippon Ichi Software, on regrette que le passage de Disgaea sur PS3 ne soit pas plus percutant. La réalisation dépassée et le manque d'innovations font de ce titre un troisième opus trop conventionnel que seuls les fans adopteront sans aucune réticence. Espérons que le nouveau public ne soit pas rebuté pour autant, car avec sa traduction française inespérée, sa durée de vie phénoménale et son potentiel ludique incroyable, Disgaea 3 est l'occasion idéale de découvrir la série qui a fait le renom de son développeur.