Vous en avez marre d'aligner les jeux d'heroïc-fantasy propres sur eux. Vous, ce que vous recherchez, c'est de la baston réaliste et sans concession, c'est pouvoir lancer dès les premières lueurs de l'aube des charges sauvages à dos de monture, c'est piller et incendier sans vergogne des villages ennemis. Ce qu'il vous faut, c'est Mount & Blade, un authentique concentré de plaisir comme seul un petit studio indépendant pouvait nous l'offrir. Disponible en version bêta depuis 2005, le jeu a finalement bénéficié d'une sortie officielle en septembre dernier, mais en anglais seulement. L'annonce par Paradox Interactive d'une extension multijoueur et d'une possible traduction française était sans doute ce qui nous manquait pour nous inciter à partager enfin notre passion.
Mount & Blade se situe dans la lignée d'un Sid Meier's Pirates! ou d'un Elite, ces jeux au gameplay ouvert mêlant gestion et phases d'action, le tout saupoudré d'une bonne dose de RPG. Son thème médiéval réaliste (par opposition à médiéval fantastique) le rapproche également d'un Defender of the Crown, fleuron du jeu sur Amiga. Issu d'un studio turc indépendant constitué seulement de deux personnes (un mari et sa femme !), Mount & Blade aura connu une gestation aussi lente que rigoureuse, enrichie d'une prise en compte systématique des remarques des joueurs. Taleworlds Entertainment a compris que pour rester dans les mémoires, un titre se devait de miser davantage sur la qualité de ses mécanismes de jeu que sur celle de ses graphismes, qui de toute façon vieilliront bien assez vite. Il est donc probable qu'en lançant le jeu pour la première fois, vous soyez repoussé par son aspect visuel. Ce ne sont pas tant les décors que les modèles et les animations de personnages qui peuvent choquer : les premiers ont un certain cachet avec leurs textures de pierre réalistes et leurs ciels réussis ; les seconds par contre appartiennent clairement à une époque révolue. Mais qu'importe, on s'y fait d'autant mieux que derrière ce physique un peu ingrat se cache un des titres les plus riches et les plus addictifs de ces dernières années.
Avant de rentrer dans le détail, précisons que cet article ne pourra qu'effleurer l'immense richesse de Mount & Blade. C'est le genre de titre dans lequel la progression du joueur se révèle très gratifiante : vous prenez non seulement un plaisir fou à voir votre personnage monter en puissance, développer son armée et acquérir de plus en plus de renommée, mais vous appréciez en outre de découvrir sans cesse de nouvelles subtilités, que ce soit en matière de possibilités concrètes ou en ce qui concerne la maîtrise des différents mécanismes de jeu (compétences à privilégier en fonction de l'archétype choisi, rapports de force entre les différents types de soldats, stratégie à adopter dans telle ou telle situation de combat...). Gardez toutefois à l'esprit que les débuts sont âpres et difficiles : votre personnage est lâché, nu (ou presque), dans un univers hostile où pullulent les brigands et où cinq royaumes différents (les Swadians, les Vaegirs, les Khergits, les Nords et les Rhodoks) s'affrontent au rythme d'alliances scellées puis rompues. La particularité de Mount & Blade, c'est qu'outre de n'intégrer aucun scénario ni aucune quête principale, il ne vous assigne aucun objectif particulier en début de partie. Bon, vous comprenez vite que le principe sera de monter une armée suffisamment puissante et expérimentée pour s'attirer les faveurs d'un roi dont vous pourrez alors devenir le vassal. Mais avant d'en arriver là, vous risquez de galérer pas mal et d'errer quelque peu au hasard sur la carte du monde, d'autant que vous ne pourrez guère vous appuyer sur le tutorial, qui ne vous apprend que les ficelles du combat et de la monte.
La phase de création de personnage, en revanche, est très complète. Comme dans l'illustre saga des Ultima, elle prend d'abord la forme d'une série de questions permettant d'écrire le background de votre avatar (origines, motivations...). Chaque réponse donnée a une influence directe sur ses caractéristiques de départ (force, dextérité, intelligence et charisme) et sur les compétences dérivées (en fait, le niveau maximum de chaque compétence dépend du score dans la caractéristique associée). Le jeu propose tout un tas de compétences variées (combat, équitation, pistage, premiers soins, ingénierie, persuasion, leadership, commerce...), dont l'utilisation est passive et transparente, et dont certaines affectent seulement votre personnage tandis que d'autres influent sur le groupe tout entier. Vous disposez également d'un niveau de maîtrise pour chaque type d'arme (armes à une ou à deux mains, arme d'hast, arc, arbalète, arme de lancer). Vous obtenez donc une feuille de statistiques très fouillée qui n'a rien à envier à la plupart des jeux de rôle, d'autant qu'à chaque niveau franchi, vous devez répartir soigneusement les points octroyés. Outre cette phase de création statistique, Mount & Blade vous propose de modéliser comme vous l'entendez le visage de votre avatar. Les paramètres sont suffisamment nombreux, même si le résultat n'est pas toujours à la hauteur, notamment en ce qui concerne les personnages féminins. L'inventaire propose pour sa part une prise en compte de l'encombrement (qui influe sur la vitesse de déplacement) et vous donne la possibilité d'équiper différents types d'armures, d'armes et de chevaux de style moyenâgeux.
Une fois créé, votre personnage apparaît, monté sur son fidèle destrier, sur une carte du monde peu esthétique mais qui a le mérite d'être particulièrement lisible. Y figurent les différents villages, cités et châteaux forts, mais aussi les groupes de pillards et les vassaux de chaque royaume conduisant fièrement leurs troupes, qui se déplacent tous en simili temps réel. Avant de songer à vous aventurer trop loin, vous devriez commencer par rallier la sécurité d'une grande ville. Vous passez alors en vue à la 3ème personne (une vue subjective est également disponible), chaque lieu étant entièrement modélisé en 3D. La possibilité de se promener librement et d'entamer directement la conversation avec les habitants qui vaquent à leurs occupations rend le jeu plus immersif, mais sachez qu'il reste possible d'effectuer la majorité des actions disponibles à partir d'un simple menu. Pourquoi ne pas commencer par livrer quelques combats en arène ? Ils vous permettront de pratiquer les différentes armes disponibles (épée à une ou à deux mains, masse, hache, lance, bâton, hallebarde, arc, arbalète, lames de jet...) mais aussi de gagner de l'expérience, et pourquoi pas un peu d'argent. Il faut tout de même savoir que les affrontements en arène, c'est du chacun pour soi ; si vous voulez quelque chose de moins anarchique, participez donc aux tournois qui ont lieu régulièrement. Vous combattez alors par équipes (dans lesquelles peut figurer le seigneur local !) dans plusieurs rounds successifs et pouvez même parier sur votre victoire. Pour peu que vous vous montriez suffisamment habile, cela devrait vous permettre de vous équiper suffisamment chez les marchands locaux.
Vous pouvez dès lors songer à recruter vos premiers hommes et à effectuer vos premières quêtes. Vous trouverez dans les tavernes de nombreux héros et mercenaires à embaucher, mais le mieux reste les villages, qui regorgent de paysans désireux de sortir de leur condition et donc disposés à vous suivre à moindres frais. S'ils se montrent peu efficaces à la base, l'expérience acquise au fil des combats leur permet d'évoluer selon un arbre spécifique à leur origine (chaque faction possède des qualités propres, certaines excellant en matière d'infanterie, d'autres d'archerie ou de cavalerie), jusqu'à devenir extrêmement puissants. Notez que les héros, qui ont un statut à part, évoluent de la même manière que votre personnage (vous gérez librement leur feuille de statistiques et leur inventaire). Mais attention : Mount & Blade tient compte de leurs relations respectives, et certains ne s'apprécient guère ! Quant aux quêtes, il y en a un peu partout : dans les villages (les villageois ont toujours des problèmes, c'est bien connu), dans les villes (n'oubliez pas de vous adresser aux maîtres de guildes) mais aussi dans les châteaux, où les nobles auront moult tâches à vous confier. Ce sont, à l'instar d'un Daggerfall, des quêtes générées aléatoirement : protéger un village, rechercher et punir un assassin, jouer les facteurs, demander à un seigneur de s'acquitter d'une dette pour un autre... Fatalement répétitives au bout d'un moment, elles n'en demeurent pas moins une vraie valeur ajoutée et permettent d'acquérir rapidement de la renommée. Mais ne nous le cachons pas : cette dernière s'obtient essentiellement grâce à vos faits d'armes.
Par chance, les combats constituent sans doute l'aspect le plus jouissif de Mount & Blade. Au commencement, vos troupes et celles de l'adversaire sont disposées de part et d'autre d'un immense champ de bataille généré aléatoirement ; type d'environnement, relief, climat et heure de la journée sont pris en compte. Cela a son importance stratégique puisque, par exemple, un décor montagneux se montrera traître pour la cavalerie mais profitable aux archers. Heureusement, vous avez la possibilité de donner des ordres précis à chacune de vos troupes : suivre, tenir la position, charger, etc. Il est même possible de demander à vos hommes de n'utiliser que des armes contondantes afin de faire le maximum de prisonniers, que vous pourrez par la suite revendre ou intégrer dans votre armée. Dès le début de l'assaut, l'action spectaculaire, qui implique des dizaines de combattants, prend le pas sur la tactique (sans doute un peu trop, les batailles empruntant trop rapidement une allure chaotique). Les combats montés sont les plus convaincants jamais vus dans un jeu vidéo : maniables mais point trop, les montures permettent de charger à toute allure, épée au vent ou lance pointée sur l'ennemi ; votre personnage peut même tirer à l'arc ou à l'arbalète tout en chevauchant, ce qui est assez grisant ! Il faut savoir que les coups portés sont fonction du mouvement de la souris effectué. Il est également possible, avec un peu de timing, d'utiliser les armes pour parer, à moins que vous ne préfériez opter pour le bouclier, dont la durabilité est toutefois limitée. Les combats sont donc suffisamment techniques, seul l'équilibrage entre les armes nous a semblé à revoir.
Pour le reste, vous devez également veiller au moral de vos troupes, basé sur vos actions, vos recrues, votre leadership et le confort (nourriture) que vous leur procurez. Et sachez que personne ne risquera sa vie pour vos beaux yeux : vous leur devez une solde hebdomadaire, dont l'importance augmente proportionnellement à celle de votre armée. Pour vous assurer des rentrées d'argent, vous pouvez vous adonner au commerce (qui répond à la loi de l'offre et de la demande), mais également attaquer les caravanes de marchands ou bien piller de paisibles petits villages. Mais prenez garde : certains de vos héros peuvent ne pas apprécier vos exactions et vous le faire savoir. Quoi qu'il en soit, dès que vos faits d'armes sont suffisamment glorieux pour vous attirer les faveurs d'un roi, vous avez la possibilité de devenir son vassal. En lui prêtant allégeance et en répondant favorablement à ses fréquentes exigences, il peut même vous octroyer un fief, un village que vous pouvez développer et qui vous procure des revenus réguliers. Mais s'allier à un royaume revient souvent à lutter contre ses ennemis : c'est l'occasion d'assister votre roi dans ses campagnes. Vous allez combattre aux côtés de vos alliés dans de mémorables batailles épiques ou bien encore les aider à assiéger des châteaux. Les sièges sont l'occasion d'utiliser de sympathiques engins (passerelles et tours d'assaut) avant d'assaillir joyeusement le fort. Parfois, votre roi vous fait même don du château que vous venez de prendre : vous pouvez alors y laisser vos troupes en garnison, ainsi que vos prisonniers. Et si l'un d'eux est un seigneur, pourquoi ne pas demander une rançon ?
Mount & Blade regorge donc de possibilités, même si l'absence de finalité est susceptible d'en rebuter plus d'un : impossible de devenir roi ou d'éradiquer toutes les factions de la carte, les parties étant conçues pour ne jamais se terminer. Autre écueil : après des débuts douloureux, le jeu a tendance à devenir plus facile, et sans doute trop. Pour pallier cela, il est possible de régler tout un tas d'options, source de réalisme et de challenge supplémentaire. Et si ça ne vous suffit pas, sachez que la communauté des moddeurs s'est depuis longtemps emparée de ce vrai petit bijou ludique.
- Graphismes11/20
Nul besoin de se voiler la face : Mount & Blade propose un rendu visuel tout juste acceptable. L'interface est austère, les modèles de personnages obsolètes et l'animation très inégale (les chevaux sont curieusement mieux animés que les soldats). Les décors sont plus convaincants, mais il vous faudra télécharger les derniers MODs graphiques si vous êtes exigeant sur ce point.
- Jouabilité17/20
Les mécanismes de jeu sont bien huilés, les possibilités innombrables, la liberté quasi totale. Qui plus est, Mount & Blade peut être configuré à souhait, pour être rendu plus accessible ou au contraire plus difficile. Seul vrai bémol : la difficulté à "rentrer dedans", conséquence d'un aspect old school assumé mais aussi d'un tutorial qui, bien qu'utile, se montre cependant très incomplet.
- Durée de vie16/20
Mount & Blade se révèle terriblement addictif. Malgré (ou grâce à) l'absence de réelle finalité, on se prend à créer plusieurs parties différentes pour pouvoir expérimenter tous les aspects du jeu. Un certain sentiment de lassitude peut poindre au bout d'un moment, mais pas davantage que dans un Pirates!. On n'attend donc plus qu'un mode multijoueur, qui vient d'être annoncé.
- Bande son14/20
La bande-son de Mount & Blade est plutôt commune, mais elle a le double mérite d'être parfaitement adaptée à l'univers et de ne pas se montrer trop assommante. Les thèmes musicaux, d'inspiration médiévale, sont d'excellente facture et les bruitages en combat sont plutôt réussis. En revanche, ça manque un peu de vie dans les villes ainsi que sur la carte du monde.
- Scénario/
Mount & Blade est un jeu terriblement addictif, de la trempe de ceux auxquels vous pensez encore à l'issue d'une nuit blanche, le regard au plafond et la couverture sur le nez. Quelles que soient ses lacunes techniques, il est doté d'une mécanique de jeu superbement huilée qui renvoie à vos souvenirs de Pirates! et de Defender of the Crown. Mieux : ce titre développé par un petit studio indépendant se permet même de mettre en scène les combats montés les plus spectaculaires et les plus excitants jamais vus dans un jeu vidéo. Un vrai coup de coeur, disponible en téléchargement sous la forme d'une version d'essai limitée au niveau 7. Gageons qu'elle vous donnera envie d'acheter la clé débloquant le jeu complet.