Microsoft au révélateur Johnny Klebitz. Voilà le titre qu'il aurait été aisé de donner à ce test, tant les 50 millions de dollars déboursés par le constructeur américain pour s'octroyer l'exclusivité d'un contenu téléchargeable pour GTA IV ont fait couler d'encre sur la planète de l'éternelle guéguerre 360-PS3. Otage de ce duel de géants, The Lost and Damned nous narre l'histoire d'un groupe de bikers, comme Niko Bellic, fondu dans la masse de Liberty City.
Liberty City, de nos jours. Pendant qu'un émigré d'Europe de l'est foule le sol américain pour venir y défier ses démons, un groupe de bikers se fait toute une joie d'accueillir son Président, victorieux d'un autre enfer, celui de la détention. Billy Grey retrouve son foyer, ses "frères", sa deux-roues... Il retrouve aussi et surtout Johnny Klebitz, le héros de cet épisode, le grand gaillard que vous allez incarner. Balafré, percé, tatoué, Johnny est d'apparence le biker moyen, celui-là même qui roule des mécaniques et boit des bières à longueur de journée avec sa seule famille, les Lost. D'apparence aussi, le joueur s'attend à vivre l'aventure au rythme de la querelle qui oppose les Lost aux Angels of Death, une bande ennemie dont les membres ont également établi résidence sur des motos. Pourtant, dans un premier temps, c'est bien la relation conflictuelle entre Billy et Johnny qui va éclater au point d'être un sujet récurrent des cut-scenes qui mettent à nouveau à merveille en avant de sacrées personnalités. L'art de la caricature fine et proche de la réalité est décidément plus que maîtrisé par Rockstar ! Au point d'oublier Niko Bellic ? Certainement pas, bien au contraire...
Johnny, du haut de son mètre 85, est un personnage plein de paradoxes. S'il prône la fraternité jusqu'à la mort, il n'en reste pas moins las de la forte propension qu'a Billy à aller chercher les embrouilles et à décider seul du devenir de ses frères. De son statut de vice-président, il ne se gêne pas pour lui faire comprendre. Le parallèle est simple à faire avec la relation qu'a Niko avec Roman dans l'aventure principale. On notera ainsi qu'il existe autant de choses qui rapprochent les deux héros qui les éloignent. Si semblables et pourtant si différents, si près et pourtant si loin... Au point que Niko fasse quelques apparitions prévisibles dans cet épisode... D'ailleurs, sans spoiler, précisons que The Lost and Damned a été pensé de sorte à apporter quelques précisions à la manière dont se sont déroulés certains faits dans GTA IV. Vous saurez par exemple qui a enlevé Roman et dans quelles conditions... Ce lien qui existe entre Johnny et Niko est régulièrement suggéré, quelquefois carrément mis en avant, à tel point que l'on se demande par moments si l'extension n'a pas été réfléchie en même temps que le jeu de base. Cela dit, ne pensez pas que The Lost and Damned est une vision analogue des événements de GTA IV puisqu'il est suffisamment riche en missions et protagonistes bourrés de charisme pour se suffire à lui-même et proposer une intrigue solide qui va bien au-delà des simples écarts de conduite qu'un groupe de motards hors-la loi enchaîne dans la cité américaine.
D'entrée, le joueur débarque dans le Q.G. des Lost, une sombre planque de trois étages située à Acter où vous retrouverez Billy, Jimmy, Brian, Terry, Jason, Clay et tous les PNJ secondaires. Un lieu certes un peu crasseux mais plein de vie et qui tranche assez nettement avec les appartements de Niko, dénués de toute âme. Ici, on écoute du rock à fond les ballons, on boit des bières à la gloire de la fratrie, on s'amuse comme on peut, entre deux rixes, entre deux missions. Des distractions auxquelles Johnny va pouvoir se mêler via de nouveaux mini-jeux, comme un jeu de cartes ou une épreuve de bras de fer qui se joue en matraquant le stick analogique droit pour gagner, moyennant une petite contribution pour pouvoir participer. C'est la crise, plus rien n'est gratuit. Notre héros peut également regarder la TV ou brancher un PC pour surfer sur le net. Il peut même se recueillir devant les portraits des Lost déjà tombés et de ceux qui tomberont inévitablement. Le message est donc que vous n'êtes jamais vraiment seul dans The Lost and Damned et qu'il y a de nombreux intérêts à appartenir à ce genre de bande. Le répertoire de votre mobile déjà gonflé au tout début de l'aventure sera là pour vous le rappeler. Qu'il s'agisse de demander de l'aide ou de partir en virée, il y aura toujours un de vos potes prêt à répondre favorablement à vos besoins.
Cette complicité, vous devrez l'entretenir, l'utiliser et la respecter. L'entretenir en sortant de temps en temps siroter quelques binouzes ou profiter des traditionnelles distractions (billard, bowling, fléchettes, strip-tease, théâtre comique, restaurant...) qu'offre Liberty City. L'utiliser lorsque vous perdez par exemple votre moto, un modèle unique, en appelant Clay qui vous refourguera sa jumelle en un temps record ou si vous êtes en panne de munitions, en contactant Terry, jamais en rupture de stock. Mieux encore, si vous vous trouvez isolé, quelle que soit la raison, face à une horde d'ennemis armés jusqu'aux dents et visiblement trop nombreux pour que vous vous en sortiez vivant, un simple coup de téléphone suffira à ce que deux de vos frères rappliquent et vous aident à faire le ménage. Enfin, vous devez la respecter en veillant notamment à rester à votre place de vice-président lorsque vous vous déplacez en groupe. Sur sa moto, chaque membre des Lost se doit rester dans le sillage de Billy, sans jamais le dépasser. Si vous prenez la tête du convoi, celui-ci ne tardera pas à vous faire comprendre que le patron, c'est lui, et qu'il est le seul à pouvoir mener la troupe. Qu'importe, passer devant ne présente aucun intérêt, en dehors des rares moments où les joyeux lurons décident de faire la course jusqu'au lieu de la prochaine mission.
Ces déplacements en groupe, effectués à faible allure sont également l'occasion de discuter avec vos amis et d'en apprendre un peu plus sur les relations qu'entretient Johnny avec chacun des membres. Pour parler à l'un des Lost, il suffit de se positionner au milieu du groupe jusqu'à ce que le logo de la bande apparaisse et de s'y poster quelques courts instants. Un petit son est joué et Johnny fera une courte causette à son voisin. Ce petit élément de gameplay que constitue la parade des Lost fait davantage office de symbole plus que de nouveauté à proprement parler. Son principal atout est de ne pas être aussi rigide qu'on pouvait le craindre, les conditions de circulation influant sur l'étirement du groupe. Quoi qu'il en soit, on note de temps en temps quelques petits problèmes de collisions pour peu que vous empruntiez la trajectoire de l'un de vos potes, celui-ci peinera à éviter de vous pousser comme si vous n'existiez pas. En parallèle, si l'un des membres est semé, ne serait-ce que d'une cinquantaine de mètres, il respawnera immédiatement, pour ne ralentir personne et éviter les mauvaises surprises de scripts qui pourraient ne pas se déclencher. Enfin, ces petites virées sont également le moyen de se rendre compte du niveau des Lost qui vous accompagnent, celui-ci variant au fil des missions et de l'assurance qu'ils sont susceptibles de prendre, un élément clé au moment des gunfights, particulièrement nombreux.
Si l'on demeure dans un univers que les joueurs de GTA IV connaissent sur le bout des doigts et ont parcouru en long, en large et en travers avant de se jeter à pad perdu dans cette extension, nous notons quelques petites différences en termes de gameplay. Jonathan tout d'abord, est moins souple et un peu plus emprunté que Niko, gabarit oblige. Les déplacements à pied seront donc légèrement plus lents, les mouvements un poil moins fluides. En revanche, le joueur y gagne énormément au niveau de la conduite des deux-roues. Logique, Johnny est un biker émérite et n'a nullement besoin de temps d'adaptation pour se sentir à l'aise sur une selle de moto. Cela se traduit par une bien meilleure stabilité, une résistance aux contacts largement accrue et à une tenue de route sans faille, permettant d'apprécier les courses-poursuites à moto, ce qui n'est pas toujours le cas lorsque le chauffeur s'appelle Niko Bellic. La peur de chuter s'estompe de ce fait naturellement au fil des minutes mais Johnny n'est pas non plus collé à son siège par de la glu. Vous valdinguerez aisément si vous foncez droit contre un mur ou un véhicule, lancé à toute vitesse. Seulement voilà, le monsieur se penche naturellement, dompte sa monture sans peine, de quoi inciter le joueur à ne pas faire l'impasse sur des déplacements à moto, de peur de terminer sa course le plus bêtement du monde.
Les missions de The Lost and Damned sont pour leur part assez orientées gunfights, ce qui n'est pas surprenant, le côté guerre des bandes étant mis en avant. Il vous faudra simplement de temps en temps, entre autres, voler des motos ou venir en aide à Ashley, une junkie, l'ex de Johnny, qui possède le don de s'attirer les pires embrouilles. Du côté du multijoueur là encore, les amateurs de Online vont pouvoir s'en donner à cœur joie. On appréciera notamment le format des courses, dont les tracés ont été adaptés au petit gabarit des motos et qui permettent de se fritter en appuyant sur X et B pour donner des coups de batte à gauche et à droite de la moto. Dans un autre style, la Protection de Témoins divise les joueurs en deux groupes. L'un composera la police de Liberty City, l'autre un groupe de bikers. L'objectif de ces derniers sera de détruire le bus escorté par les premiers, un bus qui transporte un paquet de témoins prêts à aider la justice à condamner des bikers. Autre mode, nommé Loup Solitaire. C'est un grand classique puisque l'un des joueurs est poursuivi par tous les autres. Si l'un d'entre-eux l'élimine, il prend sa place, ainsi de suite. Dans un autre genre, The Lost and Damned propose un mode qui fait office d'attaque et défense de territoire (Saigneurs de la ville), un autre dans lequel le joueur doit rester en vie le plus longtemps possible à moto, face à un hélico (Tonerre-Copter) et un dernier qui nécessite de remplir des missions confiées par Angus par téléphone (Affaires du club). A cela s'ajoutent les deathmatchs en solo ou en équipe, ce qui finit de gonfler la durée de vie déjà très satisfaisante !
- Graphismes17/20
Liberty City étant entièrement débloquée dès le début de l'aventure, les joueurs bénéficient de l'intégralité de ses charmes immédiatement. Les développeurs ont ainsi tenu à mettre un peu plus en avant la périphérie de la ville pour plonger le joueur au cœur d'une guerre de bandes souvent retranchée à de sombres quartiers, loin du brouhaha du centre de la cité américaine. Les efforts faits pour proposer une proportion de cinématiques égale à celle de GTA IV et des personnages encore une fois très charismatiques sont également forts appréciables. Du tout bon !
- Jouabilité17/20
Alors qu'on aurait pu penser que le gameplay ne connaîtrait pas la moindre nouveauté, quelques bricoles fort sympathiques viennent nous rassurer. On pense notamment à la démarche de Johnny, qui prend bien en compte son gabarit, à la nette amélioration de la conduite à moto ou encore à l'apparition de nouvelles caméras en pleine action, focalisée sur le leader du groupe, en pleine parade, ou à l'intérieur de la voiture de police qui vous traque, en pleine poursuite. Au final, l'objectif est atteint, le joueur prend plaisir à rouler à moto et laisse un peu de côté les taxis !
- Durée de vie15/20
Comptez une dizaine d'heures pour terminer cette extension à 100% en solo. Ajoutez à ce temps de jeu les longues heures que vous passerez sur le multi auxquelles une demi-douzaine de nouveaux modes ont été ajoutés. Au final, pour 1 600 MS Points (20€), Rockstar ne s'est franchement pas moqué du joueur, contrairement à une majorité de contenus téléchargeables, avec en sus, de nouvelles motos et quelques armes supplémentaires.
- Bande son18/20
Les différentes radios se parent d'une cinquantaine de nouvelles musiques. En parallèle, l'ambiance sonore est évidemment un chef-d'œuvre puisqu'elle reprend tout le travail déjà fait sur GTA IV et profite de doublages toujours aussi justes et réussis.
- Scénario14/20
L'aisance qu'ont les développeurs à proposer une histoire et des personnages de qualité est assez déconcertante. Si le format de l'extension ne permet pas à l'intrigue d'être d'une grande profondeur, le joueur est rapidement plongé dans un univers pourtant pas plus sexy que ça au départ. Les différentes apparitions de Niko et le lien que l'histoire entretient avec les événements de GTA sont un bon point qui éclaire quelques faits de l'aventure principale.
The Lost and Damned n'est pas qu'un simple contenu téléchargeable. C'est une aventure pensée et réfléchie de sorte à coller avec les événements de GTA IV, et même à dévoiler quelques surprises aux joueurs. Cet épisode n'est pas une brindille et constitue réellement un privilège pour les possesseurs de 360. Johnny Klebitz et ses acolytes remplissent parfaitement leur mission, à tel point qu'il n'est pas nécessaire d'aimer rouler des mécaniques et écouter du rock pour s'immerger dans l'univers des Lost. A 20€ pièce, il serait bien étrange de tourner le dos à ce DLC, d'un niveau bien supérieur à la moyenne des téléchargements payants dans ce genre, notamment grâce au soin apporté au solo comme au multi.