Après avoir rencontré un certain succès en Asie, aux Etats-Unis et en Allemagne, Last Chaos est disponible en français depuis le 21 janvier 2009. C'est l'occasion pour nous de passer au crible ce MMORPG gratuit aux ambitions louables, mais qui laisse un sacré goût d'inachevé.
Il faut se rendre sur le site officiel de Last Chaos pour dégotter quelques informations sur le monde d'Iris, dont les troubles actuels trouvent leur origine dans une guerre entre deux dieux : Apollon le dieu de la Lumière et Eres le dieu des Ténèbres. C'est de ce conflit que sont issues les six classes de personnages proposées par le jeu : Titan, Chevalier, Ensorceleuse, Voleuse, Guérisseuse et Invocateur. Comme le laisse présager le genre grammatical de chacun de ces archétypes, il n'est pas possible de choisir le sexe de son personnage, qui est imposé. C'est une caractéristique plus typique du hack'n slash que du MMORPG, qu'on aurait préférée ne pas retrouver ici. Les éléments de personnalisation graphique sont tout aussi décevants : trois visages et trois coupes de cheveux par personnage, c'est avoir l'assurance de tomber sur son clone toutes les 10 minutes. Remarquez, il paraît qu'on a tous sept sosies dans le monde...
Dans la lignée de Lineage II et consorts, Last Chaos vous impose de longues séances de grind, indispensables pour faire évoluer votre personnage. Mais là où de nombreux autres free to play coréens proposent une progression particulièrement gratifiante (outre Lineage II, on pense à Silkroad Online ou au récent Rappelz), cet aspect se montre moins convaincant dans Last Chaos. Au centre, un système de double expérience déjà pratiqué ailleurs vous donne l'occasion d'engranger, au fil des combats menés et des quêtes accomplies, des XP et des SP. Les premiers vous permettent de franchir les niveaux, avec à la clé des points de statut (force, dextérité, intelligence, constitution) à répartir selon vos souhaits et la possibilité de porter des pièces d'équipements de plus en plus puissantes. Ces dernières sont réservées à une classe et à un niveau donnés, mais il reste possible – et c'est très appréciable – d'utiliser des armes et des armures d'un niveau supérieur au vôtre, au prix d'un malus correspondant à la différence entre les deux. Le volet compétences est plus décevant : les SP vous permettent d'obtenir et d'upgrader des compétences qui sont spécifiques à votre classe, mais dont le nombre est insuffisant (environ deux par tranches de 5 niveaux, dont une passive). Le jeu ne parvient donc pas à assurer une quelconque variété en matière de templates. La possibilité de changer de classe une fois parvenu au niveau 31 (la voleuse peut par exemple se spécialiser dans la voie du ranger ou de l'assassin) pourrait compenser partiellement cette lacune si le level cap n'était pas fixé, pour l'instant, au niveau 40.
Conséquence la plus fâcheuse du faible nombre de compétences à disposition : les combats ne sont pas aussi dynamiques qu'ils auraient pu l'être. La faute incombe aussi à un bestiaire peu excitant, composé pour l'essentiel d'animaux et de créatures mythologiques au comportement apathique et au design générique. De manière générale, l'univers de Last Chaos, qui n'offre pour l'instant que deux régions à explorer, est peu agréable à parcourir. Passons sur l'aspect technique désuet, puisque le jeu a déjà plusieurs années d'existence ; mais il faut bien admettre que sur le plan artistique, c'est encore pire. Fades, peu inspirés et dénués de toute vie, les environnements ne sont que de vastes parcs à monstres. Le PvE n'a donc rien de particulièrement sexy, d'autant que les rares quêtes proposées sont ennuyeuses et dénuées de tout élément de background. Pour relever une sauce qui a du mal à prendre, deux types de donjons sont proposés : des donjons publics, challenge à relever par des groupes de joueurs, mais aussi des donjons privés. On ne sait pas trop bien d'où sortent ni à quoi riment ces instances solos inintéressantes (il suffit de parler à un PNJ pour y être téléporté sur-le-champ) ; ce qui est sûr, c'est qu'elles viennent en appui d'une idée profondément absurde : la possibilité d'acheter des compétences utilisables uniquement dans ces donjons. Ces incohérences sont légion dans le jeu, l'immersion ayant été le moindre des soucis (certains PNJ vous parlent et vous donnent des items à distance !). D'ailleurs, la traduction française complètement ratée aligne les termes techniques (NPC, level...) à l'intérieur même de l'intitulé des quêtes.
Heureusement, Last Chaos peut compter sur ses deux points forts, qui sont vraisemblablement les deux seuls domaines du jeu à avoir été suffisamment travaillés : l'artisanat et le PvP. Commençons par ce dernier, qui s'appuie sur le concept d'alignement évolutif. A partir du niveau 16, n'importe quel joueur peut en tuer librement un autre, sachant que cette action entraînera pour lui de lourdes et fâcheuses conséquences (mort pénalisante, pseudo en rouge le désignant comme une cible pour les autres joueurs...), mais qu'il lui est aussi possible de se racheter (en effectuant du PvE, en tuant un autre PK ou en allant s'absoudre de ses pêchés chez le prêtre). Ce système bien pensé reste toutefois tributaire de ce qu'en font les joueurs et en l'occurrence, le PvP sauvage ne semble pas beaucoup plus populaire que les traditionnels combats en arène, guerres de guildes ou sièges de château-fort. L'artisanat, particulièrement complet, s'appuie sur trois phases : la collecte, le raffinage et la production. Les séances de collecte sont un tantinet fastidieuses, d'autant que l'épuisement des spots de ressources empêche de rester totalement afk (des objets nommés boosts, très recherchés, peuvent toutefois accélérer la récolte). Il faut ensuite raffiner les matières premières pour en extraire les composants utiles, tâche qu'il est possible de confier à un PNJ. Enfin, des manuels de fabrication droppés par les monstres ou disponibles auprès des marchands permettent d'élaborer différents types d'items. Ces trois étapes nécessitent tout de même de disposer des compétences adéquates, et à un niveau acceptable sous peine d'échecs fréquents, synonymes de perte de temps et d'argent.
C'est d'ailleurs là un gros point noir : les compétences d'artisanat s'achètent et s'upgradent en dépensant les mêmes points (SP) que ceux qui servent à obtenir les compétences de combat. Un artisan complet sera donc un piètre combattant, et inversement. Ou comment saborder un système riche et fouillé, qui devient pour le coup d'une utilité toute relative, d'autant que la plupart des objets productibles trônent de toute façon sur l'étal des marchands. Ces derniers vous donnent également l'occasion d'améliorer votre équipement, et ce de deux façons. En premier lieu, l'alchimiste peut recycler les armes et les pièces d'armure inutilisées pour les transformer en pierres d'upgrade pour équipement de même niveau. Les objets droppés destinés aux autres classes trouveront là toute leur utilité ! D'autres marchands vendent pour leur part des sceaux de sang, à enchâsser sur les pièces d'équipement qui ont été suffisamment utilisées en combat. Il est même possible, à haut niveau, de louer des armes auprès d'un marchand dédié. Last Chaos ne manque donc pas de fonctionnalités. Parmi les plus classiques, notons la présence de familiers évolutifs : poulains ou dragonnets suivent passivement leur maître jusqu'au niveau 31, prenant de l'expérience en même temps que lui et lui octroyant des buffs utiles, puis ils se transforment en montures et peuvent même être sacrifiés pour en tirer des matériaux rares. Dans un genre tout aussi décalé, notons la présence de pierres de lunes qui font office de monnaie à insérer dans une sorte de machine à sous médiévale, avec lots à la clé ! Gardons toutefois à l'esprit que ces fioritures n'effacent pas le sentiment d'inachevé qui prévaut.
- Graphismes9/20
Techniquement daté, artistiquement raté, le rendu visuel de Last Chaos n'impressionne guère. Pour ne rien arranger, le jeu n'est pas épargné par les bugs graphiques, les problèmes de collision et d'autres soucis dus au lag (personnage qui glisse lorsqu'il avance), particulièrement présent dans les villes.
- Jouabilité11/20
En dépit d'un système artisanat riche et complet, l'évolution des personnages n'offre pas assez de latitude. La jouabilité souffre pour sa part de quelques problèmes d'ergonomie : l'interface est perfectible, les raccourcis clavier ne sont pas paramétrables et les problèmes de pathfinding sont d'autant plus rédhibitoires que les déplacements s'effectuent uniquement à la souris.
- Durée de vie9/20
Avec seulement deux zones de jeu (agrémentées de quelques donjons publics et privés) et un level cap fixé au niveau 40, Last Chaos risque de vous lasser rapidement. Il est particulièrement regrettable que la version française n'ait pas inclus dès sa sortie les ajouts disponibles dans les version US et allemande du jeu.
- Bande son12/20
Les thèmes musicaux sont entraînants et créent même le seul semblant d'atmosphère dont puisse se targuer le jeu. Hormis les impacts de coups durant les combats, les bruitages se montrent par contre beaucoup trop discrets.
- Scénario3/20
C'est bien simple : il n'y en a pas, les seuls véritables éléments de background étant relégués au site officiel. Plus grave : l'univers souffre d'un manque flagrant de personnalité et les quêtes peu intéressantes sont entachées d'une traduction française déplorable, qui aligne les erreurs syntaxiques et orthographiques et les traductions approximatives.
Affichant un univers d'une grande pauvreté et un gameplay truffé d'incohérences de toutes sortes, Last Chaos témoigne du manque d'inspiration qui touche parfois le petit monde du MMORPG free to play asiatique. Ici, hormis un système d'artisanat riche et complet mais tué dans l'oeuf par un curieux parti pris en matière d'évolution, rien n'est approfondi ni développé avec suffisamment de conviction pour pouvoir séduire le joueur sur la durée. Le jeu n'est pas totalement dénué de qualités mais donne une impression d'inachevé qui nous pousse à le déconseiller, d'autant que la concurrence n'a sans doute jamais été aussi vivace.