Sorti des steppes glacées de la Russie, Cryostasis nous apporte un froid hivernal porteur d'une bien étrange histoire. En bouffant à tous les râteliers, les développeurs d'Action Forms risquaient de se perdre en chemin à l'image du héros de leur titre coincé dans un gigantesque brise-glaces atomique au beau milieu du pôle nord. Pourtant, contre toute attente, Cryostasis réussit haut la main son pari et parvient même à provoquer quelques frissons pas seulement dus aux températures avoisinant les -20°.
En pénétrant dans l'antre de Cryostasis, il convient de savoir où l'on met les pieds. En effet, les développeurs ont choisi sciemment une histoire nébuleuse, très nébuleuse puisque deux récits se mêlent, même si a priori, ils ne semblent avoir rien en commun. Bien malin celui qui saurait donc expliquer précisément de quoi il en retourne, le scénario oscillant constamment entre légende métaphysique et flash-back se déroulant dans le bateau échoué. Pour autant, l'histoire, se déroulant en 1968, s'avère prenante et mélange habilement des influences héritées du Titanic, The Thing, Bioshock (à qui il emprunte quelques musiques surannées) ou bien encore Condemned. En somme, plus on avance et plus le jeu gagne en intensité, en complexité, ceci rajoutant encore à l'ambiance du titre.
Une des choses les plus importantes dans Cryostasis reste également cette astuce nous permettant de revivre les événements du passé afin de changer le cours de l'histoire. Toute originale qu'elle est, cette idée n'est pas totalement nouvelle dans le monde du survival-horror puisque From Software avait suivi une piste légèrement similaire il y a quelques années avec son Echo Night Beyond sans toutefois pousser plus loin le concept. Dans Cryostatis, on ne communique pas avec les morts, on les incarne véritablement lors d'un trip temporel durant lequel, on revivra ce que les macchabées ont vécu. Mieux, vous pourrez, devrez, modifier les situations pour que la personne que vous "possédez" survive et effectue une action particulière afin qu'une fois revenu dans le présent, vous puissiez poursuivre votre route. Cet excellent élément de gameplay donne alors lieu à des séquences alliant réflexes, réflexion et vitesse. Certes, on aura tôt fait de recommencer certaines séquences sachant qu'il est parfois difficile de savoir ce qu'on attend de nous mais entre un quicksave et des sauvegardes automatiques, vous ne devriez pas éprouver de trop grandes frustrations.
Le jeu s'avère d'ailleurs assez facile malgré diverses maladresses liées à l'autre point essentiel à prendre en compte : le froid. Eh oui, je vous rappelle que nous nous trouvons au pôle nord et qu'il y fait presque aussi froid qu'à Aurillac. Vous devrez ainsi constamment trouver des sources de chaleur afin de vous réchauffer et accessoirement remonter votre jauge de vie. Pour ce faire, plusieurs moyens : les lampes, les torches mais aussi des machineries que vous pourrez activer. Un point à ne pas négliger d'autant que ces moyens détournés permettront également de remonter votre jauge d'endurance. Le hic est que dès que vous vous mettrez à marcher, votre jauge baissera, ceci étant encore plus rapide si vous voulez courir. Il eut été plus intelligent de concevoir une jauge d'endurance et une jauge de course à la manière d'un Tomb Raider. D'autant plus vrai que lorsque vous lisez des documents (cette action vous empêchant alors de bouger), votre jauge continue à descendre. Dans ces cas-là, vous trouverez généralement une source de chaleur à proximité mais le plus embêtant vient par contre des déplacements extrêmement lents du héros malgré les espaces confinés peu propices aux pointes de vitesse.
Il se peut également que les premiers combats vous semblent brouillons, réaction tout à fait compréhensible dans le sens où la caméra suit le mouvement du personnage lorsqu'il assène un coup de hache par exemple. Si vous rajoutez les coups portés par vos ennemis, il est vrai que vous aurez parfois l'impression d'être dans un grand-huit. Toutefois, après avoir compris qu'il suffit de porter un coup, reculer, avancer puis attaquer à nouveau (tout en se protégeant), vous n'aurez plus aucun soucis. A ce titre, la jouabilité s'avère bonne puisque basée essentiellement sur les deux boutons de la souris pour les quelques actions demandées. Aucun problème donc même si une fois obtenu des armes plus puissantes (lanceur de fusées de détresse, fusil de snipe...), on se rend compte que la gestion des collisions et la précision des tirs auraient mérité quelques réajustements. De même, on eut aimé des adversaires un peu plus variés, les quelques "revenants" tournant rapidement en rond. A contrario, on sera surpris de se retrouver après quelques heures de jeu devant certaines monstruosités que n'aurait pas renié un John Carpenter.
En somme, exception faite d'une histoire impénétrable (nous donnant par contre l'envie irrépressible de découvrir le pourquoi du comment), quelques combats mal fichus et une gestion du froid parfois rébarbative, Cryostasis s'avère une excellente surprise. Bien sûr, on pourra aussi lui reprocher des décors extrêmement homogènes mais sur ce point, difficile de pester, le lieu unique de l'action s'y prêtant indubitablement. Pour autant, les artistes d'Action Forms ont réussi à installer des ambiances différentes au sein d'un même décor grâce à plusieurs filtres graphiques et des couleurs saturées évoquant parfois Killzone 2 ou Silent Hill 3. Le résultat est parfaitement maîtrisé et permet au titre d'imprimer des atmosphères étouffantes malgré la fraîcheur ambiante. Bien sûr, le fait de déambuler dans un bateau fantôme perdu dans la tourmente joue aussi en faveur des sursauts qui seront souvent synonymes de mort instantanée. Pensez donc à sauvegarder très souvent afin de ne pas mourir bêtement après avoir reçu un coup de hache d'un matelot planqué dans un coin à la manière des parias de Condemned. Au-delà de ces soucis qu'on peut aisément contourner ou supporter, Cryostasis se montre un très bon produit qui plus est vendu une poignée d'euros. Honnêtement, vous en attendiez autant des géniteurs de Vivisector vous ?
- Graphismes15/20
Cryostasis propose des environnements léchés mais réclamant des machines de brutes pour être appréciés à cause d'une non optimisation désastreuse. Souvent redondant à cause du lieu unique où se déroule l'action, le jeu n'en reste pas moins très agréable à l'oeil grâce à une utilisation habile de filtres graphiques ou de couleurs saturées.
- Jouabilité13/20
Sur ce point, Cryostatis propose de très bonnes idées qui n'en restent pas moins un peu crispantes par moments. Ainsi, si la gestion de notre température corporelle est un élément intéressant, elle se traduit aussi par une jauge d'endurance se vidant rapidement, ceci étant synonyme de déplacements très lents. Enfin, le fait de revivre des événements du passé en possédant les corps des victimes du brise-glace est ingénieux car permettant d'amener quelques phases de réflexion.
- Durée de vie12/20
Le jeu n'est pas spécialement difficile et l'utilisation de quicksaves devrait encore plus vous simplifier la vie. Vous pouvez donc tabler sur une dizaine d'heures avant d'en venir à bout à moins que vous ne vous retrouviez coincé face à une énigme, ceci relevant quand même de l'exploit.
- Bande son15/20
Un doublage français surprenant de justesse nous met tout de suite dans l'ambiance. Le tout est amplifié par la bande-son toute en finesse préférant le souffle du vent ou les râles gutturaux aux musiques symphoniques. Excellent choix d'autant qu'il amplifie l'ambiance de solitude véhiculée par l'histoire et la progression.
- Scénario14/20
Difficile de porter un jugement net et tranché dans le sens où le sujet premier (le sauvetage d'un brise-glaces et de ses occupants) est traité de façon métaphysique synonyme de fin complètement hallucinée. Le tout reste intéressant mais aurait peut-être mérité quelques éclaircissements afin de mieux comprendre la relation entre notre histoire et la légende de Danko.
Cryostasis est ce qu'on peut appeler une bonne surprise et parvient sans mal à installer une atmosphère étouffante en citant des classiques du septième art et du jeu vidéo. Le résultat, drapé dans l'ombre d'un John Carpenter, n'est pas parfait mais se montre très convaincant lorsqu'il s'agit de titiller notre curiosité. Un survival-horror de qualité assurément.