Trois mois seulement après sa sortie, voilà que débarque le premier add-on payant pour Fallout 3, exclusivité Microsoft pour Games for Windows et Xbox 360. Les joueurs PS3 sont donc privés de ce contenu téléchargeable intitulé Opération Anchorage. Pas sûr que ce soit vraiment un mal...
Si l'on en juge par les voies détournées que nous avons dû emprunter pour parvenir à installer Opération Anchorage sur PC (merci à Games for Windows Live), il faut reconnaître que rien n'était fait pour nous mettre dans de bonnes dispositions. Sur Xbox 360, heureusement, nous n'avons pas rencontré ce genre de problème (encore heureux, dirons certains). Sachez toutefois que ce nouveau contenu est accessible à n'importe quel joueur de Fallout 3. Nul besoin d'avoir bouclé la quête principale ou d'avoir atteint un niveau donné : une fois le pack installé et le jeu lancé, il suffit d'attendre quelques minutes pour recevoir un appel de détresse, radiodiffusé par les Dissidents de la Confrérie Outcasts. Si vous décidez de vous rendre à l'origine du signal, vous devez commencer par aider ces joyeux lurons à se débarrasser d'un groupe de super-mutants. Puis, conduit à leur chef, vous apprenez l'objectif de votre mission : la base dans laquelle ils ont élu domicile abrite des technologies militaires avancées, soigneusement rangées derrière une porte anti-souffle qui s'ouvrira seulement à celui qui sera venu à bout d'une simulation tactique.
Le thème du jeu dans le jeu, très shakespearien dans l'esprit, permet à Bethesda de se lâcher un peu, et sans doute trop. Le simulateur vous envoie en effet en Alaska, dont les paysages gelés constituent une parenthèse appréciable en termes d'ambiance. Cette contrée est le théâtre d'une guerre qui oppose les USA à l'Empire communiste de Chine : ces "enfoirés de rouges" (sic) ont envahi la ville d'Anchorage, que l'armée américaine va tenter de libérer. Le simulateur vous permet donc de combattre aux côtés des forces spéciales américaines dans une petite série de missions vous opposant aux soldats de l'Empire chinois. Cet épisode a beau appartenir au background de Fallout, et ses relents patriotiques ont beau être compensés par un indéniable second degré, son utilisation n'en reste pas moins contestable. Derrière son fameux "War, war never changes", la série avait toujours évité de donner un visage à la Grande Guerre à l'origine de l'apocalypse. Ces réserves ont désormais disparu. Adieu le survivant taciturne méditant sur la folie des hommes dans une ambiance post-apocalyptique. Ici vous incarnez, forcé contraint, le bon soldat américain discipliné qui combat pour sa nation sans se poser de questions, aux côtés d'équipiers hurlant régulièrement "Fous l'camp d'mon pays, Coco !" ou autres "Fallait pas venir emmerder les USA !".
Bien entendu, on passerait sur ce contexte hors de propos si le nouveau contenu se montrait digne d'intérêt. Ce n'est hélas pas le cas. Pour commencer, exit la dimension RPG du titre : Opération Anchorage est constitué d'une série de missions linéaires, orientées tout-action et consistant à remplir des objectifs précis (nettoyer un avant-poste chinois, faire exploser des réservoirs de fuel...). Vous avez certes, entre chaque mission, la possibilité de rentrer à la base pour vous équiper et discuter un peu, mais pour le reste, l'accent est entièrement mis sur l'aspect FPS. Pour preuve, cet add-on propose une gestion d'escouade, dont vous devez choisir les membres (fantassins, snipers, grenadiers...) avant de partir en mission. Problème : vos équipiers se limitent à vous suivre et à faire feu sur l'ennemi, sans que vous puissiez leur donner aucun ordre (votre seule possibilité en la matière est de les virer). Du coup, il faut compter sur la solidité de l'IA. Or, autant elle était acceptable dans le jeu de base, autant elle montre ses limites dans cette parodie de GRAW : vos équipiers restent à la traîne, se mettent à couvert en l'absence de toute menace, "oublient" de vous couvrir... Rien ne vous sera épargné, d'autant que les soldats chinois ne sont guère mieux lotis : ils vous alignent comme des lapins à longue distance mais font preuve d'une stupidité effarante dès que vous arrivez à portée. Du coup, le VATS n'est plus d'aucune utilité.
Reste la possibilité d'effectuer les missions en mode infiltration mais, il faut d'une part un perso construit pour ça, et d'autre part, la gestion de la furtivité n'était pas l'aspect le plus convaincant de Fallout 3. Pour le reste, l'Opération Anchorage étant une simulation, cela entraîne de fâcheuses conséquences au niveau du gameplay : les murs holographiques à la Assassin's Creed vous empêchent de sortir des sentiers battus tandis que les corps encore fumants de vos ennemis se désintègrent aussitôt, vous empêchant de les fouiller. Votre Pip-Boy ne risque pas de surchauffer ! A côté de ça, les maps sont truffées de distributeurs de munitions et de modules offrant un regain complet de vie. Les missions deviennent donc relativement simples si l'on excepte quelques points chauds. Seuls certains adversaires, comme ces ninjas cybernétiques au pouvoir d'invisibilité, vous opposeront une réelle résistance. Du coup, la durée de vie n'excède pas les 3 à 4 heures de jeu. Reste l'aspect visuel de cette extension : il est agréable de parcourir ces étendues gelées au rendu un poil plus convaincant que celui du jeu de base. Enfin, ce serait le cas si les développeurs nous avaient épargné les nombreux bugs et problèmes de collisions divers et variés. Bref, hormis la possibilité de récupérer certains équipements intéressants au sortir du simulateur, on ne voit guère ce qui pourrait vous motiver à dépenser les 800 MS points nécessaires.
- Graphismes15/20
L'aspect graphique est le seul vrai rescapé de cette extension, dans la mesure où les paysages gelés d'Alaska se révèlent souvent plus jolis à regarder que les étendues désertiques du jeu d'origine. De même, les animations de vos nouveaux adversaires ont été soignées. Un bémol, tout de même : la gestion très imparfaite des collisions.
- Jouabilité9/20
Dans Opération Anchorage, le gameplay si séduisant de Fallout 3 n'est plus que l'ombre de lui-même. L'aspect jeu de rôle est passé à la trappe au profit d'un tout-action qui ne parvient jamais à convaincre. Désespérément linéaires, les missions sont dépourvues des nombreuses possibilités d'interaction avec l'univers qui faisaient la richesse du jeu d'origine.
- Durée de vie5/20
Trois à quatre heures de jeu suffisent à boucler la campagne d'Alaska, sans que vous puissiez bien entendu emporter quoi que ce soit de ce séjour virtuel (les Dissidents sauront toutefois vous récompenser à leur façon). Cette extension constitue davantage une "parenthèse" qu'un nouveau contenu et aurait être pu être distribuée autrement que sous la forme d'un MOD payant.
- Bande son12/20
L'ambiance musicale reprend pour l'essentiel celle du premier opus, que nous jugions à l'époque de bonne qualité mais peu adaptée à l'univers de Fallout. Les bruitages sont corrects. Le doublage en français n'est pas bon, mais au moins sa médiocrité permet-elle de doter les répliques souvent navrantes d'un second degré bienvenu.
- Scénario6/20
L'épisode de la guerre d'Anchorage devait-il être exploité de cette manière ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, le ton politiquement correct s'étoffe cette fois-ci de relents patriotiques plus ou moins digestes. Qui plus est, cette extension ne propose aucune vraie quête mais une série de missions plus linéaires et plus convenues les unes que les autres.
Avec Opération Anchorage, Besthesda réussit ce qu'il avait soigneusement évité de faire avec Fallout 3 : vider la licence de toute sa substance. Réduire le jeu à un simple FPS, c'était prendre le risque de dévoiler ses limites en la matière, et ça n'a pas loupé : missions linéaires et convenues, IA à la ramasse, gestion d'escouade peu convaincante, aspect infiltration imparfait... Cette parodie de GRAW n'a vraiment rien pour elle et nous incite à la prudence face aux futures extensions annoncées.