Bien que les origines de la saga Prince of Persia remontent maintenant à près de deux décennies, l'histoire qui nous est relatée au fil des épisodes ne concerne pas un seul et unique prince. Loin des préoccupations torturées du prince des Sables du Temps, le personnage central du nouveau Prince of Persia nous entraîne à la découverte de sa propre légende, pour un voyage à la fois poétique, esthétique et artistique.
Le contexte de ce nouveau Prince of Persia est donc volontairement ancré dans un univers flambant neuf, dépourvu de toute relation avec la trilogie des Sables du Temps. Errant sur une terre enracinée dans la mythologie Perse, celui qui nous apparaît comme étant le nouveau "prince" est le témoin d'un acte irréversible qui marque la renaissance d'Ahriman, le seigneur du mal et de la destruction. Tout comme notre héros, le joueur assiste impuissant à la destruction de l'Arbre de Vie et à la libération de la Corruption, matérialisée par une substance noire qui se déverse aux quatre coins du royaume, contaminant à la fois la terre et les êtres qui la peuplent. Dès lors, le prince n'a d'autre choix que de purifier un à un tous les sites qui ont été touchés par la Corruption, et pour cela il lui faut s'allier avec Elika, la fille de l'homme qui est responsable de ce chaos...
Dans Prince of Persia, votre quête consiste donc à partir explorer chacun des territoires touchés par la Corruption dans le but d'atteindre leur noyau pour qu'Elika le purifie à l'aide de ses mystérieux pouvoirs. Le royaume étant découpé en quatre régions protégées par des gardiens dévoués à la cause d'Ahriman, le duo doit également repousser ces êtres maléfiques en les combattant à plusieurs reprises, jusqu'à les anéantir définitivement dans leur repaire. A l'ouest, la citadelle en ruines est le territoire du Chasseur, qu'il vous faudra traquer jusque dans son antre, au-delà des remparts érigés jadis par les Ahura. Devenue une véritable usine de guerre en passant entre les mains de l'Alchimiste, la vallée est une contrée marécageuse dominée par la technologie. Elle jouxte le palais royal, jadis resplendissant, mais désormais fief de la diabolique Concubine. Enfin, à l'est, la cité de lumière est gardée par le Guerrier, un colosse insensible à vos attaques et qui ne peut être terrassé que par la ruse. La noirceur de ces quatre boss récurrents nous fait presque oublier l'absence quasi-totale d'autres ennemis à affronter durant cette nouvelle épopée. Il faut dire que l'action n'est plus la priorité numéro un de cet épisode, comme on va le voir un petit peu plus loin.
On nous annonçait un monde ouvert et c'est effectivement le cas dans le sens où l'ensemble des 25 zones du jeu sont reliées les unes aux autres sans qu'il n'y ait la moindre scission ou transition, constituant un monde extrêmement vaste qui comporte de nombreux embranchements. Ces zones peuvent d'ailleurs être explorées dans n'importe quelle ordre, et pour passer facilement d'un point à un autre sans avoir à crapahuter durant des heures dans des environnements déjà connus, la carte permet de se téléporter instantanément entre les endroits qui ont déjà été purifiés par Elika. Les niveaux en eux-mêmes n'étant pas toujours très vastes, on progresse assez rapidement, mais la durée de vie est rallongée par la nécessité d'aller chercher un maximum de sphères de lumière pour débloquer l'accès aux niveaux suivants. Cette contrainte force le joueur à prolonger nécessairement son exploration pour ne pas avoir à revenir par la suite chercher les orbes laissés en arrière. Par ailleurs, quelques énigmes, très rares, surviennent lorsqu'on les attend le moins et nous coupent parfois dans notre élan pour nous pousser à la réflexion. Ces énigmes, dont la présence est tout de même louable, ont toutes en commun une méthode de résolution assez fastidieuse qui ne conviendra pas forcément à tout le monde. Quoi qu'il en soit, leur disparition eût de toute façon été synonyme de sacrilège aux yeux des puristes de la série.
Si certains choix de gameplay pourront diviser l'opinion des joueurs, le caractère époustouflant de la réalisation devrait en revanche mettre tout le monde d'accord sur la très grande qualité graphique de cet épisode. Sans perdre de vue l'influence originale de la licence Prince of Persia et son ambiance "Mille et Une Nuits", le soft se veut davantage ancré dans la magie et la fantaisie que les trois opus des Sables du Temps qui se démarquaient par une atmosphère beaucoup plus sombre et torturée. Les concepteurs ont adopté un style graphique véritablement unique qui réalise la prouesse de rester incroyablement fidèle aux artworks qui ont servi de base artistique au projet. Le rendu visuel, qualifié "d'art illustratif" par les développeurs, donne l'impression d'évoluer dans des décors peints à la main, et dans lesquels les personnages s'insèrent de manière parfaitement naturelle. Le résultat est assez sidérant d'efficacité, les mouvements des personnages étant plus esthétiques que jamais, tandis que les paysages grandioses s'étendent à perte de vue. Rien à redire non plus concernant la mise en scène très cinématographique des combats qui s'appuie sur un grand nombre d'actions contextuelles pour rendre les affrontements vraiment palpitants à regarder.
Le prince gagne aussi en charisme et n'hésite plus à s'exprimer pour se plaindre ou pour jouer les fanfarons, sans jamais se départir d'une petite pointe d'ironie qui colle bien avec son air un peu bravache. Ses origines n'ont, à première vue, pas grand-chose de noble, l'homme étant plutôt du genre vagabond dépourvu d'attache et toujours prompt à chercher la bagarre. A ses côtés, la princesse Elika a tout d'une dame de sang royal. Opposée à son père qui est tout de même le responsable du déversement de la Corruption à travers le royaume, la demoiselle prend sa quête très au sérieux et n'hésite pas à payer de sa personne pour donner au prince ce qui lui fait cruellement défaut : des pouvoirs magiques. Celui-ci n'étant pas en mesure de remonter le temps, Elika se fait un devoir de lui tendre la main chaque fois que sa mort semble inéluctable. Concrètement, dès que vous êtes sur le point de succomber d'une manière ou d'une autre, l'écran devient blanc et la main secourable d'Elika vous ramène comme par enchantement à l'endroit où vous avez péri. Le game over n'existe donc plus vraiment dans Prince of Persia, le trépas nous obligeant simplement à recommencer une phase de jeu ratée jusqu'à la réussir. Une sorte de checkpoint omniprésent qui permet de progresser plus facilement et qui s'inscrit dans l'optique avouée de rendre la série plus accessible au grand public.
Les concepteurs ont ainsi clairement affiché leur volonté de proposer un soft qui puisse être apprécié de tous sans requérir nécessairement une grande pratique du jeu vidéo. La plupart des mouvements sont donc relativement assistés, au point qu'il suffit généralement d'orienter simplement sa direction et d'interagir au bon moment pour que le prince fasse exactement ce qu'on attend de lui sans dévier du parcours prévu. En plus des traditionnels sauts autour des barres fixes et des courses sur les murs, le prince est désormais capable d'évoluer au plafond en s'accrochant à l'aide de son gantelet métallique pourvu de griffes pour ensuite prendre appui sur des anneaux fixés en hauteur. Ses griffes lui permettent aussi de se laisser glisser en contrebas ou à l'inverse de prendre une impulsion vers le haut afin de se propulser vers une corniche. Enfin, des dalles de magie peuvent, une fois activées, vous permettre de voler dans les airs vers d'autres portions du niveau. Des phases de vol interviennent même à certains moments bien particuliers, le joueur devant alors se pencher d'un côté ou de l'autre pour éviter les obstacles. Là encore, les actions sont beaucoup assistées mais le jeu n'en reste pas moins très plaisant à parcourir, même s'il n'est pas possible de prendre des raccourcis qui, parfois, semblent pourtant tout à fait réalisables. Le jeu se chargera toujours de modifier brutalement la teinte de l'écran pour vous faire comprendre qu'Elika ne vous permettra en aucun cas de sortir du droit chemin.
Que l'on apprécie ou non ce nouveau choix de gameplay, le résultat n'en reste pas moins impressionnant à regarder et agréablement intuitif à prendre en main, même si on ne stresse plus de peur de louper un saut à la vue d'une longue séquence de pure plate-forme. Dans le même ordre d'idées, on peut regretter que les pièges soient aussi peu nombreux et que les parcours acrobatiques ne parviennent jamais vraiment à se renouveler en dépit des changements d'environnement. La chose est un peu différente pour ce qui concerne les phases de combat, les modifications apportées étant ici beaucoup plus radicales. Premièrement, l'action est très nettement mise en retrait dans cet épisode. La progression n'est que rarement interrompue par un affrontement, celui-ci pouvant parfois même être évité si vous arrivez assez vite pour anéantir la zone de Corruption avant que l'ennemi n'apparaisse. Les concepteurs ont également pris le parti d'abandonner les combats contre des hordes d'ennemis pour proposer uniquement des duels en un contre un. L'objectif étant bel et bien de rendre ces derniers plus longs et plus intenses. Ce que les fans de la série risquent de regretter, c'est l'abandon pur et simple des réflexes que l'on avait fini par assimiler complètement dans les Sables du Temps. Désormais, il n'est plus question d'essayer de prendre de vitesse son adversaire en voltigeant dans tous les sens pour le dérouter, quitte à prendre appui sur les murs pour passer dans son dos ou à faire une pirouette au-dessus de sa tête.
Dans cet opus, les duels sont en effet plus attentistes, plus axés sur le timing, le joueur ne pouvant faire aboutir une attaque qu'à la condition absolue de réussir un contre. Autrement dit, vous devez parvenir à parer au bon moment pour déséquilibrer votre adversaire et avoir ensuite le temps de contre-attaquer. Inutile de dire que vous devez alors profiter au mieux de cet instant pour placer un enchaînement de coups à rallonge, car plus votre combo sera long, plus il infligera de dégâts. Vous êtes alors libre de chorégraphier cet enchaînement à votre guise, en alternant dans l'ordre que vous voulez les frappes à l'épée, les attaques au gantelet, les mouvements acrobatiques qui projettent l'ennemi dans les airs et les assauts magiques d'Elika. En progressant dans le jeu, vos adversaires vous compliqueront la tâche en changeant d'état, ce qui vous obligera à recourir à un type d'attaque bien précis pour les neutraliser. Au final, même si cette nouvelle approche des combats se révèle assez déroutante dans un premier temps, elle révèle son efficacité une fois le système de contre assimilé et a le mérite de faire preuve d'une certaine subtilité. Reste à savoir si le concept satisfera pleinement les inconditionnels de la série qui avaient pris l'habitude de jouir d'une totale liberté de mouvements dans la trilogie des Sables du Temps. Quoi qu'il en soit, on ne blâmera certainement pas les développeurs pour leur prise de risque, surtout si les éléments mis en place pour rendre la licence accessible à un plus grand nombre de joueurs parviennent à donner un nouvel essor à la saga Prince of Persia.
- Graphismes18/20
Il suffit de poser les yeux sur les images pour mieux comprendre ce que les concepteurs entendent par un rendu visuel qualifié "d'art illustratif". Rarement les graphismes d'un jeu auront été aussi proches des artworks ayant servi de base artistique au projet. La réalisation donne l'impression d'évoluer dans des décors peints à la main et dans lesquels les personnages se meuvent avec beaucoup de grâce.
- Jouabilité16/20
Plusieurs changements majeurs ont été opérés au niveau du gameplay par rapport à la trilogie des Sables du Temps. C'est le cas principalement des combats, moins nombreux, moins libres, mais privilégiant désormais exclusivement les duels où la notion de timing apporte une certaine subtilité au déroulement des batailles. Conçu dans un souci de plus grande accessibilité, le soft reste véritablement plaisant à jouer du début à la fin.
- Durée de vie15/20
L'aventure fait intervenir 25 zones à explorer, toutes reliées entres elles pour former un immense territoire dans lequel il est heureusement possible de se téléporter. On avance rapidement dans un premier temps mais les choses se compliquent par la suite avec la collecte indispensable des sphères de lumière et la résolution de certaines énigmes parfois assez ardues.
- Bande son16/20
L'environnement sonore soutient admirablement l'action, la musique s'adaptant au gré des situations et instaurant une atmosphère radicalement différente d'une région à l'autre. Les voix en français sont réussies et le fait que le prince s'exprime sans retenue permet de mieux cerner son caractère.
- Scénario15/20
Le jeu prend place dans un cadre totalement distinct de celui qui servait de background à la trilogie des Sables du Temps. Sans perdre de vue l'influence originale de la licence Prince of Persia et son ambiance "Mille et Une Nuits", le soft se veut davantage ancré dans la magie et la fantaisie, et propose un voyage à la fois poétique et artistique. Dommage que l'histoire mette en scène aussi peu d'intervenants et que la quête de purification rende le déroulement de l'aventure assez prévisible et redondant.
Un nouveau prince de Perse vient prendre la relève de ses prédécesseurs dans un épisode placé sous le signe du changement et du renouveau. Malgré des choix de gameplay qui pourraient perturber les habitués, l'aventure se laisse découvrir avec un immense plaisir et un ravissement permanent assuré par une réalisation tout simplement magnifique. Si les prochains volets corrigent les quelques défauts évoqués dans le test, on pourrait assister à la naissance d'une nouvelle trilogie mémorable.