Basé sur l'oeuvre fondatrice du genre, Le Seigneur des Anneaux Online est un MMORPG qui, loin de prétendre rivaliser avec l'insatiable prédateur qu'est World of Warcraft, a tout de même su trouver son public. Turbine tente de passer à la vitesse supérieure avec la première extension payante du jeu : Les Mines de la Moria. Une entreprise ambitieuse, tant il paraît difficile d'insuffler dans un MMO le souffle épique de cet épisode culte du roman de Tolkien.
Sorti en avril 2007, le Seigneur des Anneaux Online s'est rapidement attiré la sympathie de la communauté des rôlistes. Outre la reconstitution fidèle des Terres du Milieu dans le respect de l'œuvre incommensurable de Tolkien, les fidèles apprécient tous ces petits détails qui favorisent le roleplay et l'immersion : possibilité de jouer d'un instrument de musique, de revêtir une tenue d'apparat, de posséder une maison... LOTRO est également un des rares MMORPG à ne pas usurper sa dimension sociale tant son système de jeu, des manoeuvres de communauté jusqu'à l'artisanat, farorise les relations entre les joueurs. Revers de la médaille : il est particulièrement difficile de "soloter" dans le jeu, les quêtes de groupe étant prédominantes. Cette particularité n'a pas manqué de rebuter certains joueurs, par ailleurs déçus du manque de dynamisme des combats, de l'aspect désertique des zones et du peu d'attrait du mode PvP. Heureusement, les développeurs de Turbine n'ont cessé de travailler d'arrache-pied depuis la sortie du jeu : 6 « livres » supplémentaires, incluant améliorations et nouveau contenu, ont été proposés gratuitement. Première extension payante du jeu, Les Mines de la Moria compte bien décupler l'expérience déjà offerte aux abonnés tout en essayant de convaincre les autres. Concrètement, elle ajoute deux classes de personnages, un système d'armes légendaires et douze nouvelles zones permettant d'accéder au niveau 60.
Après avoir arpenté l'Eriador, vous voici donc aux portes des Mines de la Moria, situées à l'est de L'Eregion et à l'ouest de la forêt de Lothlórien. Bien entendu, ne comptez pas rentrer dans la Moria comme dans un moulin. D'ailleurs, la porte des Mines (visible uniquement à la lumière des étoiles) est obstruée par les troncs d'arbres et les débris tombés suite au passage de la Communauté. Un petit rappel s'impose : dans Le Seigneur des Anneaux Online, vous n'incarnez pas directement un des héros de la Communauté, mais participez indirectement au succès de son entreprise en luttant contre les forces maléfiques. Le jeu vous confronte à certains personnages du roman tout en vous maintenant à bonne distance des événements et en vous permettant de tracer votre propre chemin. Ce principe, qui permet à Turbine de concilier implication du joueur et respect de l'œuvre originale, a été conservé dans les Mines de la Moria. A la faveur des chapitres successifs de la quête principale, qui se déroulent parfois dans des zones instanciées, l'histoire évolue pour vous permettre de marcher dans les pas de la Communauté. Dans le premier chapitre (l'extension en comprend six), vous devez aider l'expédition naine qui a décidé de se porter au secours de Balin. Comme les lecteurs de Tolkien le savent, Balin et son clan étaient partis réclamer les Mines, antique royaume des Nains ; c'était il y a fort longtemps, et personne n'a eu de nouvelles depuis.
Les premières quêtes consistent donc à aider les nains à déblayer l'entrée des Mines. Tuer les crébains qui les espionnent, les loups qui les menacent, aller chercher de quoi aiguiser leurs haches ou réparer leur pioches : voilà les tâches qui vous attendent. Il vous faut même, à l'occasion d'une quête au ton humoristique, aller demander aux nains de ne pas déranger le Guetteur, cette créature qui sommeille dans le lac qui borde les murs de la Moria. Peine perdue : le voilà réveillé ! S'en suit un combat à l'issue duquel une conclusion s'impose : votre arme est inefficace contre un tel monstre. Seule une arme antique pourrait le blesser réellement. C'est de cette façon que Turbine a décidé d'introduire le concept des objets légendaires. Une fois votre première arme du genre en main (on vous la donne), il faut commencer par aller voir un Maître des Forges pour révéler ses pouvoirs. Ceux-ci sont aléatoires et peuvent être améliorés à mesure que l'arme « prend des niveaux » : il suffit d'attribuer les points gagnés aux pouvoirs de votre choix. Mais ce n'est pas tout : il est également possible d'y sertir des reliques (de trois types différents : gemmes, runes et montures) qui ajoutent des capacités supplémentaires à l'arme. Le système est donc très complet et particulièrement intéressant ; on peut juste lui reprocher la trop grande facilité à mettre la main sur ces armes (il est d'ailleurs possible d'en cumuler six), sabordant leur côté "objet d'exception".
Muni de votre nouvelle arme, vous avez la mauvaise surprise de vous voir imposer une nouvelle tâche contraignante : la faire progresser jusqu'au niveau 10. On vous explique ainsi une dernière particularité : tous les dix niveaux, une arme légendaire doit être reforgée afin de révéler de nouvelles capacités. C'est donc parti pour une bonne heure de bashing de monstres, à moins que vous ne préfériez en profiter pour accomplir quelques quêtes en Eregion, l'une des deux zones "extérieures" de cette extension. Une fois prêt, vous pouvez enfin vous lancer à l'assaut du Guetteur. Le combat se révèle hélas particulièrement décevant car rapide et peu spectaculaire. Qu'à cela ne tienne : les Mines sont enfin accessibles ! La première impression est bonne : dans les salles immenses, dont on distingue à peine le plafond, les reliquats de l'ancienne cité naine, superbement architecturés, se mêlent aux parois rocheuses et aux stalactites. A côté de ça, les développeurs de Turbine ont adopté un parti pris destiné à sublimer l'exploration de la Moria : l'expédition naine que vous avez aidé à pénétrer dans les Mines a rapidement investi les lieux, en installant des camps dans chaque zone (ou presque) qui avait été rendue habitable par leurs ancêtres. Malgré cet effort, il faut avouer que le résultat manque quand même sacrément de vie : si l'on met de côté les décors froids et vides, sur lesquels il était difficile de faire l'impasse, on ne peut que regretter que les PNJ soient toujours aussi peu actifs et aussi peu expressifs, rendant l'immersion insatisfaisante.
Le problème tient aussi dans les quêtes qu'ils vous confient, souvent peu stimulantes. Il est louable que cette extension ait choisi de démarrer tout en retenue, mais on aurait apprécié la voir décoller progressivement. Bavasser avec une multitude de nains différents, aller nettoyer quelques salles des insectes qui les ont envahies... Voilà qui n'est guère passionnant. L'impression de jouer les seconds couteaux s'estompe peu à peu à la faveur de quêtes plus intéressantes, mais jamais le souffle épique du roman de Tolkien ne s'empare de cette extension. Le pont de Kazak-Dûm est un peu le symbole de cet écueil : détruit suite au passage de la Communauté, il est aussi peu impressionnant que les ennemis qui le gardent, dont l'agressivité fait peine à voir. A titre personnel, mon chasseur a pu traverser les Mines de bout en bout sans être trop inquiété, et ainsi accéder dès le niveau 50 à la Lothlŏrien. Cette dernière n'offre toutefois ses splendeurs qu'à ceux qui se sont acquittés de la quête principale. C'est d'ailleurs l'occasion d'un constat sur le plan graphique : un an et demi après sa sortie, LOTRO propose des environnements extérieurs dont la beauté reste inégalée, mais qui contrastent avec des intérieurs qui dévoilent un peu trop leurs polygones. Les différentes zones de la Moria ont toutefois le mérite d'être assez variées, chacune bénéficiant d'un style et d'une identité qui lui sont propres. Il y a là matière à de nombreuses heures d'exploration et à de multiples occasions de quêtes, dont la plupart ont la bonne idée de n'être plus réservées aux seuls groupes.
Autre évolution appréciable : les deux nouvelles classes proposées par cette extension se révèlent franchement convaincantes car elles apportent un surcroît de dynamisme et de technicité aux affrontements. Le Maître des Runes est un lanceur de sorts qui bénéficie à la fois de pouvoirs offensifs (feu, foudre, glace) et de capacités de soin. On apprécie l'originalité de cette classe qui, bien que potentiellement polyvalente (avec son profil de DPS/healer), est amenée à se spécialiser lors des combats afin d'accumuler de la puissance runique et de tirer le meilleur parti de ses capacités. Cela lui permet de lancer des sorts de plus en plus puissants, bien que leur rendu visuel reste mesuré pour satisfaire à l'univers de Tolkien. Tout aussi intéressant bien qu'un poil plus convenu, le gameplay de la Sentinelle fonctionne sur un système de combos à mémoriser : en activant certaines compétences dans un ordre donné, elle accède à des coups plus puissants uniquement disponibles par ce biais. Redoutable en solo mais technique et pas facile à maîtriser, elle rend le joueur moins passif et les classes traditionnelles moins séduisantes pour le coup ! Un bon point pour Turbine, dont les efforts semblent aller dans la bonne direction. Signalons enfin le remaniement du mode PvP, qui le rend un tantinet plus sympathique mais pas moins anecdotique. Au final, Les Mines de la Moria est une extension agréable, mais qui manque un peu de panache.
- Graphismes16/20
Le Seigneur des Anneaux Online est toujours aussi splendide en extérieur : les paysages sont d'une beauté visuelle et d'une poésie enchanteresses. Dans les Mines, c'est un peu plus mitigé : sans végétation et sans effets de blur, les décors révèlent des polygones trop visibles et trop saillants. Mais ces imperfections techniques s'effacent devant le travail d'orfèvre effectué sur le design de l'architecture naine. Les personnages, par contre, sont toujours aussi fades.
- Jouabilité16/20
Le Seigneur des Anneaux est un MMORPG aussi accessible et simple à prendre en main que peut l'être un World of Warcraft. Dommage que son gameplay ne bénéficie pas du même dynamisme. Pour compenser cela, les deux nouvelles classes de personnages ont le bon goût de venir ajouter une dimension technique voire stratégique qui faisait défaut aux combats.
- Durée de vie15/20
La Moria n'est pas aussi vaste qu'on voulait nous le faire croire, mais ses différentes zones sont la promesse de nombreuses heures de jeu supplémentaires, soutenues par les nouvelles compétences et les nouveaux traits qui vous conduiront doucement vers le niveau 60. Notons également l'ajout de nouvelles instances, d'un système d'armes légendaires et de deux classes de personnages supplémentaires. De quoi rassasier amplement les plus exigeants.
- Bande son13/20
Une bande-son réussie permet souvent de dynamiser les jeux qui souffrent d'un manque de rythme et d'une action assez molle. Ce n'est hélas pas le cas ici : si elles invitent à la contemplation et soulignent bien l'aspect grandiose et disproportionné des décors, les compositions musicales peinent à insuffler une dimension épique aux événements qui s'y déroulent. Les bruitages sont quant à eux aussi rares que discrets : où est l'écho qui renforce le sentiment d'oppression, où sont les tambours qui résonnent au lointain ?
- Scénario12/20
C'est sans doute la plus grosse déception de cette extension : s'il paraissait difficile d'adapter ce passage culte du roman de Tolkien qu'est la traversée de la Moria, le manque d'inspiration dont ont fait preuve les scénaristes fait peine à voir. La narration est poussive, la mise en scène pâlichonne, le démarrage trop long et les quêtes manquent d'intérêt. Reste l'univers de Tolkien toujours aussi bien retranscrit, mais on aurait préféré qu'il s'y passe quelque chose d'intéressant.
Avec Les Mines de la Moria, Le Seigneur des Anneaux Online se dote d'une extension solide sur le plan du contenu et des nouvelles fonctionnalités mais décevante en termes de plaisir de jeu et d'immersion. L'immensité de la Moria n'a d'égal que sa propension au vide, ses quêtes très convenues et son manque de souffle épique. Ce n'est pas le tout de proposer des environnements grandioses et respectueux de l'oeuvre de Tolkien : encore faut-il qu'il s'y passe quelque chose de suffisamment intéressant et accrocheur pour séduire le joueur. A côté de ça, Turbine introduit un système d'armes légendaires plutôt convaincant ainsi que deux classes de personnages diablement séduisantes. Cette extension mérite donc qu'on s'y arrête, mais pas davantage que sur celles qui sont proposées gratuitement depuis la sortie du jeu.