Alerte Rouge fête cette année ses douze ans d'existence. Douze ans déjà que le terrible conflit entre Alliés et Soviétiques a débuté sur PC. Mais aussi sept ans qu'il a pris fin, brutalement, avec La Revanche de Yuri. Depuis plus rien, silence radio. A tel point qu'on croyait l'affrontement définitivement terminé. Mais les cendres de la guerre ne faisaient que couver, attendant que quelqu'un les attise. Et ce quelqu'un, c'est l'Empire du Soleil Levant, bien décidé à faire résonner de nouveau le bruit des bottes dans les rues du monde entier.
L'année 2008 aura vu une montée en puissance de la stratégie en temps réel sur console. Les amateurs du genre auront notamment pu compter sur une valeur sûre avec La Fureur de Kane, la nouvelle campagne de C&C 3. On saluera aussi l'arrivée de quelques nouveautés de qualité, comme Universe at War, Tom Clancy's Endwar et Supreme Commander. Mais le point d'orgue de cette année pourrait bien venir du côté de chez Electronic Arts. L'éditeur américain a en effet décidé, à la surprise générale, de ressusciter Alerte Rouge, série culte dans le petit monde des STR. Moins d'un an après son annonce, le troisième volet est donc disponible sur 360, accompagné d'un tas de bonnes idées.
Alerte Rouge 3, c'est d'abord une histoire pas piquée des vers, basée une fois de plus sur une réalité historique parallèle engendrée par une manipulation du continuum espace-temps, comme dirait le doc' Emmett Brown. En clair, les Soviétiques, au bord de la défaite, utilisent une machine pour remonter dans le passé et éliminer Einstein, empêchant ainsi la victoire des Alliés. Oui, mais voilà, ce génial plan comportait une faille. Dans ce nouvel ordre mondial fraîchement créé, comme les deux blocs ennemis se neutralisent mutuellement, une troisième force en a profité pour émerger : l'Empire du Soleil Levant. Nom de Zeus ! Voilà donc qu'un larron supplémentaire s'invite à la fête. Et les Japonais sont bien décidés à tout balayer sur leur passage grâce à leur technologie très évoluée, nous y reviendrons en détail dans la revue de troupe des belligérants. En tout cas, l'introduction de cette faction inédite est un ajout de taille et représente un des principaux atouts d'Alerte Rouge 3.
Cette histoire est, comme d'habitude dans les Command & Conquer, développée par le biais de séquences filmées à l'aide de véritables acteurs. Enfin, plutôt des seconds couteaux pour la plupart, même si on note tout de même la présence de Tim Curry dans le rôle du leader soviétique. A part lui (et une guest star dont on se gardera bien de dévoiler le nom), il semblerait que pour réunir son casting, EA ait davantage misé sur la plastique des actrices que sur leur talent d'interprétation... Entre les yeux de biche de Gemma Atkinson, le regard de braise de Kelly Hu et le décolleté affriolant d'Ivana Milicevic, il sera souvent bien difficile de rester concentré sur les objectifs de mission pendant les briefings... Quoi qu'il en soit, ces séquences ont bénéficié de pas mal de moyens, mais conservent un petit côté nanar délicieusement kitsch, dont on se demande parfois s'il est totalement assumé d'ailleurs... En revanche, il est regrettable que le doublage de la version française ne suive pas. De fait, beaucoup de protagonistes ne sont pas incarnés de façon convaincante, sans compter la synchronisation labiale qui laisse à désirer.
Mais ce qui fait la force des campagnes solo, c'est surtout qu'elles sont jouables en multi ! Oui, ça paraît un peu contradictoire dit comme ça, mais en pratique c'est très facile à comprendre. Dans chaque mission, le joueur est accompagné par des forces alliées contrôlées par un commandant. Si vous préférez jouer en solitaire, pas de souci, c'est l'intelligence artificielle qui se chargera de le diriger. Vous pourrez tout de même lui assigner des ordres basiques, mais la plupart du temps, il se débrouillera correctement tout seul, comme un grand. Il prendra même parfois quelques initiatives, en demandant néanmoins votre approbation préalable. Par exemple, lors de la tentative de débarquement soviétique à Brighton, un objectif secondaire des Alliés consistera à réparer quatre tourelles de défense. Votre commandant adjoint se proposera alors spontanément pour aller retaper les deux plus proches de sa base, offre que vous n'aurez plus qu'à valider si le coeur vous en dit. Même si elle est donc en bonne partie scriptée, l'IA alliée s'en sort honorablement. Toutefois, c'est à deux joueurs humains que les missions prendront tout leur sel. Pour jouer entre amis, c'est tout simple, il suffit que l'un des deux héberge la partie, qu'il invite l'autre à le rejoindre et c'est parti !
Bien trop rare dans les STR, cette fonction de coopération est une des meilleures idées d'Alerte Rouge 3. On devrait d'ailleurs la retrouver dans d'autres titres dans le futur. Les missions des différentes campagnes proposent des objectifs variés, qui vont de la défense d'une zone à l'escorte d'un convoi en passant par des phases d'infiltration. Comme dans Command & Conquer 3, la carte s'agrandit au fur et à mesure de l'évolution des événements et propose quelques buts facultatifs. On retrouve d'ailleurs une interface très similaire à celle de C&C 3, les deux jeux reposant sur la même technologie. Cela se ressent sur les graphismes, même si le design très coloré d'Alerte Rouge 3 lui confère une personnalité propre, qui ne plaira d'ailleurs pas à tout le monde. En tout cas, le moteur 3D tient encore largement la route et affiche des effets de toute beauté, que ce soit dans le rendu de l'eau ou dans celui des explosions, qui seront évidemment nombreuses.
Niveau gameplay, le jeu se révèle relativement classique. Les unités d'Alerte Rouge 3 sont un savant mélange d'anciennes gloires des vieux épisodes, parfois légèrement remaniées, et de nouveautés. Les connaisseurs de la série ne seront ainsi pas surpris de retrouver les dreadnoughts, les chiens d'attaque, les dauphins, les soldats tesla, les MiG, les espions, les zeppelins Kirov ou encore les terribles chars de l'apocalypse, aussi connus sous le nom tout aussi évocateur de "mammouths". EA n'a pas oublié d'innover pour autant, avec quelques petits nouveaux comme les ours guerriers chez les Russes ou l'hydroptère chez les Alliés. La plupart des unités disposent désormais d'une capacité spéciale. Les Alliés sont orientés sur la défense, avec les boucliers des pacificateurs, le blindage magnétique du croiseur, la protection satellite du canon Athena ou le camouflage. Les Soviétiques, eux, font moins dans la finesse et sont franchement orientés vers l'offensive.
Quant aux Japonais, ils font preuve d'une grande versatilité, grâce à plusieurs unités qui peuvent rapidement changer de fonction. C'est le cas du Tengu et du Striker-VX, qui peuvent passer de la forme d'unités aériennes à celle de méchas en quelques secondes. On se croirait dans Transformers. Ce petit tour d'horizon des forces en présence ne serait pas complet sans l'évocation des héros. Qu'on se le dise, Tanya est de retour ! Et bien qu'elle soit désormais blonde, c'est toujours une experte en démolition grâce à ses explosifs. Elle aura cependant fort à faire, car il y a du répondant dans les camps opposés : Natasha n'a rien à lui envier côté russe, pas plus que Yuriko Omega, qui fait la fierté de l'Empire du Soleil Levant. On ne peut pas dire que les trois factions présentent des différences de fonctionnement aussi flagrantes que dans Starcraft ou Universe at War, mais l'asymétrie est bien réelle, tout en préservant globalement l'équilibre. On note bien quelques disparités dans les méthodes de construction, mais rien de vraiment marqué. De toutes façons, Alerte Rouge 3 n'est pas focalisé sur la gestion des bases. La récolte des ressources est simplifiée à l'extrême, puisqu'il suffit de poser une raffinerie devant un centre minier pour que l'argent rentre tout seul. Sans surprise, ce nouvel épisode est donc une nouvelle fois indubitablement orienté vers l'action, avec des parties nerveuses faites de multiples escarmouches et d'un harcèlement permanent.
La stratégie n'est pourtant pas en reste. Bien sûr, il ne faut pas attendre d'Alerte Rouge 3 la profondeur d'un Supreme Commander, mais le titre d'EA sait proposer suffisamment de petites idées intéressantes pour se révéler très plaisant à jouer. Il y a notamment les protocoles top-secrets, des pouvoirs spéciaux à débloquer au fil de la partie. Citons aussi la possibilité de se replier à reculons au lieu de faire demi-tour, pratique pour continuer à tirer sur l'ennemi tout en exposant la face avant des blindés, souvent plus résistante. Mais la grande innovation d'Alerte Rouge 3, c'est l'importance prise par l'élément aquatique. Certes, les précédents volets de la série comportaient déjà leur lot de véhicules amphibies, mais jamais un jeu de stratégie n'avait poussé le concept aussi loin. C'est bien simple, presque toutes les unités peuvent se déplacer à la fois sur terre et sur l'eau. Les bâtiments aussi peuvent être construits en environnement liquide, à l'exception de ceux qui produisent des troupes. Mine de rien, ça change beaucoup de choses dans la manière d'aborder les parties. La première fois qu'on voit un croiseur sortir de l'eau et continuer à progresser sur le sol grâce à ses chenilles, ça surprend ! Finalement, ce troisième épisode d'Alerte Rouge 3 est donc très concluant. Peu de défauts excepté le doublage, suffisamment de nouveautés pour convaincre, tout en conservant une grande fidélité à ses origines, il devrait sans mal séduire les amateurs du genre.
- Graphismes15/20
Le moteur de Command & Conquer reprend du service et demeure tout à fait satisfaisant. Il n'a plus rien d'impressionnant, mais affiche encore de bien jolis effets. Le design des unités est très réussi, même si le côté flashy de l'ensemble risque de déplaire à certains. On dirait parfois que les développeurs ont abusé de la couleur.
- Jouabilité17/20
Alerte Rouge 3 ne va pas révolutionner la stratégie en temps réel, ce n'est d'ailleurs pas sa prétention. Ce nouvel opus se focalise plus que jamais sur l'action, mais propose quand même une multiplicité de stratégies grâce aux nombreuses capacités spéciales des unités, aux protocoles top-secrets et à l'importance prise par l'eau. Les missions offrent un large panel d'activités et, cerise sur le gâteau, sont parfaitement construites pour accueillir deux joueurs de concert. On retrouve les menus radiaux de C&C 3, parfaitement adaptés à la jouabilité à la manette.
- Durée de vie17/20
Avec trois campagnes, jouables en coopération qui plus est, et un contenu multijoueur conséquent, Alerte Rouge 3 risque bien de squatter votre console pendant longtemps.
- Bande son15/20
La bande-son est un audacieux mélange de musique symphonique, de choeurs style Armée Rouge et de métal. Un tel assemblage peut paraître curieux au premier abord, mais c'est une franche réussite, qui offre de vrais morceaux de bravoure dont la fameuse Hell March . Les effets sonores sont à l'avenant et flattent les esgourdes. Quel dommage que le doublage français ne soit pas à la hauteur, ça gâche une partie de l'intérêt des cinématiques.
- Scénario15/20
Avec sa réalité alternative et ses personnages hauts en couleurs portés par un casting aguicheur, Alerte Rouge 3 parvient sans peine à maintenir le joueur en éveil de la première à la dernière mission. Le jeu semble toutefois hésiter dans le ton à adopter, on ne parvient pas toujours à déterminer si on est vraiment dans du second degré volontaire. Quitte à faire dans l'humour, il aurait fallu y aller plus franchement plutôt que d'osciller entre deux positionnements.
En faisant ressurgir Alerte Rouge de l'oubli dans lequel il était tombé, Electronic Arts n'a pas fait que réveiller un grand nom, qui aurait pourtant suffit à déchaîner les passions à lui seul. EA a su faire mieux, en sublimant la série sans jamais la trahir, en la hissant vers un nouveau sommet. Servi par un gameplay intelligent foisonnant de trouvailles, ce troisième chapitre fera date dans l'histoire de la saga et même du genre STR en marquant une nouvelle étape. Pas tout à fait une révolution, mais plus qu'une simple évolution, cette dernière pierre à l'édifice Command & Conquer est un grand Alerte Rouge, tout simplement, et c'est tout ce qu'on lui demande.