Si les mangas connaissent de nombreuses adaptations vidéoludiques, on ne peut pas en dire autant de la bonne vieille bande dessinée européenne. Certes, il y a bien eu quelques tentatives, notamment dans le domaine des jeux d'aventure, avec par exemple Thorgal : La Malédiction d'Odin ou plus récemment Trolls de Troy : La Cité de la Mort Rose. Mais ça reste assez peu courant. C'est donc avec plaisir qu'on accueille un nouveau représentant dans le genre, Diabolik : The Original Sin.
En effet, Diabolik est d'abord un héros de bande dessinée, créé par les soeurs italiennes Angela et Luciana Giussani dans les années 60. Enfin plutôt un anti-héros d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un voleur de génie, assisté par sa complice de toujours Eva Kant et poursuivi sans relâche par l'inspecteur Ginko. Malgré ce statut de criminel, Diabolik n'est pas fondamentalement méchant, car il possède un certain sens de l'honneur. Il est du genre à endormir les gardes gêneurs plutôt que de les tuer de sang froid. Mais il préfère encore se glisser dans l'ombre, et il est passé maître dans l'art du déguisement, grâce à son masque capable de revêtir l'apparence de n'importe quel visage. Bref, on a affaire à un personnage à mi-chemin entre Fantomas et le gentleman cambrioleur Arsène Lupin.
Autant l'avouer tout de suite, à part ces quelques généralités, votre humble serviteur connaît très peu la série Diabolik, sans doute à cause de son jeune âge... Il ne sera donc pas question ici de décortiquer cette adaptation pour savoir si elle est fidèle ou non à l'oeuvre originale, mais seulement d'en juger les qualités ludiques. On l'a vu, The Original Sin est classé dans les jeux d'aventure. Il se joue donc de manière classique (déplacements et interactions se font entièrement à la souris), et le gameplay consiste essentiellement à résoudre des énigmes à l'aide de divers objets. Il ne se limite toutefois pas exclusivement à cette tâche, puisqu'on trouve aussi quelques phases dites "d'action". Après tout, Diabolik n'est pas qu'un héros cérébral. Que les réfractaires à ces séquences se rassurent, elles ne sont pas obligatoires, puisque le jeu vous laisse le choix au début de l'aventure. Cependant, en bons professionnels consciencieux, il a été de notre devoir de les essayer pour tenter de savoir si elles étaient susceptibles de représenter le moindre intérêt. Malheureusement, la réponse est incontestablement "non". Les fameuses phases d'action se limitent à une poignée de mini-jeux basiques au possible. Qu'il s'agisse de crocheter une serrure, de tirer une fléchette soporifique à la sarbacane ou d'avancer dans l'ombre, ces séquences ne bénéficient pas d'un gameplay à la hauteur de l'enjeu. A d'autres moments, Diabolik sera en danger imminent et il faudra alors marteler le bouton de la souris comme un sourd ou simplement viser la bonne partie d'un cercle divisé en quartiers pour s'en sortir. Pas vraiment palpitant.
Et si vous pensez que la partie aventure s'en sort mieux, c'est raté, notamment à cause de grosses incohérences qui cassent immédiatement l'immersion. Exemple ? Au début, alors que Diabolik doit dérober un tableau dans un train, il assomme un garde. Il faut alors impérativement cacher le corps avant de pouvoir poursuivre. Dans le wagon suivant, le bandit fait une nouvelle victime, mais il peut cette fois laisser le malheureux bien en évidence sur la banquette sans que quiconque y trouve à redire... Autre incohérence : une paire de tenailles capable de briser une chaîne s'avère ensuite incapable de couper une mince grille ou un banal câble électrique, il faudra pour cela utiliser un laser ou un couteau... Enfin, que penser d'un voleur professionnel doté d'un passe-partout incapable d'ouvrir une serrure dont une simple épingle à cheveux vient à bout ? Diabolik manque cruellement de logique. Si vous ajoutez à cela une interface mal conçue (l'inventaire est particulièrement pénible à utiliser), l'impossibilité de courir, des graphismes pas franchement au top, vous comprendrez aisément que le titre d'Artematica n'obtienne pas nos faveurs. The Original Sin n'est peut-être pas une mauvaise adaptation de Diabolik sur le plan de la fidélité, mais il ne s'agit certainement pas d'un bon jeu d'aventure.
- Graphismes8/20
Dommage que les développeurs n'aient pas opté pour un rendu en cel-shading, comme cela avait été fait avec succès par Ubisoft dans XIII. Du coup, Diabolik est visuellement quelconque, voire même carrément grossier par endroits. Seules les quelques séquences façon BD noir et blanc sont plutôt réussies, avec leur découpage en cases renforcé par des onomatopées.
- Jouabilité8/20
Entre l'inventaire pas ergonomique pour un sou, le héros incapable de courir, les objets impossibles à utiliser de façon logique et les autres incohérences, Diabolik a énormément de mal à convaincre sur le plan purement ludique. Sans même parler des soi-disants phases d'action, à oublier très vite.
- Durée de vie10/20
Comme souvent, la durée du jeu dépendra de votre facilité à résoudre les énigmes, mais il faut compter approximativement une dizaine d'heures de jeu pour parvenir à la fin de l'aventure.
- Bande son12/20
La musique d'ambiance est correcte et le doublage du protagoniste principal convaincant, c'est toujours ça de pris.
- Scénario14/20
The Original Sin nous fait le coup de l'histoire qui débute par la fin : vous commencez par voir le dénouement, puis remontez dans le temps pour jouer les événements qui ont conduit à cette issue fatale. Un scénario de facture classique mais efficace.
Quand on voit le triste résultat de cette adaptation, on se dit que Diabolik aurait mieux fait de rester enfermé dans les cases de sa BD plutôt que de tenter de s'évader vers nos terres vidéoludiques. Si vous n'y prenez pas garde, l'habile voleur pourrait bien essayer de vous délester de quelques euros : ne le laissez pas faire !