Après un Jumper : Griffin's Story de sinistre mémoire, les développeurs de Brash Entertainment auraient pu se retirer dans un monastère tibétain. Que nenni : les voilà de retour avec une nouvelle adaptation vidéoludique, celle des Chimpanzés de l'Espace. Dès les premières minutes, il en émane un délicat parfum de daube que la suite ne démentira pas.
Le jeu vous plonge directement dans l'action, sans que vous sachiez pourquoi ni comment cette joyeuse équipe de primates a atterri sur la planète Malgor, peuplée d'extraterrestres aussi hostiles que grotesques. La narration aligne les ellipses, et les scènes cinématiques extraites du film ne vous permettent jamais de comprendre un traître mot du scénario. De toute façon, cela n'a guère d'importance : Les Chimpanzés de l'Espace est un jeu de plates-formes archi-classique. Le premier niveau, qui fait office de tutorial, annonce la couleur : vous allez sauter de plate-forme en plate-forme, grimper le long de parois rocheuses, vous élancer de liane en liane, démolir une flopée d'aliens et résoudre quelques énigmes à base de clés de couleur pyramidales. En fonction des niveaux traversés, vous contrôlez alternativement Ham et Luna ; le premier dispose d'une attaque bondissante, la seconde d'une arme à distance. Le gameplay reste toutefois identique, si ce n'est que Luna peut parfois utiliser des ailes de papiloeil pour voler d'un point A à un point B, dans des séquences à la jouabilité catastrophique. Seule particularité, et non des moindres : un des niveaux, proposé aux 2/3 de l'aventure, met en scène Hal perché sur une espèce de raie manta volante ; c'est l'occasion d'une phase de shoot'em up ringarde et soporifique, qui accuse vingt bonnes années de retard.
Plus grave : Les Chimpanzés de l'Espace est un jeu inadapté au jeune public. Certaines énigmes pénibles, dont les joueurs confirmés ne feront qu'une bouchée, auront vite raison de la patience des plus petits. Le problème étant qu'il n'y a aucun réglage possible de la difficulté. En outre, il émane des situations un manque flagrant de logique. Par exemple, certains combats se révèlent particulièrement ardus sans que vous compreniez très bien pourquoi : vos adversaires disposent d'un skin identique à ceux croisés il y a un instant, mais font deux fois plus mal ou sont deux fois plus résistants. Dans le même registre, deux textures d'eau similaires ont des propriétés totalement différentes : il faut parfois éviter d'y risquer le moindre poil, et tantôt y plonger pour poursuivre votre progression. Qui plus est, cette dernière est extrêmement linéaire et demande de s'y reprendre à plusieurs fois avant de franchir certains passages requérant une précision millimétrée. Le jeu propose bien un système de checkpoints qui permet de réapparaître immédiatement en cas d'échec, mais il ne se rend pas pour autant accessible au jeune public, qui constitue paradoxalement la cible visée. A côté de ça, les gamers de tout poil auront vite fait d'engloutir les quatre heures de jeu proposées. Oui, ça fait cher de l'heure de jeu. D'un autre côté, cela permet au moins d'écourter votre calvaire.
Le constat est donc suffisamment implacable, mais se voit encore renforcé par une réalisation absolument désastreuse. N'ayons pas peur des mots : Les Chimpanzés de l'Espace est un véritable supplice visuel. Les environnements vides, les modèles 3D taillés à la serpe, les textures hideuses et la palette de couleurs criarde donnent l'impression de s'adonner à un jeu PS One. Pour ne rien arranger, les bugs graphiques sont légion et la gestion des collisions est tout bonnement calamiteuse (il faut voir le personnage flotter en l'air ou passer à travers les obstacles, et les plates-formes mouvantes s'encastrer dans le décor). L'animation des personnages, correcte sans plus, ne parvient pas à sauver le jeu du naufrage visuel, d'autant que les développeurs n'ont même pas pris la peine de programmer des animations contextuelles (il n'y a aucune animation lorsque votre chimpanzé meurt ou active un levier par exemple). A côté de ça, Brash Entertainment n'a pas oublié d'inclure la petite touche qui anéantit définitivement tout capital sympathie pour ce titre désastreux : sponsorisé, comme le film, par la marque Dole®, le jeu vous incite à trouver des bananes spéciales afin de débloquer de nouveaux costumes pour Ham et Luna. Et nos primates de lever victorieusement, comme s'ils avaient découvert le feu, les bananes arborant le logo de la marque. Pathétique et navrant.
- Graphismes3/20
Techniquement obsolète, truffé de bugs graphiques et dénué de tout sens artistique, Les Chimpanzés de l'Espace est le jeu Xbox 360 le plus moche que l'on ait vu depuis... Jumper (du même studio).
- Jouabilité8/20
Désespérément classique, le gameplay est tout sauf intéressant. Rien n'est fait pour sortir le joueur de sa torpeur, hormis l'absence d'ombre lors des sauts et la maniabilité fâcheuse des séquences de vol, qui lui donnent l'envie irrépressible de propulser son pad en orbite.
- Durée de vie4/20
Le titre n'offre pas plus de quatre heures de jeu au joueur confirmé. Soit dix euros de l'heure, si l'on fait bien les comptes. Quant aux enfants, auxquels il paraissait pourtant destiné, il lâcheront vite l'éponge devant la pénibilité de certains passages et le manque d'attrait des situations.
- Bande son8/20
Tout à fait dans l'esprit des grosses productions hollywoodiennes, les thèmes musicaux se laissent écouter. Les bruitages sont en revanche médiocres (voire très mauvais dans la phase de shoot'em up), et les voix des personnages particulièrement agaçantes.
- Scénario4/20
La trame narrative est exposée de façon fragmentaire via des scènes cinématiques directement issues du film. On ne comprend pas tout, mais rien que le comportement des personnages, mélange de "cool attitude" et de mièvrerie, ôte toute envie d'aller le voir.
Adaptation du long métrage d'animation actuellement sur les écrans, Les Chimpanzés de l'Espace fait figure de trou noir vidéoludique. Il engloutira tout : vos espoirs, votre patience, votre argent. Heureusement, dans l'espace, personne ne vous entendra crier.