Que ce soit par manque d'inspiration ou par volonté de miser sur des licences qui ont fait leurs preuves, les éditeurs ont parfois besoin de se tourner vers le passé pour trouver les jeux de demain. Sega déterre donc une nouvelle fois Golden Axe, qui avait déjà souffert d'un remake décevant sur PS2, et tente de remettre ce mythique beat'em all au goût du jour.
Retour en 1989. Dans les salles d'arcade, une borne arborant le logo de Sega ne désemplit pas de la journée et engloutit en continu les pièces de 5 francs. Il s'agit de Golden Axe, un beat'em all dans un univers d'heroïc fantasy. Ses sprites énormes, ses effets visuels saisissants, ses combats à dos de monture et – surtout – la possibilité de jouer avec un ami en choisissant chacun son personnage préféré, lui octroient un succès aussi incontestable que mérité. Le jeu sera porté sur Megadrive puis sur la majorité des supports de l'époque ; il connaîtra plusieurs suites et entrera au panthéon des beat'em all. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais c'était sans compter sur les talents nécromantiques de Sega, qui s'applique régulièrement à exhumer cette licence toujours porteuse. Pour le meilleur et surtout pour le pire, comme peuvent en témoigner les infortunés joueurs du remake PS2 sorti en 2003.
Secret Level, le développeur de Golden Axe Beast Rider, s'est donc efforcé de restituer la saveur du jeu d'origine tout en l'incorporant à un nouveau mélange à la sauce 3D. Le problème, c'est que la mayonnaise ne prend pas, car il lui manque un ingrédient primordial : le mode coopératif, si populaire à l'époque. Golden Axe Beast Rider est un jeu solo, et ce seul constat sonne aux oreilles des vieux croûtons nostalgiques comme une trahison. Qui plus est, le jeu ne permet pas de choisir le personnage que l'on incarne. Exit le nain et le barbare : l'amazone Tyris Flare est la seule rescapée. On se demande bien pourquoi, d'ailleurs : le déhanché d'une guerrière anorexique aurait-il donc plus de poids que la barbe interminable d'un nain ou la poitrine suintante de sueur d'un barbare ? Il faut croire. Il reste que le choix d'un personnage unique n'est justifié ni par la maigreur d'une intrigue que nous aurons le bon goût de passer sous silence, ni par l'intérêt tout relatif des scènes cinématiques.
Pour se frayer un chemin à coups d'épée parmi les hordes de sbires de l'infâme Death Adder, Tyris dispose de deux attaques de base : une rapide, source d'enchaînements, et une lente mais puissante. Elle peut aussi, d'un coup de pied rageur, propulser ses adversaires dans le vide ou sur des épieux. On reste toutefois loin d'un Dark Messiah en la matière. Ceux qui n'apprécient pas les actions contextuelles seront ravis d'apprendre qu'elles sont aux abonnés absents, mais déchanteront vite devant le système d'esquive et de parade, basé sur un horripilant code couleur. Il consiste à réagir prestement en pressant la bonne gâchette en fonction de la couleur de l'attaque subie. Cette "trouvaille" totalement hors de propos est source de difficulté et de frustration. Elle permet en contrepartie d'exécuter des contres intéressants, sous la forme de mises à mort bien gore. On retrouve enfin la possibilité de lancer quelques sorts de feu dont Tyris a le secret. Dommage que le remplissage de la jauge de mana n'influe pas sur la puissance des sorts, comme c'est traditionnellement le cas dans la série.
Les affrontements "à terre" n'ont donc rien de particulièrement enthousiasmant, d'autant que les ennemis sont trop peu variés. Heureusement, il est également possible de combattre à dos de monture. Tout au long de son périple, Tyris pourra chevaucher cinq créatures différentes, dotées chacune de caractéristiques et d'un style d'attaque qui lui sont propres : coups de queue, charge, jet de flammes, invisibilité et fureur destructrice sont au programme. Plus la bête est puissante physiquement, moins elle se laisse facilement dompter. Et si d'aventure elle se fait abattre, il est toujours possible d' "emprunter" celles de vos adversaires. L'utilisation du moteur Havok permet d'ailleurs de bondir sur le dos d'une monture déjà occupée pour la débarrasser de son cavalier. C'est toujours sympathique et parfois plus utile que de tenter de porter une "attaque sautée", particulièrement inefficace par rapport au Golden Axe d'origine. Les combats montés parviennent donc à procurer la dose de fun qui fait cruellement défaut au reste du jeu.
De manière générale, Secret Level donne l'impression d'avoir appliqué la recette qui a fait le succès de la série sans la repenser pour la 3D. Le level-design désastreux en témoigne : que les murs soient visibles ou non, ici tout n'est que couloirs, parsemés de pièges à éviter et de portes à ouvrir de différentes manières (en éliminant toute opposition ou en activant divers mécanismes). Et ces couloirs débouchent invariablement sur une salle plus large, sorte d'arène où Tyris est assaillie par des vagues successives d'ennemis. Golden Axe premier du nom ne proposait pas autre chose, mais c'était il y a vingt ans. L'évolution technologique aurait dû s'accompagner d'une évolution en terme de gameplay. Encore qu'en matière d'évolution technologique, il y aurait beaucoup à dire. Entre les textures hideuses, le clipping très prononcé et les arrière-plans aliasés, le rendu visuel est loin d'être à la hauteur des possibilités de la console. Quelques bugs de collision et quelques ralentissements malvenus ombragent encore davantage le tableau technique, que ne parvient d'ailleurs pas à compenser l'aspect artistique, les décors étant ternes, génériques et peu variés.
Golden Axe Beast Rider peut au moins compter sur une durée de vie tout à fait acceptable pour le genre. Les différentes zones (il y en a une dizaine si l'on ôte celles dédiées à l'affrontement contre un boss) sont en effet elles-mêmes divisées en plusieurs sous-niveaux. Il faut compter au total entre dix et quinze heures pour boucler le jeu, selon le mode de difficulté sélectionné. A ce propos, il faut savoir que le mode facile n'est déjà pas le parcours du coeur ; en mode normal, on en bave même sacrément vu la vitesse à laquelle descend la jauge de vie de Tyris. Les amateurs de challenge à la Ninja Gaiden seront ravis d'apprendre que le jeu ne propose même pas un système de checkpoint. Il est tout juste possible de mettre la main, de temps en temps, sur des statuettes offrant une vie supplémentaire. Heureusement, les facétieux petits gnomes bleus et verts sont à nouveau de la partie : il est possible de regagner santé et mana en leur bottant consciencieusement le derrière. Les multiples références au jeu d'origine ne suffiront toutefois pas à contenter les fans. Quant aux autres, ils ne trouveront guère de raisons de s'arrêter sur ce beat'em all décevant.
- Graphismes10/20
La qualité du rendu varie pas mal en fonction des environnements, mais dans l'ensemble c'est extrêmement décevant. Le personnage de Tyris, bien animé, aura toutefois bien du mal à sortir le joueur de la sinistrose visuelle. Même les boss, tout droit issus du Golden Axe d'origine, n'ont ici plus rien de spectaculaire. On n'oubliera pas non plus la brouette de défauts techniques.
- Jouabilité11/20
Les affrontements, particulièrement pauvres en matière de possibilités (où sont les combos ?), souffrent en outre d'un système d'esquive/parade aussi frustrant qu'horripilant, qui rend le jeu particulièrement difficile dès le mode normal. Reste que la jouabilité est bonne et que la caméra a le bon goût de ne pas trop faire des siennes.
- Durée de vie12/20
Golden Axe Beast Rider dispose d'une durée de vie convenable pour le genre, qui procure 10 à 15 heures de jeu en fonction du niveau de difficulté sélectionné. Les quelques petits extras disponibles (mode défi, arènes...) ne compensent pas l'absence, absolument inexcusable, d'un mode multijoueur coopératif.
- Bande son12/20
Les thèmes musicaux sont peu inspirés et loin de la qualité de leurs ancêtres. Ils collent en revanche assez bien à l'atmosphère bestiale et barbare qui prévaut dans le jeu. Les effets sonores sont pour leur part assez efficaces, des cris des montures jusqu'aux râles de douleurs des minions de Death Adder à qui l'on tranche un membre.
- Scénario7/20
La trame narrative sans aucune inventivité participe à sa manière à l'aspect générique qui se dégage du jeu en permanence. On la jugerait avec moins de sévérité si les développeurs n'avaient pas fait le choix de se concentrer uniquement sur le solo.
Golden Axe Beast Rider est une preuve de plus, s'il en fallait, qu'il ne suffit pas d'une bonne licence pour faire un bon jeu. Surtout quand on la vide de ce qui en faisait tout le sel : son mode coopératif. Les amateurs de la série se sentiront donc trahis, tandis que les autres trouveront bien mieux ailleurs en matière de technicité des affrontements et de réalisation. Il reste que les beat'em all proposant des combats montés sont rares, et que cet aspect permettra peut-être au jeu de trouver son public.