C'était il y a maintenant plus de vingt ans. Noël arrivait, tout comme le dodu en costume rouge. Dans sa hotte pleine de jouets, une Famicom et trois jeux : Super Mario Bros, Duck Hunt et surtout Mega Man, premier du nom. Sur la pochette, un guerrier aux allures futuristes augurant de combats titanesques contre cette crapule de Dr Wily. Depuis cette époque bénie, symbole de difficultés capilloextractives et d'heures passées en quête du high-score, bien du temps s'est écoulé, comme l'eau sous les ponts, tel un Styx charriant les mémoires. Que voulez-vous, Mega Man, moi, ça me rend bucolique.
Pour les plus jeunes d'entre vous ou pour ceux qui sont passés à côté de cette légende du jeu de plates-formes, qui a donné ses lettres de noblesse à la défunte Famicom (ou NES), voici un petit rappel de la genèse de cette saga. Nous sommes en 1987 quand sort le premier volet. La série met en scène un robot, Mega Man (ou Rockman au Japon), qui lutte contre le professeur Wily, un savant fou qui tente d'envahir et de dominer le monde avec des armées de super-robots. A l'origine, ce sinistre personnage était l'assistant du professeur Light, avec qui il développa huit androïdes ouvriers, dont Rock et Roll. Loin de se contenter d'une utilisation pacifique de ces tas de ferraille perfectionnés, Wily va pervertir ses créations pour assouvir ses rêves de conquête et de destruction. Rock, ayant résisté à la reprogrammation violente, aux côtés de sa soeur, et ayant un sens aigu de la justice, se porte alors volontaire pour être transformé en robot de combat. Il devient alors Mega Man, reconnaissable à son armure bleue et à son Mega Buster (Rock Buster), canon plasma attaché à son bras.
Le nombre de déclinaisons qu'a connu cette saga mythique est tout simplement hallucinant : plus de 75 titres reprennent en effet la licence, dont un certain nombre qui n'ont jamais quitté l'archipel nippon. Dans un souci de ne pas lasser les joueurs autour d'un concept qui, reconnaissons-le, est tout de même assez basique – niveaux linéaires, boss possédant une affinité avec un élément, nouveau pouvoir, rebelote – Capcom a pris soin de rajouter continuellement des nouveautés pour enrichir le gameplay. C'est pourtant un retour aux sources complet qu'a entrepris la firme japonaise avec ce Mega Man 9 : The Ambition's Revival. Comme l'indique le titre, on revient donc à ce qui a fait le succès du premier titre de la série. Des mouvements très limités, un gameplay intuitif et une difficulté ubuesque, le tout dans des décors carrés aux teintes criardes. Pas d'erreur, la machine à voyager dans le temps est en marche.
Si à ce stade de ce test vous êtes encore en train de lire, c'est que vous êtes poussé par la curiosité du nouveau joueur ou bien un vétéran habitué de la saga. Avant de continuer plus en avant sur le contenu du titre, il me faut tout de même vous mettre en garde. Mega Man 9 s'adresse clairement aux anciens, aux nostalgiques, à ceux qui ont connu les joies des jeux mange-sous des salles d'arcade, à ceux enfin qui ne se laissaient pas rebuter par une difficulté infâme et souvent synonyme de crise de nerfs et de manettes broyées. Si vous faites partie de la catégorie des jeunes joueurs bercés aux consoles depuis le début du XXIe siècle, soyez prévenus : La 2D est ultra-basique, le gameplay archaïque et primaire, la musique digne du best-of électrocardiogramme. Après ces quelques menus avertissements, voyons un peu de quoi retourne ce titre hautement controversé.
C'est un fait, il est vraiment difficile de dire que le jeu est beau, même avec la meilleure volonté du monde. Certains diront "oldschool", "chamarré", "épileptique" ou encore "rétro". Tous ces qualificatifs vont certes à merveille, mais il faut tout de même bien avouer que visuellement, ce n'est pas spécialement aguicheur. Encore une fois, on sent bien que Capcom a mis le paquet sur la fibre sentimentale des joueurs d'un autre temps. Des textures pleines et bien criardes, mélangeant souvent des couleurs que le bon goût et l'étiquette pousseraient au bûcher en frémissant ; des clignotements à n'en plus finir ; des boules de feu qui ressemblent plus à des petits pois qu'autre chose ; des pixels gros comme une balle de tennis... Les environnements quant à eux sont relativement divers, de la mine de magma à la station spatiale en passant par les fonds marins. Cela étant, varier ces lieux de villégiature ne revient qu'à changer une couleur ou une vague forme de brique. Messieurs les développeurs, était-ce donc si compliqué de faire deux versions ? On aurait aimé voir d'une part celle-ci, fleurant bon l'ancien temps, et de l'autre des graphismes vaguement mis au goût du jour, comme de nombreux titres disponibles en ligne sur les dernières consoles de salon... Inutile de tergiverser plus longuement sur les griefs graphiques. La liste est longue et pourrait s'étendre à l'infini, mais finalement, le constat est unique. Soit vous faites partie des irréductibles cités plus haut et vous trouverez un certain charme à ce parti pris de ne pas se fouler sur la réalisation, soit vous considérez que c'est moche et puis c'est tout. Un mot rapide également sur les sons du jeu. Faire du neuf avec du vieux, telle semble être la devise inhérente aux thèmes musicaux et autres effets du titre. C'est vieux, ça sent bon les synthétiseurs midi et les tonalités électroniques. Un régal pour certains, une horreur pour d'autres. A titre d'exemple, j'ai dû débrancher mon casque en pleine osmose, suite à une fronde de la rédaction pour mettre fin aux stridences discordantes qui parvenaient jusqu'à leurs oreilles...
Les aspects esthétiques et sonores ayant été abordés en long, large, travers et diagonale, si on se plongeait dans le jeu ? Pour les quelques-uns qui n'auraient pas suivi parce qu'ils bavardaient au fond (non mais vous pensiez que je vous avais pas grillés ?), Mega Man, ce sont des niveaux courts mais intenses. De ce côté là, difficile d'être déçu, si tant est que l'on sache par avance à quoi s'attendre. Avec un peu d'entraînement, les niveaux se bouclent en une quinzaine de minutes maximum, boss compris. Comptez un brin de plus pour le dernier ainsi que pour vous défaire de Wily. Bref, tout ça pour dire qu'on fait rapidement le tour du jeu, une fois qu'on a compris les tenants et aboutissants du gameplay. Grosso modo, il faut essentiellement tenir compte de trois paramètres : la précision millimétrée de certains sauts ; le bon usage des pouvoirs acquis contre les boss ; le choix cornélien de l'ordre dans lequel on va arpenter les niveaux. Concernant ce dernier point, il s'agit encore une fois d'une tactique propre à l'ensemble des épisodes de la série. Le jeu vous laisse en effet toute liberté de parcours. De fait, certains ennemis sont vraiment plus simples à aborder si vous disposez d'une arme particulière. Il convient par conséquent de planifier son approche de manière optimale, si l'on veut espérer finir le jeu.
Car il est dur, ce jeu. C'est l'autre point majeur qu'il faut ici exposer. Vous vous souvenez de la mise en garde ? Parfait, dans ce cas nul besoin d'insister davantage. Dans Mega Man, on meurt. Souvent. Très souvent même, et ce à cause d'un saut un rien trop court, d'une énergie qui descend trop vite, d'une armada d'ennemis et de tirs qui surgissent de tous les coins de l'écran. On retrouve toute l'exigence que réclamaient les titres du genre il y a une vingtaine d'années. Alors oui, ça pourra paraître rédhibitoire pour certains, mais en toute franchise, vous étiez prévenu. Si les mouvements sont intuitifs au possible, ils restent un rien patauds. Rassurez-vous, ce n'est pas une catastrophe, loin de là. Il est en revanche franchement dommage que les nombreuses petites améliorations dont avait fait preuve la série au fil du temps aient été pour la plupart évincées. Jouer la carte du vieux, j'en suis le premier partisan, mais à force de vouloir faire roots, on en oublie un rien l'arbre qui fleurit au-dessus... Exit donc les dashs et autres boucliers, votre petit robot a bien peu de mouvements à sa disposition. Alors certes, il y a la possibilité de récupérer des boulons au fil des niveaux pour acheter des objets à la boutique, comme des vies supplémentaires, des barils d'énergie ou encore des oiseaux mécaniques qui viendront nous repêcher suite à une chute malencontreuse, mais ça reste tout de même un peu maigrichon tout ça, mon bon monsieur.
Si la durée de vie du jeu est relativement pauvre, les développeurs ont heureusement pensé aux acharnés du pad. Une quantité non-négligeable de trophées est déverrouillable, en remplissant des conditions bien particulières. Si certains ne présentent pas de difficultés majeures et peuvent même être obtenus par hasard, d'autres sont sacrément coriaces et demanderont un acharnement digne d'un névropathe schizophrénique. A titre d'exemple, cela va de finir le jeu en moins de deux heures à éliminer les boss en moins de 10 secondes (si si, paraît que c'est possible) ou encore finir le jeu sans perdre une seule vie ou sans se faire toucher (de la folie douce). Ces défis additionnels boostent artificiellement la durée du jeu qui sans cela serait tout de même bien maigre. Ce qui m'amène d'ailleurs à évoquer la question financière de ce titre. Vu le contenu, demander une dizaine d'euros sur l'ensemble des plates-formes de téléchargement, c'est quand même prendre un rien les joueurs pour des vaches à lait. Si l'on considère que des éléments additionnels, comme une difficulté accrue ou encore un niveau infini dans lequel il faut tenter d'aller le plus loin possible, sont prévus moyennant à nouveau une contribution pécuniaire, on est en droit de se poser quelques questions. En supposant que la sortie des add-ons suive un flot régulier, récupérer l'intégralité des extensions pourrait coûter au final une somme plutôt rondelette. Encore une fois le joueur décidera en son âme et conscience si l'ensemble de ces ajouts sont nécessaires. Hardcore-gamer ou pas, la balle est dans votre camp. Conclusion en demi-teinte donc, pour un titre qui a suscité une attente plus que vive chez les fans de la première heure. Si vous ne deviez investir que dans un seul titre en ligne et que comme moi vous faites partie de ces plésiosaures grabataires qui ont connu et aimé les jeux 8-bits, je ne saurais que trop vous recommander ce jeu. Pour les autres, l'avis reste plus mitigé. De fait, pour les appréciations qui suivent, je considèrerai que vous faites partie de ceux acquis à la cause de Mega Man. Pour les autres, vous pouvez enlever généreusement 3-4 points à l'ensemble des notes.
- Graphismes12/20
Cette note pourra surprendre. Il s'agit ici surtout d'évaluer la cohérence des développeurs par rapport à l'univers qu'ils ont voulu reproduire. Si le parti pris de recréer des environnements fidèles au Mega Man d'origine est assumé, on peut toutefois déplorer que les responsables du projet ne se soient pas davantage foulés. Donner le choix aux joueurs entre une 2D vieillotte ou mise au goût du jour aurait sans doute ramené quelques joueurs en plus. Dommage. Pour le reste, on retrouve totalement l'esprit des anciens épisodes, des couleurs criardes aux clignotements intempestifs.
- Jouabilité11/20
Simplifié ne doit pas forcément vouloir dire simpliste. Oui les commandes sont d'une facilité et d'une ergonomie absolue, mais on aurait tout de même aimé que le jeu prenne en compte toutes les petites nouveautés qui avaient enrichi la série au fil des nouveaux épisodes. Avant Mega Man 9, il y eut 8 autres épisodes, chacun amenant leur lot d'innovations. Faire oldschool, c'est bien, mais pourquoi vouloir gommer les améliorations du passé ?
- Durée de vie14/20
On ne met guère plus de 3 heures pour boucler le jeu. Il faut cependant ajouter à cette durée le temps de prendre bien en main notre petit bonhomme au costume bleu. De fait, on meurt vraiment souvent dans les premiers niveaux. Vu que les vies ne sont pas légion et que l'énergie descend très vite, le challenge est tout ce qu'il y a de plus relevé. Ajoutez à ça un nombre non-négligeable de trophées à débloquer ainsi que du contenu additionnel téléchargeable et vous aurez de quoi faire.
- Bande son12/20
Si vous vous endormez le soir au son de chip-tunes, que les musiques des vieux jeux sont pour vous une douce mélodie et que vous rêvez en 8-bits, vous serez comblé. Sinon, vous aurez vite fait de couper le son.
- Scénario/
Une fois de plus le Professeur Wily a décidé de s'emparer du monde. Comme dans chaque épisode quoi...
Il est extrêmement difficile de juger un tel titre, sortant à l'heure où la puissance de calcul des consoles de salon atteint des niveaux hallucinants. Criard, ardu, exigeant, assumant son statut oldschool, le jeu satisfera les hardcore-gamers avides d'un challenge relevé au piment de Cayenne. Les nouveaux venus dans l'univers des jeux de plates-formes à l'ancienne devraient en revanche tester la bête chez une connaissance avant de procéder ou non à l'investissement. Avant de soulever une fronde indignée, sachez enfin que cette note finale est dédiée aux fans de la première heure. Les autres peuvent enlever 3-4 points.