Souvent annoncé comme défunt, le jeu d'aventure traditionnel en point'n click conserve un public acquis à sa cause, à l'intention duquel il renaît régulièrement de ses cendres. La sortie d'un nouvel épisode de Simon The Sorcerer, le quatrième d'une série de 15 ans d'âge, ravira donc ceux qui auraient été chagrinés de la voir se clore sur un troisième opus décevant.
Retour en 1993. Alors qu'Harry Potter n'est même pas encore né sous la plume de J. K. Rowling, un jeune apprenti-sorcier de pacotille, affublé d'un chapeau ridicule, enchante déjà les inconditionnels de jeux d'aventure. Simon, c'est son nom, emprunte autant au Rincevent des romans de Terry Pratchett qu'au Guybrush Threepwood de la saga Monkey Island. Le studio Adventuresoft propose d'ailleurs une interface fortement inspirée du système SCUMM des jeux Lucas. Mais Simon the Sorcerer séduit surtout les joueurs grâce à son scénario : cette quête initiatique dans un univers fantastique est surtout un prétexte pour aligner comme des perles scènes absurdes et personnages déjantés. On sent que les développeurs se sont plus à malmener, de la façon la plus irrespectueuse possible, les références du jeu de rôle, du conte de fées et de l'heroïc-fantasy en général. Les deux premiers Simon the Sorcerer furent de franches réussites, contrairement au troisième volet qui sortit en 2002 après une trop longue attente et se révéla bien décevant au final. Il fut surtout snobé par de nombreux joueurs qui jugèrent le passage à la 3D inopportun. On pensait donc que la série était définitivement enterrée jusqu'à ce que Mike Woodroffe, son créateur, annonce qu'elle avait échu dans les bras du studio allemand Silverstyle, et qu'il chapeauterait lui-même le développement du quatrième épisode.
C'est donc un véritable retour aux sources que tente Simon le Sorcier 4 : En Proie au Chaos. Exit le tout 3D, au profit d'une réhabilitation d'environnements en 2D fins et détaillés, qui scrollent parfois sur la taille de plusieurs écrans. A la manière d'un Tim Burton, les graphistes leur ont appliqué des effets de déformation afin de les rendre à la fois plus féériques et plus inquiétants. Bien qu'un peu inégaux en termes de qualité, ces décors sont dans l'ensemble assez réussis. Les personnages, entièrement modélisés en 3D, s'y intègrent de fort belle manière et bénéficient d'une animation convaincante (quoiqu'un peu lente) soutenue par des jeux d'ombres et de lumières dynamiques qui font leur petit effet. Les thèmes musicaux illustrent à la perfection l'univers décalé et ses nombreux anachronismes : les ritournelles médiévales côtoient des morceaux de free-jazz et de rock progressif typiquement allemands. Les développeurs de Simon the Sorcerer 4 ont donc rendu une copie au-delà de tout reproche sur le plan de la réalisation, hélas saccagée au dernier moment par un mauvais élève : la localisation. Les doublages en français sont en effet une véritable catastrophe et témoignent d'une direction d'acteurs qui flirte avec l'amateurisme. L'interprète de Simon, notamment, aligne les répliques avec des intonations totalement inadaptées, qui suffisent à en saborder tout le potentiel comique. Dans l'ensemble, les doubleurs féminins s'en sortent un peu mieux, mais le résultat décevant poussera plus d'un joueur à désactiver les voix (pour ne conserver que les textes à l'écran) ou à les passer en anglais. Il est en effet difficile de s'accommoder à la longue de ce défaut, dans la mesure où les dialogues représentent une grosse part du temps de jeu. Une part sans doute excessive pour une certaine catégorie de joueurs.
On apprécie cependant que Simon le Sorcier 4 s'efforce de contenter aussi bien les nouveaux venus que les familiers de le série. L'histoire reste dans l'esprit des épisodes précédents : absurde et déjantée, elle s'appuie sur un humour omniprésent, grinçant et toujours aussi audacieux. En deux mots, sachez que Simon est cette fois-ci confronté à son double. Un sosie parfait qui lui ressemble toutefois plus physiquement que moralement puisqu'il s'agit d'une personne affable et obsédée par le rangement. Mais cette apparence ne dissimule-t-elle pas des motivations moins avouables ? C'est ce que devra éclaircir Simon dans ce nouveau volet. Les habitués auront le plaisir d'y retrouver de vieilles connaissances comme Swamp le cuisinier des marécages, Boucle d'Or la voleuse ou encore Alix la fille du sorcier Calypso, et auront le plaisir de faire de nouvelles connaissances comme celle du Petit Chaperon Rouge, véritable petite peste qui en fera sacrément baver à notre sorcier. Même ceux qui n'ont jamais touché à un jeu de la série s'immergeront facilement dans cet univers truffé de références aux contes de fées, à condition d'apprécier la dérision et le second degré. Comme dans cette scène où Simon, interrogé sur ce qu'il fait dans la vie, répond : "Je suis le pointeur de la souris".
Transition toute trouvée pour évoquer le système de jeu, qui reste très classique tout en intégrant les innovations connues par le genre ces dernières années. La prise en main est enfantine, avec un pointeur de souris qui change de forme en fonction du type d'interaction possible et une barre d'inventaire qui permet d'accéder facilement aux objets ramassés. On retrouve également le système de déplacement sur carte présent depuis le premier épisode de la saga, qui permet de s'affranchir de longs et fastidieux trajets. Dans le même registre, une fonction d'affichage des éléments interactifs du décor, très à la mode, dispensera les joueurs qui le souhaitent des classiques balayages de l'écran à la souris. Notons enfin la présence d'un système d'aide bien pensé : les différents objectifs de Simon sont renseignés, telles des quêtes, dans un journal qui les référence tous. Il est alors possible, via un système d'étoiles, d'obtenir des indices de plus en plus précis sur la façon de les atteindre. Sachez que les énigmes sont logiques et pas trop difficiles à résoudre dans l'ensemble. Mais le jeu étant assez linéaire, ces indices permettent d'éviter de rester bloqué trop longtemps. Leur utilisation reste de toute façon à la discrétion du joueur ; elle conditionne directement la durée de vie du titre, qui reste globalement très honnête.
- Graphismes14/20
Bien que les décors traversés ne présentent pas toujours le même degré de qualité (notamment au niveau des textures), on apprécie le soin apporté au rendu visuel de cet univers de contes de fées. Les différents personnages sont bien modélisés et bien animés.
- Jouabilité16/20
La jouabilité est traditionnelle mais efficace. L'interface, pratique, permet une prise en main rapide et différentes fonctions d'aide faciliteront la vie des joueurs qui le souhaitent.
- Durée de vie12/20
Tout dépend de votre degré d'utilisation des systèmes d'aide intégrés, et de votre propension ou non à épuiser l'ensemble des dialogues du jeu. Comptez sur une douzaine d'heures en moyenne, ce qui n'est déjà pas si mal.
- Bande son8/20
C'est un véritable déchirement que de mettre une aussi mauvaise note à une bande-son proposant des thèmes musicaux variés, audacieux et réussis. Mais le doublage en français catastrophique, parfois à la limite de ruiner l'expérience de jeu, nous y contraint.
- Scénario15/20
Cela a toujours été le point fort de la série, et ce quatrième volet ne déroge pas à la règle. L'intrigue propose son lot de personnages pittoresques, de situations absurdes et cocasses et de dialogues drôles et incisifs.
Pour qui parvient à faire abstraction de son doublage en français déplorable, Simon le Sorcier 4 : En Proie au Chaos est un retour aux sources qu'apprécieront les fans de la série, doublé d'un jeu d'aventure tout à fait recommandable pour les nouveaux venus. On est ravis d'apprendre qu'un cinquième opus est en préparation, mais on espère que sa localisation sera d'un autre acabit.