Après que les Lapins Crétins aient rendu vos enfants idiots, Lapin Malin, lui, tente de rectifier le tir en leur apprenant à lire et à écrire. C'est en effet l'objectif affiché par ce nouveau ludo-éducatif sur DS qui s'adresse aux enfants de 5 à 7 ans. De bien belles ambitions, mais les concepteurs ont-ils su s'en donner les moyens ?
Un coup d'oeil au dos de la jaquette suffit à identifier la cible visée par Lapin Malin : ce sont les parents convaincus que l'Education Nationale ne parvient plus à assurer la qualité d'enseignement nécessaire à une bonne maîtrise du lire/écrire. Le logiciel promet donc "une méthode syllabique" comme fondement d' "activités nombreuses et variées" visant à un "apprentissage progressif de la lecture et de l'écriture". Tout un programme. Hélas, ces arguments de vente ne correspondent pas vraiment au contenu de lapin malin. La méthode utilisée n'a de syllabique que le nom, les activités ne sont ni nombreuses ni variées et Lapin Malin aura bien du mal à apprendre à lire et à écrire à votre bambin. En réalité, si PlanetNemo semble s'être donné les moyens de ses ambitions sur le plan technique, ce n'est absolument pas le cas sur le plan pédagogique.
Dès la création de son profil, le jeune utilisateur a la surprise d'entendre Lapin Malin et Sam le lion, les deux protagonistes qui vont l'accompagner tout au long de son apprentissage, s'adresser à lui dans un français simple et audible. C'est d'ailleurs là l'atout majeur du logiciel : les consignes orales présentes de bout en bout procurent à l'enfant un étayage solide. Elles lui permettent d'entrer doucement et sereinement dans les différentes activités proposées par le logiciel. Malheureusement, celles-ci sont vraiment trop peu nombreuses, et se révèlent pour certaines d'un intérêt discutable. L'enfant les découvre pour la première fois pas à pas, puisque Lapin Malin adopte une progression scénarisée afin de rendre l'expérience plus ludique et plus attrayante. Au centre de l'histoire : 26 cartes magiques représentant les lettres de l'alphabet. Elles ont été volées par des pirates et dispersées aux quatre coins de l'Ile des Mots. Le jeune joueur doit parvenir à les récupérer et à les replacer dans le Livre Magique qui les renfermait. Concrètement, Lapin Malin propose trois environnements à explorer (la forêt, la mer et la montagne) afin de récupérer toutes les lettres de l'alphabet. Seul changent le décor de fond et les cartes à récupérer, puisque les six activités que l'on retrouve dans ces trois environnements sont identiques et doivent être abordées dans le même ordre : tracé de lettres, identification d'une lettre parmi d'autres, identification d'une lettre dans un mot, reconnaissance du son d'une lettre, reconstitution de mots et association de la forme écrite et orale d'un mot. Chacune possède un aspect ludique et tire profit de la jouabilité tactile de la DS.
Outre leur faible nombre, le problème réside comme dit plus haut dans le manque d'intérêt de certaines activités. Le tracé de lettres, par exemple, est peu convaincant. Il exige une précision millimétrée qui semble peu accessible à de jeunes mains malhabiles ; les concepteurs auraient mieux fait de privilégier un travail plus poussé sur le geste. L'activité suivante, qui consiste à distinguer une lettre parmi d'autres, est déjà moins hors de propos. On regrette toutefois qu'elle ne fasse pas davantage fonctionner la discrimination visuelle, les autres lettres ayant été choisies aléatoirement et non pour leur proximité avec la lettre modèle. Le troisième exercice est sans conteste le plus inutile de tous : il s'agit de compléter un mot (le nom d'un animal) en choisissant les bonnes lettres... Sauf que les lettres soit-disant manquantes figurent encore dans le mot à compléter (elles sont simplement grisées), rendant la tâche trop facile et éloignée de toute activité de lecture. Il faut donc attendre la quatrième activité pour se rapprocher de l'objectif que s'était fixé Lapin Malin. S'appuyant sur la relation phonème/graphème et la combinatoire, elle consiste dans un premier temps à associer une lettre au son qu'elle produit, puis à combiner le son de plusieurs lettres pour former des syllabes phoniques. C'est ce qu'on appelle couramment le b-a/ba, et c'est un grand classique du Cours Préparatoire. Sa présence autorise-t-elle pour autant à parler de méthode syllabique ? Rien n'est moins sûr, d'autant que les deux dernières activités proposées prouvent, s'il le fallait, que l'opposition entre la méthode syllabique et la méthode globale est caduque.
Le cinquième exercice consiste en effet à reconstituer des mots lacunaires... qui n'ont pas forcément été segmentés selon leurs syllabes ! On se retrouve donc régulièrement confronté à des énoncés du style : T – AB – LE, qui ne sont justement pas typiques d'une entrée syllabique dans la lecture. La sixième et dernière activité demande à l'enfant d'associer le mot entendu à sa forme écrite, mélangée parmi deux autres. Là encore, si les trois mots proposés disposaient systématiquement de graphies proches, on pourrait estimer qu'il lui est indispensable de les déchiffrer syllabe après syllabe ; mais ce n'est même pas le cas, l'enfant pouvant dans la plupart des cas se limiter à la lecture de la première lettre. La méthode proposée par Lapin Malin n'est donc pas plus syllabique qu'une autre. Si elle s'affiche comme telle, c'est simplement parce qu'elle ne propose à aucun moment au jeune utilisateur de travailler sur le sens ni sur les textes. L'enfant est donc censé avoir appris à lire au terme de cet apprentissage limité, puis il est invité dans la foulée à réinvestir ses compétences de lecteur dans le final que lui propose le logiciel. Une fois l'ensemble des cartes récupérées et le Livre magique reconstitué, Lapin Malin et Sam peuvent en effet déchiffrer un parchemin laissé par les pirates. C'est l'occasion d'une chasse au trésor à laquelle le jeune utilisateur peut prendre part depuis le menu principal du jeu. Elle consiste en une dizaine d'étapes très courtes à l'occasion desquelles il doit lire l'énoncé (uniquement écrit cette fois) puis faire ce qu'il indique (exemple : donner la poire à la plante). Je souhaite personnellement bon courage à tous les enfants qui se lanceront dans cette entreprise avec le simple bénéfice des apprentissages de Lapin Malin !
- Graphismes13/20
Visuellement, Lapin Malin remplit son contrat. A défaut d'être particulièrement élaborés, les environnement sont mignons et colorés, mais jamais fouillis. Les personnages sont attachants, même si leur manque d'animations leur confère un aspect trop statique.
- Jouabilité14/20
L'interface est claire et la prise en main tire parti des nombreuses consignes orales pour faire valoir une réelle simplicité. Les fonctionnalités tactiles de la DS sont bien exploitées, que ce soit dans les phases ludiques (remuer un buisson, déplacer une lampe sur l'écran) ou pédagogiques (toucher/glisser/déposer). On peut simplement reprocher le doigté nécessaire sur certaines épreuves.
- Durée de vie6/20
Le contenu de Lapin Malin est très insuffisant au regard des ambitions affichées. Les exercices sont répétitifs et peu variés. Quelques courtes sessions de jeu suffiront à un enfant de 5 à 7 ans pour venir à bout du logiciel. Il manque tout un pan indispensable à l'apprentissage du lire/écrire.
- Bande son14/20
La présence de voix est un réel plus dont tous les jeux du genre ne peuvent pas se targuer de disposer. Elle peut cependant finir par lasser, voire ennuyer l'enfant en raison de son omniprésence. Les bruitages et la musique, peu inspirés, se font quant à eux assez discrets.
- Scénario/
Vous l'aurez compris, le problème central de Lapin Malin : J'apprends à Lire et à Ecrire est le décalage entre les ambitions affichées et le contenu de la cartouche. Ce ludo-éducatif bien réalisé mais très limité, qui propose des activités redondantes et d'un intérêt inégal, ne permettra pas à votre enfant d'entrer dans la lecture. D'où la sévérité de cette note finale, qui sanctionne les arguments de vente utilisés.