Lorsque les possesseurs de Wii ont appris qu'ils allaient être privés du quatrième volet de la série SoulCalibur, ils se sont consolés en réalisant qu'ils allaient tout de même avoir droit à un épisode exclusif. Délaissant pour la première fois les duels classiques au profit d'une aventure orientée beat'em all, SoulCalibur Legends aurait pu ouvrir la série de Namco à d'autres horizons. Mais ce qui devait être un coup d'éclat se retrouve terni par un manque flagrant d'inspiration.
Depuis ses débuts sur Dreamcast, SoulCalibur n'a jamais failli. Non content d'offrir un gameplay dont tout le monde est unanime sur les qualités, le soft de Namco a su évoluer avec pertinence au fil des épisodes, introduisant chaque fois de nouveaux challenges destinés à enrichir l'expérience de jeu en solo. L'idée même de projeter les personnages de la série dans un beat'em all aurait ainsi parfaitement pu constituer un bonus de choix dans un épisode classique de SoulCalibur. Mais dans le cas de SoulCalibur Legends sur Wii, il ne s'agit pas d'un mode en plus mais bien du jeu dans son intégralité. L'équipe de développement avait donc tout intérêt à ne pas se louper sur les questions de gameplay, de contenu mais aussi d'orientation pour ne pas entacher la belle réputation de la série.
La légende des âmes et des épées reprend ses droits à chaque fois que la lame sacrée SoulCalibur et la lame maudite SoulEdge refont surface. Leur pouvoir provoque immanquablement l'avidité des hommes et engendre des guerres meurtrières auxquelles seuls de véritables héros peuvent mettre un terme. C'est ainsi que la quête de Siegfried prend un nouveau tournant lorsque le jeune homme cède à l'appel de SoulEdge. La lame vole en éclats, et le guerrier s'écroule sous l'effet de la lame maléfique. Mais alors qu'il se retrouve enveloppé par la graine maudite, Siegfried est sauvé par le leader du Saint Empire Romain, connu sous le nom d'Empereur masqué, et est emmené à Vienne, la capitale impériale. Non loin de là, l'armée de l'Empire Ottoman, contrôlée par le géant Barbaros et uniquement constituée de démons, s'apprête à franchir la frontière. Rapidement rejoint par Ivy et Iska, le bouffon de l'empereur, Siegfried part donc vaillamment terrasser les Gardiens, des monstres puissants qui détiennent les fragments de Soul Edge. Une quête qui implique de nombreux affrontements dont la destruction du dragon Fafnir, mais qui sera aussi ponctuée de rencontres fortuites avec les figures les plus emblématiques de la saga.
Bien que reposant sur un scénario brinquebalant, SoulCalibur Legends a au moins le mérite de ne pas se limiter à la quête de Siegfried. Au fil de l'aventure, le joueur aura en effet l'opportunité de contrôler cinq autres personnages bien connus des fans de la série, comme Sophitia, la guerrière hellénique, Ivy et son fouet légendaire, Mitsurugi, le samouraï venu du Japon, Taki, la valeureuse kunoichi, ou encore l'imposant Astaroth, golem de chair rejeté par ses créateurs. Comme à son habitude depuis SoulCalibur 2, Namco a tenu également à rajouter un personnage bonus qui n'a rien à voir avec la saga. L'heureux élu s'appelle Lloyd et il s'agit du héros principal de la série Tales of Symphonia dont le second volet est disponible sur Wii depuis peu de temps au Japon. Voilà qui fera quelques heureux, d'autant que le style de combat de Lloyd se rapproche beaucoup de celui de Cervantes. On se retrouve ainsi avec un éventail de sept personnages jouables, ce qui n'est pas énorme quand on pense aux vaillants Kilik, Maxi et autres Seung Mina délaissés par cet opus. Ce nombre restreint se justifie pourtant dans le sens où les personnages et leurs armes évoluent au fil de l'aventure, et que celle-ci se révèle déjà trop courte pour nous permettre de les développer tous à la fois.
L'originalité de la progression réside dans l'obligation de choisir un duo de combattants qui se relaieront durant la traversée d'un niveau à chaque fois que vous en éprouverez la nécessité. Une idée louable, mais on se demande tout de même pourquoi il n'est pas possible de parcourir carrément l'aventure à deux joueurs en simultané alors que le mode Co-op l'autorise, mais seulement sur des parties rapides et moyennant un écran splitté assez désagréable. En solo, vous n'aurez cependant pas trop de deux personnages en réserve pour surmonter les parcours les plus ardus du mode Quête. Passé le cinquième chapitre, les stages n'ont plus rien d'une promenade de santé, les équipes sont imposées et les affrontements contre les boss deviennent vraiment difficiles. Dommage qu'il soit impossible de revenir explorer les niveaux déjà terminés pour améliorer l'efficacité de ses armes en collectant les précieux coeurs de lames cachés dans certains objets. On n'a d'ailleurs pas vraiment l'impression que les personnages gagnent en puissance tant ils ont affaire à forte partie. Les grades habituels de la série des SoulCalibur servent ici à refléter la progression du joueur au fil de l'expérience gagnée, mais comme le nombre d'adversaires à battre est fixe, ça ne correspond finalement pas à grand-chose.
Dans le même ordre d'idées, les destinations sur la carte sont toujours imposées, et bien qu'on puisse parfois choisir l'ordre dans lequel effectuer les niveaux, il est obligatoire de les terminer tous pour faire avancer le scénario. Le périple de nos héros les conduira d'ailleurs aux quatre coins du monde : des vallées pyrénéennes aux montagnes de l'Himalaya en passant par les temples égyptiens, et les catacombes romaines. L'ancien manoir de l'alchimiste Nicolas Flamel à Londres illustre bien l'intrusion de personnages historiques dans une histoire qui bascule rapidement dans l'ésotérique et qui a bien du mal à tenir debout. Mais ce n'est pas ce qu'on reprochera le plus à SoulCalibur Legends qui souffre surtout d'un level-design dépourvu d'imagination. Les niveaux sont tous très linéaires et construits comme une succession de salles à nettoyer les unes après les autres. La seule chose qui évolue vraiment au fil du jeu c'est la présence de pièges de plus en plus nombreux et d'énigmes simplistes qui semblent n'être là que pour la forme. A croire que vous n'êtes là que pour charcuter du monstre et pas pour cramer les neurones de nos amis guerriers.
Ne vous étonnez donc pas de constater que les conditions de victoire se résument presque toujours à annihiler vos adversaires le plus rapidement possible avant d'atteindre la sortie. Le gameplay repose entièrement sur le maniement de la Wiimote et du Nunchuk qui sont gérés à la manière de Zelda Twilight Princess. Le sens de votre mouvement se répercute directement sur le geste effectué par le personnage à l'écran, mais on ne retrouve évidemment pas la totalité des coups respectifs de chaque personnage tels qu'on pouvait les voir dans les autres volets de la série. L'action est donc très simplifiée, la seule subtilité étant la possibilité de réaliser un Guard Impact pour déséquilibrer un ennemi en combinant la garde et l'esquive. La caméra n'est pas non plus au top et vous serez parfois obligé d'aller faire un tour dans les options pour modifier la sensibilité de la Wiimote et surtout le type du balancement pour faciliter les coups de taille ou d'estoc. Le verrouillage, manuel ou automatique, entraîne aussi quelques désagréments, mais c'est surtout lorsqu'il s'agit d'éviter les pièges que le gameplay avoue ses limites. En collectant des orbes, chaque personnage a également la possibilité d'exécuter des techniques spéciales en puisant dans sa jauge d'esprit, ce qui s'avère généralement plus efficace que spectaculaire. Après quelques heures de jeu, on se dit que les développeurs sont passés à côté de l'essentiel et l'envie nous prend de ressortir les anciens volets. Voilà donc un jeu qui souffre de nombreuses lacunes et qui ne fait que concrétiser maladroitement un vieux rêve : celui de voir les héros de SoulCalibur franchir les limites des arènes de combat pour partir explorer le monde à leur guise.
- Graphismes11/20
Sorti de ses arènes, l'univers de SoulCalibur n'a pas su inspirer les concepteurs du jeu qui nous servent des environnements ternes et linéaires composés de zones à nettoyer les unes après les autres. Les personnages ne disposent que d'une infime partie des coups qu'ils utilisaient dans les autres épisodes de la série.
- Jouabilité11/20
Les frappes exécutées en agitant la Wiimote servent le titre autant qu'elles le desservent. Le gameplay se révèle globalement approximatif et devient irritant lorsqu'il faut surmonter des endroits tapissés de pièges qu'on ne voit même pas. Les techniques de combat auraient également gagné à être plus nombreuses et plus diversifiées.
- Durée de vie12/20
A raison de sept chapitres plus longs que ne le laissent penser les premières missions, le jeu s'étale sur une bonne douzaine d'heures mais souffre d'une difficulté bien trop inégale. Le mode Equipe, jouable en co-op, est conçu uniquement pour les sessions de jeu rapides et voit son intérêt limité par le fait qu'on ne peut rien sauvegarder. Quant aux combats en Versus, ils sont loin d'égaler ceux des précédents volets de la série.
- Bande son11/20
On nage dans l'héroïsme avec un grand H et l'atmosphère ne dénote pas par rapport à celle des précédents volets. En revanche, les scènes de discussions muettes et les cut-scenes réalisées avec le moteur du jeu nous font vite retomber sur Terre.
- Scénario12/20
Dans un contexte imaginaire, l'histoire nous fait voir du pays aux côtés des figures emblématiques de la série et de personnages créés spécialement pour cet épisode, comme le chef du Saint Empire Romain et le sultan Barbaros de l'Empire Ottoman. Difficile de trouver une unité dans tout ça mais on se laisse tout de même volontiers emporter dans cette noble quête.
Il fallait être vraiment naïf ou très optimiste pour croire que Namco allait parvenir à faire de SoulCalibur Legends une réussite. En prenant le risque de transposer l'univers de la série dans un beat'em all entièrement jouable à la Wiimote, Namco a tenté l'impossible pour un résultat qui est loin des attentes qu'on plaçait en lui. Même s'il reste divertissant, cet épisode s'avère donc assez anecdotique en comparaison de SoulCalibur IV.