Qu'on se le dise, avoir les cheveux gris ne nous destine pas simplement à entrer de plein pied dans le monde obscur et terrifiant du troisième âge. En effet, depuis quelques années, Capcom a réhabilité la couleur platine en l'associant automatiquement à l'esthétisme outrancier, la classe stylisée et l'action effrénée. Et ce n'est pas près de changer puisque Devil May Cry 4 reprend ce postulat en le poussant dans ses derniers retranchements pour un résultat supérieur à l'original. Rien que ça.
Pour son entrée dans le monde merveilleux de la haute définition, Capcom n'aura pas lésiné sur les moyens en nous sortant presque coup sur coup trois killer'app. Ainsi, après Lost Planet et Dead Rising, la société nous offre un Devil May Cry 4 nous faisant quelque peu oublier le manque de communication, un peu inquiétant, à propos de Resident Evil 5. DMC 4, donc, montre à nouveau le savoir-faire de la firme japonaise quand il s'agit de nous exploser les mirettes tout en ne laissant pas une seconde de répit au joueur. Vous me direz, c'est un peu ce qu'on recherche quand on se penche au dessus d'un épisode de la saga. Sans renouveler le genre ni même la série, ce quatrième segment prend le pari de s'ouvrir au plus grand nombre en ne délaissant pas pour autant les fans de la première heure recherchant avidement un challenge à leur hauteur. Sur ce point, Capcom a su trouver le juste équilibre, cet élément étant souvent laissé à l'abandon par nombre de sociétés nipponnes. Devil May Cry 4 est bel et bien un beat'em all s'inscrivant dans la continuité des précédents et forçant le respect à plus d'un titre en cela que derrière cette surenchère technique, se cachent des trésors de sensations fortes. D'autant que pour une fois, le portage s'avère excellent et ne souffre pas des habituels travers auxquels nous avait habitué Capcom.
Tout débute par le choix du héros et quitte à plaire à tout le monde, pourquoi ne pas en choisir deux ? Bingo. De fait, l'aventure principale s'étalant sur une vingtaine de chapitres, nous convie à diriger dans un premier temps le dénommé Nero qui laissera sa place en milieu de parcours à un Dante de plus en plus décontracté devant l'adversité. Excellent choix de la part des développeurs vu que les deux démons sont, l'un comme l'autre, agréables à prendre en main, leurs styles de combat étant aussi distincts que leur différence d'âge. Alors que Nero, au look fashion et au visage d'ange, mise principalement sur son bras droit répondant au nom de Devil Bringer pour propulser ses adversaires dans la stratosphère, Dante se reposera une fois de plus sur un beau panel d'armes, de styles et de mouvements associés. Au final, le tour de force n'est donc pas d'avoir réuni deux personnages au sein d'une même aventure mais bel et bien d'avoir réussi à trouver une façon de se battre correspondant à la personnalité du héros, et inversement.
Pour la peine, rendons hommage à ces deux combattants de l'impossible à travers quelques lignes bien senties. Honneur au plus ancien, à notre démon au grand coeur, Dante. Comme je le disais plus haut, le Devil hunter n'apparaît qu'à partir de la mission 12 mais rattrape rapidement son retard grâce aux styles dont il pouvait déjà bénéficier dans Devil May Cry 3. On retrouve avec délice Gunslinger, Swordmaster, Trickster et Royal Guard auxquels s'ajoute la technique, cachée, Dark Slayer. Pour les nouveaux venus, sachez que chaque style vous permet de profiter de mouvements différents liés aux armes que vous utiliserez. A ce sujet, en plus de Ebony & Ivory, on pourra profiter du fusil à pompe mais aussi et surtout d'un attirail nous permettant d'utiliser pieds et poings (l'ancêtre de Beowulf), de Lucifer (une arme futuriste lançant des lames énergétiques) et de Pandora, une mallette transformable en arc (à flèches explosives), en véritable machine de guerre, etc. Plus souples d'utilisation, pour peu que vous utilisiez une manette (ce qui semble d'ailleurs totalement indispensable), les styles peuvent maintenant être choisis à la moindre pression d'un bouton. L'astuce sera alors d'en changer en pleine action pour prolonger les combos et ainsi gagner davantage d'orbes rouges pour acheter des items de soin ou des étoiles démoniaques servant à remplir votre jauge de transformation. Cette évolution de gameplay devient alors synonyme de joutes plus explosives et jouissives, ce qui n'est pas peu dire d'autant que les problèmes de caméra sont moins nombreux.
Attention tout de même car ils sont une fois de plus au menu malgré la possibilité de bouger l'objectif de façon plus significative que dans DMC 3. Quoiqu'il en soit, vous ne vous sentirez pas vraiment brimés durant les 10, 12 heures nécessaires pour boucler l'aventure principale, ceci valant aussi bien pour Devilboy que Nero. En parlant de lui, notre première impression est de se dire qu'il semble bien moins équipé que le fils de Sparda dans le sens où il ne peut profiter que de Blue Rose, un gros calibre que n'aurait pas renié l'inspecteur Harry, de Red Queen, d'une épée high-tech et d'un bras droit peu avenant. Détrompez-vous, sa panoplie de super héros (qui comprendra un peu plus tard l'épée Yamato) est bien suffisante pour terrasser le superbe bestiaire du jeu et les multiples boss tous plus réussis les uns que les autres. Tout d'abord il faut savoir que ce fameux bras a plusieurs fonctions. La première vous servira à attraper les monstres à distance pour leur foutre une rouste titanesque. Vous pourrez alors combiner Devil Bringer, épée et flingue pour améliorer vos enchaînements ou passer dans le dos des ennemis afin de contourner leurs défenses. La seconde utilité de votre membre sera mise en exergue pour atteindre des prises lumineuses servant à s'élever vers des endroits inaccessibles. Ensuite, sachez qu'en sus et place de la transformation démoniaque, Nero pourra faire appel à une sorte d'esprit guerrier qui viendra combattre à ses côtés durant un certain laps de temps.
Si vous aurez bien compris qu'il faut dès le départ laisser tomber le mode Facile afin de faire durer le plaisir, disons que Devil May Cry 4 reste plus accessible que le précédent opus. Ceci est en grande partie dû au système de customisation des personnages. Comme dit précédemment, les orbes rouges répondent présents et sont toujours synonymes d'achats d'objets mais la nouveauté est ici liée aux âmes fières. Qu'est-ce donc ? Me direz-vous, le regard chargé d'une interrogation faisant froid dans le dos. Eh bien, ces fameuses âmes vont vous permettre d'acheter des techniques spéciales pour vos armes ainsi que des aptitudes. Le petit plus est que si vous vous rendez compte qu'une technique ne sert pas à grand-chose, il ne tiendra qu'à vous de la "revendre" afin de récupérer vos âmes fières que vous pourrez ensuite réinjecter dans une autre technique. On sent ici la volonté de Capcom de ne pas frustrer le joueur qui n'aura donc plus à terminer plusieurs fois le titre pour voir l'ensemble des aptitudes. C'est encore plus flagrant lorsqu'on se rend compte qu'on obtient également des âmes fières après un game over.
Finalement, si d'un point de vue jouabilité, on sent une véritable amélioration, et dans les possibilités offertes et dans le rendu des coups alliant rapidité et puissance, Devil May Cry 4 échoue simplement au niveau du scénario. Eternel soucis qui démontre bien que malgré de nouveaux personnages et un univers plus expressif que jamais, la saga de Capcom semble vouée à ne jamais décoller sur ce point-là. En somme, c'est une fois de plus la mise en scène ébouriffante et des chorégraphies hallucinées qui masquent la pauvreté d'un synopsis s'étalant inutilement jusqu'à la fin, à grand renfort de cinématiques inutiles revenant à intervalle régulier sur l'amourette insignifiante entre Nero et une donzelle du nom de Kyrie. Si la relation entre Nero et Dante est davantage perçue comme un rapprochement père/fils plutôt que fraternel, elle ne débouche sur rien de concret si ce n'est une sorte de passation de pouvoir via Yamato. Bref, hormis quelques guest star du nom de Trish et Lady (effacées au possible) et deux ou trois révélations qui ne feraient même pas frétiller le fan endurci d'Ed Wood, cet épisode ne marquera pas encore la rencontre entre la série et un scénario de qualité.
Cela dit, si Devil May Cry 4 tient plus du mauvais roman de gare que du best-seller, il se rattrape en multipliant les passages d'anthologie. Ceux-ci doivent bien entendu au charisme des personnages centraux mais aussi et surtout à des affrontements spectaculaires, mis en valeur par un rendu impressionnant sous DirectX 9 ou DirectX 10. Difficile en effet de ne pas être pantois devant ce déferlement de puissance lorsque Dante assène un punch ou quand Nero utilise son Devil Bringer pour placer une choppe (différente selon les ennemis), spectaculaire à plus d'un titre. De plus, si réussir des combinaisons, basées sur le matraquage d'une seule touche de frappe et le respect d'un timing bien précis, peut demander un temps d'adaptation, tout ceci se fait dans la joie, la bonne humeur et surtout la satisfaction de savoir que tout le jeu reste à la portée de tous les joueurs. Au final, si on pourra critiquer la seconde moitié de l'aventure nous demandant de revenir dans des décors déjà visités, il est difficile de ne pas encenser ce jeu qui milite pour l'action avec un grand A. Ce portage, même s'il n'apporte rien de notable par rapport aux versions consoles, n'en constitue pas moins une vraie réussite. Une réussite qui, nous l'espérons, marquera une étape charnière dans la saga après avoir toutefois gommé quelques défauts pour prétendre à son statut de meilleur beat'em all actuellement disponible sur PC.
- Graphismes17/20
A l'exception d'ombres ratées, l'esthétique d'ensemble ainsi que le level-design sont à se damner. Pourtant on aurait pu croire que l'éclectisme du titre, enchaînant port de plaisance, couloir neigeux, château gothique, laboratoire sousterrain ou ville meurtrie plomberait l'expérience à l'image de DMC 2. Il n'en est rien heureusement et si on y ajoute un bestiaire irréprochable, on obtient le DMC le plus abouti sur ce point. Pour peu qu'on la fasse tourner sous DirectX 9 ou DirectX 10, cette version PC apparaît également plus fine quoiqu'un peu plus terne que ses camarades sur consoles.
- Jouabilité16/20
Evidemment, jouer à DMC 4 sur votre PC implique nécessairement l'emploi d'une manette. Mais une fois maîtrisé cet étrange bout de plastique et ses quelques boutons, le titre apparaît plus accessible que jamais. La jouabilité de Devil May Cry 4 efface même plusieurs imperfections du passé tout en ne réussissant pas totalement à se défaire de ces fichus soucis de caméra malgré la possibilité de bouger l'objectif. Qu'importe, les techniques des deux héros sont complémentaires, les styles de Dante sont désormais accessibles par le biais de la croix de direction et les affrontements n'ont jamais été aussi jouissifs. En sus, le système d'achat et de revente de techniques permet une plus grande souplesse dans la façon de survoler ce volet de Devil May Cry.
- Durée de vie11/20
Vingt chapitres composent l'aventure solo qui s'étale sur une quinzaine d'heures environ. Si vous voulez apprécier à sa juste valeur DMC 4, optez directement pour le mode Normal. A ce titre, notez que cette version PC propose un mode Turbo inédit, qui se chargera de donner encore plus de rythme aux actions du joueur. On appréciera en outre le mode Legendary Dark Knight qui une fois déverrouillé, donne carte blanche à un grand nombre d'ennemis pour envahir l'écran. Bien sûr, les missions secrètes n'ont pas été oubliées et quant au contenu online, il permet simplement de voir son classement ainsi que la liste d'exploits des joueurs du monde entier.
- Bande son14/20
La dualité musique symphonique/hard-rock est toujours de mise pour un résultat convaincant. On retiendra quand même un thème principal inférieur à celui de Devil May Cry 3. Enfin, le doublage américain ne souffre pas d'erreur de casting à l'image du précédent DMC.
- Scénario8/20
On y aura cru mais c'était peine perdue. Le synopsis de DMC 4 nous décrit simplement l'ambition démesurée d'un homme d'Eglise désirant siéger au-dessus de Dieu. Finalement, au lieu de développer convenablement cette histoire, les scénaristes se sont sentis obligés de plomber le tout via une bluette insipide entre Nero et Kyrie, la gourdasse de service. Quant à la relation entre Dante et le minet, elle se solde par quelques dialogues bien fadasses et une passation de pouvoir.
Plus posé que l'épileptique DMC 3, Devil May Cry 4 assure le changement dans la continuité. Beau à pleurer, fun à jouer, cet opus améliore la jouabilité tout en poussant les affrontements vers des chorégraphies de plus en plus époustouflantes. On lui excusera alors son scénario de série B, ses quelques soucis de caméra et une seconde moitié d'aventure solo ressemblant à s'y méprendre à un mode Reverse. Bref, voici bien un DMC de qualité, porté sur nos chers PC avec élégance et maîtrise, et qui augure une descendance au moins aussi stylisée et tout aussi nerveuse.