Après avoir mis les joueurs 360 et les fougueux PCistes sur le carreau en 2007, après s'être offert un petit relooking à l'occasion d'une excursion musclée sur PS3, Lost Planet nous revient une fois encore, boosté par de nombreux modes de jeu inédits ainsi que de multiples petites surprises. Ainsi, ne vous inquiétez pas, si les lignes qui suivent proviennent en grande partie des tests des précédentes versions et s'attachent encore à nous décrire un jeu d'action époustouflant, d'autres, fraîchement ajoutées, vous feront découvrir tout ce que vous voudrez savoir sur cette ultime version du glacial bébé de Capcom.
Malgré son nom barbare, la planète E.D.N. III est la nouvelle oasis de la race humaine. Qu'importe ses plaines arctiques et ses reliefs volcaniques, il y a de la vie et de l'énergie là-dessus, donc, biologiquement, il y a de l'espoir. Non moins barbare, l'appellation Akrid désigne les locaux en question, lointains cousins de nos insectes, dans une version plus volumineuse et cent fois plus violente. Ils représentent à la fois la mort, après avoir fait capoter une première tentative de colonisation, et la vie, puisqu'ils contiennent en eux un suc énergétique d'une puissance nouvelle, qui attise évidemment l'appétit des colons. Malgré la déroute initiale, les hommes ont légèrement repris le dessus avec l'introduction des Vital Suits (VS), des mechas parfaitement adaptés au combat en condition extrême. La colonisation, et la recherche autour de la substance énergétique, ne pourra être réactivée qu'après la sécurisation des zones d'habitation, laquelle semble en bonne voie. Mais tous les Akrids ne sont pas encore sortis de terre, et l'homme, manifestement pas unifié sous une seule bannière, devra aussi régler ses propres problèmes. Wayne, notre héros, aussi un des soldats de l'armée régulière, va en faire l'expérience. Séparé de son corps militaire après avoir vu son père mourir pendant l'attaque d'un colosse Akrid, le Green Eye, il s'apprête désormais à le venger. Voilà le lancement d'une campagne solo de 11 stages servie par un scénario qui, malheureusement, est loin de répondre aux légitimes attentes inspirées par ce point de départ excitant. S'il y avait la possibilité d'en tirer de la SF qui vous prend au corps, Capcom s'est contenté d'une trame très classique et platement mise en scène. Ca ne manque certes pas de révélations, toutes axées en fin de compte sur la monstrueuse première sortie du Green Eye. Mais l'intérêt de cet imbroglio s'émiette rapidement avec des cut-scenes assez statiques et des dialogues très limités. Capcom a encore bien des difficultés à faire vivre ses histoires, c'était aussi un défaut flagrant dans la seconde partie de Dead Rising, autre blockbuster de la firme a avoir fait vibrer les joueurs 360.
On attendait moins LP pour son intrigue que pour ses sensations ludiques. Et là, pas de déception ou presque. Tous les éléments de gameplay procurent un plaisir immédiat et viscéral. Tout est conçu dans cette intention. D'abord par la prise en main qui privilégie le mouvement. Wayne a la faculté de se tourner à 90° d'une volte immédiate. Son grappin lui permet de s'accrocher à une surface verticale proche et de s'y propulser. En se laissant tomber le long d'un parapet, l'homme se fixe automatiquement en rappel au rebord. Bien sûr, il garde en toutes circonstances une main libre pour continuer à tirer. Le mouvement, toujours, sans trêve possible. Un précepte fortifié par le lien qui unit énergie thermique et santé du héros. Par -300° à l'ombre, même les anoraks en poils de léopard qui recouvrent les colons ne suffisent pas à maintenir leurs organismes suffisamment au chaud. Heureusement, Wayne possède de son côté un "harmoniser", capteur d'énergie thermique (th-én), qui permet aussi, au besoin, de remonter sa santé. L'appareil n'est cependant pas capable de retenir un niveau d'énergie constant, et celui-ci baisse donc inexorablement. Pour le maintenir à un volume conséquent, il faut récupérer du Th-én sur les Akrids tués, certains réservoirs naturels artificiels, et activer des bornes thermiques disséminées çà et là. Ce procédé régit un peu toute l'exagération dont peut faire preuve le gameplay puisqu'il offre à Wayne une résistance hors du commun tant que la barre de th-én n'est pas trop entamée, en même temps qu'il incite à une brutalité permanente.
Et celle-ci ne pourrait être aussi jouissive sans l'armement mis à disposition, un armement qui s'étoffe d'ailleurs considérablement dans cette ultime version du jeu. L'arsenal se compose maintenant d'une vingtaine de solutions mortelles, et part de la simple mitraillette jusqu'à un canon à laser multilock en passant par du lance-roquettes et de la gatling. On comptera désormais avec trois types de pistolets différents, dont les capacités diffèrent en termes de cadence de tir, de portée et de dégât. Mais nul doute que les plus bourrins apprécieront encore plus le lance-flammes, mortel en combat rapproché. Ces armes cependant, ne pourront être utilisées qu'en multijoueur. L'autre moitié de ces outils de destruction est tellement lourde et volumineuse que Wayne les porte avec ses deux bras, non sans quelques pertes de vélocité. Ces gros cracheurs de feu ne peuvent d'ailleurs être rechargés qu'à l'arrêt mais sont les seuls à contrer efficacement les mechas ennemis et les Akrids les plus mastoc. Sauf si vous disposez vous-même d'un VS. Inutile de blablater des heures sur ces Labors : ils sont tout bonnement formidables. Alors que des Armored Core ou des Gundam cherchent encore la formule miracle, Lost Planet pourrait presque n'être "que" le meilleur jeu de mecha arcade au monde.
Proche de la dizaine, les différents types de VS peuvent, selon leurs capacités, flotter un court instant, strafer agilement, se propulser en altitude ou se transformer, au choix, en moto des neiges, excavateur de mines ou pod aérien. Autre idée brillante : la possibilité, lorsque l'on est à pied, de prendre directement sur l'engin les armes logées dans les deux compartiments latéraux. Bien sûr, l'inverse est aussi réalisable et on s'assurera de bien installer la combinaison la plus bourrine à disposition avant de prendre la route. Cette perméabilité s'étend même jusqu'à pouvoir prendre directement les armes au sol. Totalement surréaliste, certes, mais on en est plus à ça près. Et là encore, de nouvelles armes sont maintenant à disposition, tel le Pile Driver, très puissant en close combat. On pense également au Lance Laser, énorme bouffeur d'énergie thermique mais capable en contrepartie de lâcher un rayon surpuissant en continu sur une cible innocente. Mais la palme du bourrinage revient au pod de roquettes, qui balance pas moins de quatre projectiles en même temps, avec les effets qu'on imagine. Heureusement, la prise en main d'un VS reste toujours aussi dynamique et seule la récupération d'une arme au sol, justement, peut poser quelques soucis.
Avec de tels outils, vous comprenez que L.P a des arguments plus militaires que le moindre shoot 3D. Et en effet, c'est la guerre là-dedans. Un chaos absolu soutenu par d'extraordinaires SFX, des animations percutantes et un environnement imposant, qui pompe certes pas mal sur Star Wars. On s'en prend littéralement plein la tronche, les deux tiers du jeu n'étant qu'une succession de climax traumatisants de violence. Le reste, ce sont les séquences face aux différentes factions humaines. L'IA de ces ennemis est une calamité, et leur adversité quasiment nulle. Capcom s'est rabattu sur l'abondance, ce qui contraint de toute manière à se la jouer gros bras, mais le frisson de plaisir n'est pas là. Le contraste avec les VS ennemis et plus particulièrement les Akrids est énorme. Il n'y a pourtant pas la moindre trace d'intelligence dans ces bestioles dont vous devez repérer et percer violemment la poche de th-én pour les abattre. Mais de leur sauvagerie, de leur comportement de chasse en groupe, de leurs gestuelles cinglantes et frénétiques, naît bien souvent chez le joueur un sentiment d'impuissance désarmant. Un sentiment que se chargent d'hisser vers des sommets insoupçonnés les boss Akrids, disposés de manière assez irrégulière sur le parcours. Entre parenthèses, cette structure assez anarchique est d'ailleurs très heureuse tant le level design s'avère bourré de répétitions et de facilités. Mais c'est surtout dans ces séquences que le titre atteint la limite du spectacle guerrier dantesque. Mémorables, ces feux d'artifices atteignent aussi fréquemment le grand n'importe quoi. Bourlingué par 20 souffles explosifs et 10 tremblements de terre à la minute, constamment agressé, noyé sous un flot de fumée opaque et d'éclats aveuglants, le joueur subit davantage les évènements qu'autre chose. Et le jeu de devenir alors véritablement hardcore et douloureux. Il y a, à certains moments de L.P, une trop grande part d'aléatoire et d'illisibilité. Malgré tout, le mode solo possède sur ses 8 heures de jeu intenses tant d'instants de grâce parfaitement jouables pour que l'on n'incline pas au moins un genou devant le travail accompli.
Huit heures de combats frénétiques, traumatisantes, maintenant renforcées par 3 modes supplémentaires. Le premier, sobrement nommé Chasse au Score vous propose de reprendre chaque niveau en cherchant à réaliser des combos et ainsi gonfler votre barre de score flambant neuve. De quoi ajouter copieusement au stress que nous imposait déjà notre jauge de th-én en baisse constante. Le deuxième mode, intitulé Duels de Boss, nous invite quant à lui à se coltiner successivement tous les boss du jeu. Un challenge de taille d'autant qu'on conservera les munitions et l'énergie thermique restante pour la baston suivante. Enfin, un mode Illimité vous permettra de revivre l'aventure avec des munitions infinies et un Wayne capable de courir comme un renne le soir de Noël. Les plus acharnés pourront même tenter de faire le jeu en vue à la première personne même s'il est évident que Lost Planet ne se prête absolument pas à ce genre d'exercice. Le versant multi du soft mérite également qu'on s'y attarde, d'autant qu'il embarque toutes les cartes multi parues dans les différentes moutures du jeu ainsi que 4 maps totalement inédites. Même combat pour les skins avec 4 nouveautés qui raviront les amateurs de tuning de perso. Outre les traditionnels matchs à mort en solo ou en équipe, la capture de points de contrôle et le mode survie dans lequel un joueur devra tenir le plus longtemps possible face à des "chasseurs" désireux d'accrocher son scalp au tableau de bord du VS familial, on comptera maintenant avec Voleur d'Oeuf, dont le but est tout simplement de conserver un cocon Akrid plus longtemps que l'adversaire. Le mode Bataille Oeuf consiste quant à lui à chiper l'oeuf de la couleur de votre équipe pour le ramener dans une zone définie, avec pour objectif de marquer plus de "buts" que l'ennemi. Relativement classiques, ces modes ont tout de même le mérite d'offrir un second souffle au multi de Lost Planet. Cela dit, on appréciera surtout le mode Chasseur d'Akrid, véritablement original, car permettant enfin aux joueurs de se glisser derrière les carapaces chitineuses des bestioles, pour en remontrer aux chasseurs humains.
Hélas, tout cela ne va pas sans quelques inconvénients de diverses natures, à commencer par le fait que Colonies est totalement distinct de ses ancêtres. Il ne vous est donc pas possible de réutiliser d'anciennes sauvegardes dans cette nouvelle mouture. Le problème pourrait être relativement anodin, si cette distinction ne s'étendait pas aussi au multi. Les joueurs de Lost Planet Colonies ne pourront en aucun cas affronter les joueurs possesseurs de Lost Planet : Extreme Conditions. En ce sens, Capcom court le risque de diviser la communauté des joueurs, plutôt que de donner un franc coup de pousse à un multi moribond. Le problème est encore plus manifeste sur PC, puisqu'il faudra disposer d'un compte Live Gold (autrement dit un compte payant après un premier mois d'essai gratuit) pour jouer sur des serveurs communs aux joueurs 360 et aux joueurs PC. Le problème ne serait pas si grave si les PCistes étaient nombreux à jouer, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Bref, voici un inconvénient supplémentaire qui agira indiscutablement comme un gros repoussoir pour la plupart des joueurs PC, peu habitués à ce genre de traitement. Lost Planet Colonies reste néanmoins la version la plus complète du monstre de Capcom, et avec un prix réduit les fans absolus et les néophytes auraient sans doute tort de se priver.
- Graphismes17/20
Capcom nous assène de fastueux monstres d'une dizaine de mètres de haut, parfois plusieurs en même temps, sur fond d'environnements vastes et de SFX saisissants. E.D.N. III manque cependant de variété (trois environnements différents) et beaucoup de lisibilité quand les boss s'en mêlent. En contrepartie, le spectacle offert est très souvent bluffant, serti dans une direction artistique qui emprunte à tous les grands classiques de la SF : Star Wars, Starship Troopers, Aliens...
- Jouabilité16/20
La prise en main est très propre et permet de se mouvoir en permanence avec aisance. Dommage que l'accroupi et l'esquive soient difficiles à manipuler. Si les résidents de cette planète, humains comme Akrids, font preuve d'une rare bêtise, c'est beaucoup plus embarrassant pour les premiers, d'une trop faible adversité. Dès que la moindre bébête fait son entrée, Lost Planet dégage alors méchamment, jusqu'à se montrer trop chaotique lors des boss, inutilement hardcore. Jeu de guerre totale, Lost Planet s'accorde terriblement bien au multi, même si de vraies améliorations dans ce domaine n'auraient pas été de trop.
- Durée de vie15/20
Entre huit et dix heures bien concentrées pour un jeu d'action, à refaire en changeant de mode. Le multi profite lui de toutes les maps sorties jusqu'à maintenant, plus 4 inédites, ce qui en fait monter le nombre à 20. Grâce à une petite sélection de nouveaux modes de jeu dont le plus flamboyant est celui qui permet enfin de jouer les Akrids, on prendra beaucoup de plaisir à s'étriper sur le net. Dommage que les serveurs soient distincts de ceux de la précédente mouture. Enfin, il y a fort peu de chances pour que les PCistes aguerris consentent à payer pour avoir le privilège de jouer sur les même serveurs que des consoleux. La plupart ne toucheront donc pas à ces modes.
- Bande son15/20
Il faut connaître son métier pour arriver à une production sonore capable de moduler avec un environnement extérieur tantôt sec, silencieux et glacial, tantôt bouillant et bruyant, et des intérieurs désertiques. Les bruiteurs de Capcom s'exécutent avec brio, le meilleur restant les cris Akrids, qui trahissent magnifiquement la folie meurtrière des bestioles. La musique, rageuse mais pas impérissable, s'offre quelques plages plus calmes et très sombres. Surprenant et plaisant.
- Scénario11/20
Malgré un pitch de départ réjouissant, les scénaristes sabordent pas mal leur boulot à force de transitions assez fades et mal raccordées aux missions. Capcom a aussi un gros problème avec les dialogues, ce n'est pas nouveau. L'histoire en soi n'est pas honteuse, mais ce n'est clairement pas de la grande SF.
En solo, Lost Planet a ses mauvais côtés, une tendance à devenir inutilement illisible et hardcore, et ses vilaines lacunes formelles : manque de travail sur le level-design, IA défaillante, pas de liant scénaristique. Cette oeuvre étrange, ce vrai jeu de guerre, ne se réfléchit pas, et se contente de distribuer des sensations et du spectacle à l'état brut. Les bonus renforcent encore l'ensemble et offre une variété salavatrice. La prise en main, quasi parfaite, sa probante démonstration technique et la sauvagerie inouïe des Akrids lui permettent d'enchaîner à tour de bras des scènes inoubliables. Comme pour le dernier Devil May Cry, il arrive au joueur de s'y sentir tout petit. Et il y a le multi, propre, plus subtil et maintenant beaucoup plus varié que le mode solo, l'expérience vaut le coup. La cerise sur le gâteau : un prix réduit, qui s'il ne poussera pas forcément les joueurs ayant déjà tâté de l'Akrid à l'achat, constituera pour les autres une excellente occasion de découvrir ce majestueux chaos.