Chaînon manquant de l'histoire de Final Fantasy VII, Crisis Core revient sur les sept années qui ont précédé les événements que l'on connaît. Masquée dans l'ombre de Cloud, la personnalité téméraire de Zack transparaît enfin au grand jour et parvient presque à éclipser l'aura diabolique du grand Sephiroth. De son origine à sa brutale conclusion, l'histoire de celui qui est sans doute le véritable héros de FVII nous est livrée comme un testament.
Les héros les plus humbles ne laissent pas toujours leur nom dans l'Histoire, préférant léguer à ceux qu'ils aiment le souvenir de ce qu'ils ont accompli, même s'ils doivent pour cela abandonner la gloire et plonger dans l'oubli collectif. Bien que le septième épisode de la saga Final Fantasy soit indissociable du nom de Sephiroth et de Cloud, nul n'ignore que derrière la silhouette emblématique du blondinet se dessine l'ombre de Zack, personnage discret à la destinée tragique qui peut être fier d'avoir su réaliser son rêve en méritant le titre de héros.
Crisis Core, c'est donc avant tout l'occasion de rendre enfin justice à celui qui, le premier, s'est dressé contre Sephiroth et méritait plus que tout autre l'amour d'Aerith. Il aura légué à Cloud bien plus que son épée, il lui aura permis d'hériter de ses valeurs et de devenir celui qui marquera les esprits en se dressant contre un Sephiroth devenu aussi méconnaissable qu'incontrôlable. Ainsi donc, Crisis Core ne revient pas seulement sur l'incident de Nibelheim, seul véritable moment où Zack est évoqué dans le septième épisode. Il se propose de nous faire découvrir l'avant FFVII, soit les sept années qui ont précédé la rencontre de Cloud avec le groupe Avalanche, au travers de l'histoire d'un seul et unique personnage dont on ne savait jusqu'à présent presque rien, hormis le nom et la silhouette.
C'est donc un Zack jeune et fringant que l'on découvre au tout début de l'histoire de Crisis Core et que l'on suivra durant plus de la moitié du jeu avant qu'il ne devienne un héros lucide, sérieux et résolu, héritier de la fameuse Buster Sword. Quels sont les événements qui feront de ce SOLDAT 2ème classe, plein de vigueur et d'enthousiasme, un être aussi déterminé à sacrifier sa vie pour une cause qu'il sait juste ? Par quel triste jeu du sort les hommes qu'il vénérait le plus vont-ils basculer dans la peur, la détresse et la folie, devenant eux-mêmes des obstacles de plus à franchir ? Introduits pour la première fois dans Crisis Core, les personnages d'Angeal, le mentor de Zack, et de Génésis, dont les paroles résonnent comme des psaumes, constituent le principal stimulus à l'histoire qui gravite autour des thèmes chers à Final Fantasy VII. Les implications du projet Jenova révèlent ici des conséquences insoupçonnées, les sujets imparfaits étant condamnés à voir leur corps dégénérer en même temps que leur esprit. Les alliés de jadis sont voués à s'affronter pour une cause sans issue, l'aile noire et l'aile blanche tourbillonnant dans un balai mortel sous les yeux impuissants de Zack et d'un Sephiroth d'ores et déjà inaccessible.
L'atout premier de Crisis Core réside ainsi clairement dans la grandiloquence de son scénario et dans ce que celui-ci apporte à l'histoire originale de Final Fantasy VII. Si la trame s'efforce de compliquer considérablement les choses en introduisant des facteurs inattendus, elle enrichit d'autant plus le contexte initial en lui donnant une toute nouvelle ampleur. Sa découverte nous offre aussi l'occasion inespérée de retourner à Nibelheim, à Junon ou Costa del Sol, et d'arpenter à nouveau ces lieux chers aux joueurs de Final Fantasy VII. Plus charmante que jamais, Aerith attend votre venue dans l'église des taudis du secteur 5, la marchande de fleurs étant déjà ardemment surveillée par les Turks, envoyés par la Shinra sur les traces des Anciens. De ces derniers, Zack verra principalement Tseng et Cissnei, la petite nouvelle de l'organisation. Le découpage en chapitres successifs débouche de toute façon sur une progression linéaire qui condamne toute tentative d'éloignement par rapport à la trame principale. Mais si le joueur n'est guère libre de ses mouvements, l'efficacité de la narration et de la mise en scène nous font vite oublier ce désagrément. Les cinématiques en images de synthèse n'ont d'ailleurs rien à envier à l'époustouflant Advent Children, immortalisant à la perfection les scènes les plus marquantes de cet épisode.
Mais pour aller de paire avec sa violence narrative, Crisis Core se devait de proposer un système de jeu dynamique, éloigné des schémas habituels du RPG. Le soft s'oriente finalement vers l'action en temps réel, mais sans pour autant délaisser quelques éléments chers aux rôlistes. Agencés généralement sous la forme de couloirs plus ou moins ramifiés, les environnements proposent des rencontres aléatoires avec les ennemis du jeu, les combats ne se déclenchant que lorsque le joueur pénètre dans des zones hostiles invisibles. Le système offre ainsi la possibilité d'éviter certains affrontements en longeant les murs, mais ce n'est pas toujours possible et c'est surtout peu recommandé. L'évolution de Zack passe en effet par le combat et le gain d'expérience, ses aptitudes ne pouvant être optimisées que lorsqu'il en découd avec ses ennemis.
Durant les batailles, un système appelé OCN (ou DMW en VO) tourne en permanence en haut de l'écran et fonctionne comme un jackpot sur lequel le joueur n'a malheureusement aucune prise. Il correspond en fait à des ondes cérébrales numériques qui entrent en relation avec les souvenirs de Zack, faisant intervenir les portraits de tous les personnages importants qu'il a pu rencontrer jusque-là. Lorsque trois visages identiques sont alignés, la limite associée à ce personnage se déclenche et renforce les stats de Zack. Son niveau et celui de ses matérias peuvent également augmenter si les chiffres qui accompagnent les portraits sont eux aussi identiques. Un système assez particulier qui peut s'avérer frustrant, dans le sens où il est complètement aléatoire, mais sans lequel les affrontements perdraient une grande partie de leur intérêt. Car bien qu'il soit géré en temps réel, le gameplay passe par une série d'icônes de commande à activer pour imprimer à Zack l'ordre d'attaquer, de lancer un sort, d'utiliser un objet ou de déclencher un coup spécial. Ces commandes sont affiliées aux gâchettes et on peut donc les enchaîner librement, d'autant que c'est à nous qu'il appartient d'en dresser la liste parmi toutes les matérias obtenues. Le seul souci vient du fait que l'enchaînement des frappes directes n'est pas aussi fluide qu'un combo habituel, ce qui s'avère déstabilisant. Malgré tout, la rapidité d'exécution des esquives compense ce désagrément et permet de réagir au quart de tour à condition d'anticiper les mouvements de l'ennemi. Dans le même ordre d'idées, la gestion du placement incite à contourner ses adversaires pour les frapper dans le dos afin de sortir un maximum de coups critiques pour décupler la puissance des attaques.
Le principal élément qui pourrait décevoir le joueur découvrant Crisis Core, c'est le manque de subtilité dans l'exploration des niveaux dont la linéarité reste constante jusqu'à la fin du jeu. C'est encore plus flagrant durant les missions optionnelles, accessibles à tout moment via le sous-menu. Bien qu'elles soient généralement précédées d'un court briefing, elles se résument systématiquement à arpenter des couloirs jusqu'au boss en essayant de dénicher tous les coffres éparpillés dans le niveau. Classées par degré de difficulté, ces missions permettent néanmoins de récupérer des objets rares bien utiles pour la suite de l'aventure et de renforcer ses aptitudes. Qui plus est, c'est uniquement par ce biais que vous pourrez élucider tous les secrets du jeu, affronter des Pampas et des Tomberrys, rencontrer Yuffie et récupérer toutes les mascottes et les matérias d'invocation. Liées à l'OCN, les chimères telles que Odin ou Bahamut interviendront de manière totalement aléatoire, moyennant d'impressionnantes cinématiques témoignant de leur efficacité. La collecte des matérias de toutes sortes constitue sans doute l'un des à-côtés les plus intéressants de Crisis Core, surtout qu'il est possible d'augmenter leur niveau et de les fusionner pour obtenir des matérias inédites. Avec un total de 300 missions à effectuer, le soft trouve là un bon moyen de décupler sa durée de vie qui, réduite seulement à sa quête principale, ne dépasserait pas la quinzaine d'heures. Pris dans son entier, Crisis Core est un jeu audacieux et ambitieux qui compense ses faiblesses ludiques par ses talents narratifs et sa mise en scène haletante. Un complément réussi au mythe qui entoure Final Fantasy VII depuis maintenant plus de dix ans.
- Graphismes17/20
Une réalisation de très haute volée qui déçoit uniquement par son manque d'inspiration au niveau du level-design. Les personnages inédits réalisent l'exploit de se rendre aussi charismatiques que Zack, Cloud et Sephiroth, et les séquences en CG sont dignes d'Advent Children.
- Jouabilité15/20
Malgré son côté linéaire et ses quelques problèmes de caméra, le gameplay s'avère plus jouissif et moins limité qu'il n'y paraît au début, surtout si on prend à peine de fusionner les matérias pour se construire un jeu surpuissant. Le système de combat gagne ainsi en intérêt à mesure que l'on acquiert des matérias de plus en plus nombreuses et variées.
- Durée de vie15/20
La difficulté est dosée de manière à rendre possible l'accomplissement de la trame principale sans obligation de fusionner les matérias ou de passer du temps dans les missions secondaires. La durée de vie peut ainsi aller de 15 heures pour la quête principale au triple si vous voulez faire les 300 missions optionnelles.
- Bande son16/20
La plupart des musiques sont des reprises des thèmes cultes de FFVII dans des versions souvent magnifiques, accompagnées de morceaux inédits qui donnent une vraie personnalité au titre.
- Scénario17/20
Traité de manière inattendue et complexe, le scénario de Crisis Core gravite autour des implications du projet Jenova et revient sur l'aliénation de Sephiroth et le destin de Zack de façon magistrale.
Segment indispensable pour aborder dans son ensemble le scénario de Final Fantasy VII, Crisis Core est une réussite incontestable sur le plan narratif et émotionnel. Haletant d'un bout à l'autre, le déroulement du jeu ne souffre quasiment d'aucun temps mort. Moins convaincantes, les missions secondaires sont là malgré tout pour relancer de manière drastique la durée de vie et enrichir le gameplay via l'acquisition de matérias et d'invocations optionnelles. Avec ce titre, la lumière se fait sur l'avant FFVII et l'hommage est enfin rendu à celui qui se tient depuis toujours dans l'ombre de Cloud.