Début 2004, The Westerner faisait souffler un vent rafraîchissant sur le jeu d'aventure. Ce Far West revu et corrigé avait réjoui les fans du genre. Ces derniers pouvaient donc attendre avec impatience la sortie de West Law, qui en reprend aujourd'hui les codes, l'humour ravageur et le style cartoon.
Ce qui est bien avec West Law, c'est que la grande aventure débute avant même son démarrage. C'est un véritable duel que l'on livre avec le jeu ; tendu, haletant, impitoyable. Il refuse en effet de fonctionner sur certains PC, sans qu'il soit possible d'en comprendre la raison. Et lorsque, par chance, on parvient à le lancer et à faire enfin ses premiers pas dans l'Ouest sauvage, on se retrouve bêtement bloqué par des bugs de progression qui empêchent de poursuivre l'aventure. Il ne reste alors plus que deux solutions : boire pour oublier ses déboires (une bouteille de whisky fera l'affaire), ou bien installer le patch correctif développé en catastrophe par l'éditeur. Sans doute le premier d'une longue série, vu l'accumulation de problèmes techniques que l'on constate tout au long du jeu. Sortez le goudron et les plumes pour Anuman Interactive !
Dans West Law, le joueur incarne Jack, un ancien hors la loi qui s'est rangé et reconverti en simple fermier. Bien entendu, on pense tout de suite au personnage de Bill Munny dans "Impitoyable", d'autant que Jack a de faux airs de Clint Eastwood. Un jour, un apache en fuite débarque chez lui, poursuivi par des bandits à la solde de Bill Black. Ceux-ci ne parviennent pas à mettre la main sur l'indien, mais passent Jack à tabac et brûlent son ranch. Sans toit et sans argent, notre cow-boy décide de participer au tournoi de duels au revolver de Westtown, réservé aux hors-la-loi. Jack devra vaincre les bandits les plus réputés, dont Bill Black en personne, pour espérer remporter le premier prix. Sa route croisera celle de personnages typiques, comme Padre Sanchez, victime lui aussi des hommes de main de Bill, ou Lily Fatale, la reine du braquage de banques. Tous ces personnages sont volontairement caricaturaux car ils ont été créés dans un esprit très cartoon. De même, l'univers est truffé de références et de clichés issus du western spaghetti, que les cinéphiles se feront un plaisir de relever. Cyniques et drôles, les dialogues entre les personnages sont particulièrement savoureux, tout comme les situations absurdes auxquelles Jack est souvent confronté. Bref, du point de vue de l'intrigue, West Law n'a rien à envier à The Westerner.
Hélas, pour profiter de ces qualités narratives, il faut en passer par des lacunes techniques et des lourdeurs de gameplay qui rendent l'expérience de jeu peu satisfaisante. West Law est un de ces point'n click extrêmement classiques dans lesquels on passe des heures à balayer l'écran dans l'espoir d'un changement de forme du pointeur, signe d'une interaction possible (regarder, prendre, utiliser, aller...). A noter que les flèches de sortie d'écran sont parfois peu visibles. Et que dire de cette carte sur laquelle figure l'ensemble des lieux accessibles sans que l'on puisse s'en servir pour s'y déplacer directement ? Pour rester dans le domaine de l'ergonomie, la praticité de l'inventaire est mi-figue mi-raisin. D'un côté, il a la bonne idée d'être accessible en haut de l'écran, sans ouverture d'un nouveau menu, ce qui permet de garder un oeil sur l'environnement. D'un autre côté, il contraint à faire défiler les objets pour y avoir accès, ce qui le rend au final peu pratique, en particulier pour les associations. Un bon point : ces dernières sont présentes en quantité raisonnable, et elles sont toujours logiques, ce qui permet d'avancer dans l'aventure sans rester bloqué très longtemps.
Il faut toutefois savoir que la linéarité de la progression, typique du genre, s'accompagne ici d'un dirigisme de l'action. Un simple exemple suffira à illustrer ce que j'entends par là : alors que Jack rapporte au directeur de l'hôtel le testament qu'il lui a demandé d'aller faire signer de la main du juge, le joueur est naturellement amené à sélectionner le document et à le présenter au personnage. Cela ne fonctionnera pas : le jeu "attend" en effet qu'il engage à nouveau la conversion avec le directeur de l'hôtel, faute de quoi Jack ne sortira pas le fameux papier. C'est terriblement frustrant. Dernière lourdeur de gameplay et non la moindre : West Law propose de temps en temps quelques mini-jeux de réflexe durant lesquels Jack entre en action : pugilat, rodéo, duel au pistolet... Ces séquences sont aussi inintéressantes que leurs commandes sont sommaires. Pour ne rien arranger, elles provoquent des ralentissements sur les configurations les plus modestes, et ont de surcroît la mauvaise idée d'être assez difficiles, contraignant le joueur à les recommencer plusieurs fois. Pensées pour être la plus-value d'un jeu à la durée de vie extrêmement limitée (5 à 6 heures tout au plus), elles ne représentent au final qu'un élément rédhibitoire de plus.
Pour finir, évoquons brièvement la dimension graphique et sonore du jeu. L'aspect visuel est honnête, sans plus. Les décors sont bien réalisés et voient leur aspect froid et figé compensé par une palette de couleurs très kitsch. Les personnages, par contre, auraient pu être mieux modélisés et mieux animés. L'aspect sonore est lui aussi très inégal. Les musiques sont réussies et bien dans le ton. Les doublages en français, en revanche, sont une véritable catastrophe et témoignent d'une direction d'acteurs qui flirte avec l'amateurisme. C'est bien simple : la plupart des acteurs ont une voix complètement inadaptée à leur personnage. Certains essaient alors vainement de composer avec leur rôle (cf. le conducteur de diligence mexicain à l'accent marseillais), mais la plupart s'acquittent de leur tâche sans aucune conviction, certains débitant leurs textes bien trop vite. Pour ne rien arranger, les répliques souffrent souvent de différences de volume importantes, et certaines voient leur fin rognée par la suivante. Du travail bâclé, pour un rendu aussi ridicule que pathétique, qui achève de propulser West Law parmi les jeux d'aventure sans grand intérêt. Une vraie déception eut égard à son univers accrocheur et à son intrigue bien sympathique.
- Graphismes11/20
L'ambiance propre aux westerns est bien rendue. Les décors sont soignés, mais on déplore leur faible nombre et leur manque de variété. Les personnages souffrent pour leur part d'une modélisation et d'une animation trop sommaires.
- Jouabilité8/20
Le gameplay est typique du genre, mais pâtit de certaines lourdeurs qui rendent l'expérience de jeu plus agaçante que gratifiante, surtout pour qui est victime des nombreux bugs et autres problèmes techniques.
- Durée de vie6/20
Cinq à six heures de jeu suffisent pour boucler l'aventure, que les fans du genre engloutiront en moins d'une journée. C'est clairement insuffisant.
- Bande son7/20
La bande-son est très inégale. Les compositions musicales sont inspirées et bien adaptées à l'univers ; les effets sonores sont bien réalisés. En revanche, les doublages en français suffisent à casser l'ambiance et à enfoncer le jeu dans le plus profond ridicule.
- Scénario14/20
C'est le point fort de West Law. Non que l'intrigue soit d'une profondeur particulière. Mais elle propose son lot de personnages pittoresques qu'on croirait sortis du grand écran, de situations absurdes et cyniques, de dialogues drôles et incisifs.
West Law est un jeu d'aventure à l'univers rafraîchissant et à l'intrigue bien sympathique. Son intérêt se voit hélas plombé par quelques lourdeurs de gameplay et des lacunes techniques préjudiciables. Les amateurs du genre n'y trouveront donc pas leur compte, d'autant que sa durée de vie très insuffisante ne joue pas en sa faveur. Bref, un jeu un peu trop à l'ouest.