Considéré comme l'un des jeux d'action les plus fantastiques et plus exigeants de ces dernières années, Ninja Gaiden se dote aujourd'hui d'une suite. Une suite dans laquelle les petits gars de la Team Ninja se sont manifestement lâchés. Plus violent que jamais, plus nerveux, plus intense, le titre impressionne et fascine mais n'en évolue pas moins à l'ombre de ses anciens démons.
Les pouces meurtris, les traits tendus, les joues baignées de larmes de sang, assis au milieu des débris épars d'un pad vaporisé dans un élan de rage, exaspéré, furieux d'avoir à reprendre pour la vingtième fois le même combat contre un boss récalcitrant, le joueur de Ninja Gaiden ne vous en dira pas moins que ces instants de frustration totale constituent pourtant une source de grande jouissance. Un bien étrange paradoxe aux relents masochistes, qui une fois encore, prend corps à travers le travail de la Team Ninja et de Tomonobu Itagaki, grand malade devant l'éternel. Car avec ce Ninja Gaiden II, l'art de la baston atteint probablement son apogée. Ici, la traversée de chaque salle se mue en défi et chaque affrontement en une lutte à mort, cruelle, insoutenable tout autant que majestueuse. Car c'est un fait, tout ce que Ninja Gaiden nous fait subir de vicieux, de retors et d'injuste, il l'efface d'un geste en nous offrant l'intense satisfaction de la victoire, du geste parfait et du combat ultime dominé de bout en bout. Pourtant si les affrontements de ce nouvel opus frisent l'excellence, on ne pourra pas en dire autant de ce scénario anémique, sans doute écrit sur un string de lilliputienne un soir de beuverie. Mais cet aspect précis du jeu étant peut-être susceptible d'intéresser une certaine catégorie de joueurs désaxés, il nous faut donc étudier brièvement le scénario à la base de ce monstrueux défouloir.
Une fois encore, notre bon vieux hachoir sur pattes, la terreur des assurances-vie, j'ai nommé Ryû Hayabusa, se retrouve confronté aux membres du clan de l'Araignée Noire, manifestement déterminés à lâcher les pires démons de l'ancien temps sur le monde. Pourquoi ? Parce que c'est fun, et que c'est là le seul moyen de mettre un terme aux couinements infâmes des Star Académiciens. Pour couronner le tout, les méchants seront aidés de démons mineurs qui n'oeuvrent ensemble que pour préparer le retour de leur maître, terminateur de mondes et grand amateur de jambon. Pour les en empêcher, Ryû n'a plus qu'à convaincre l'ennemi à grands coups d'objets contondants dans les parties. Le héros néanmoins, bénéficiera du soutien moral et logistique de Sonia, une midinette de la CIA toute de cuir vêtue et qui, soyons honnêtes, ne sert essentiellement qu'à exhiber ses nombreuses protubérances plus ou moins plastifiées. Bien évidemment initiée au Japon, cette noble quête entraînera notre héros aux pieds de la Statue de la Liberté, dans les canaux de Venise ainsi que dans d'autres endroits plus étranges et incongrus, dans lesquels vous n'iriez sans doute pas même si on vous proposait un billet gratuit.
Quatorze niveaux en tout, tous bien linéaires, mais pourvoyeurs d'une action dévastatrice et fondamentalement addictive à apprécier pendant une quinzaine d'heures. Ryû a donc du pain sur la planche et du gigot à ficeler. Et si les fans découvriront bien quelques sympathiques surprises scénaristiques le long de cette longue route ensanglantée, les nouveaux venus qui attrapent la série au vol n'auront pas la moindre raison de se sentir perdus. Car au final, Ninja Gaiden II n'exige aucunement que l'on comprenne quoi que ce soit. Non, tout ce qu'il souhaite et tout ce qu'il offre, ce sont des hectolitres d'hémoglobine et des barquettes de bidoche. Et cela passe bien évidemment par une revue succincte des outils de travail du guerrier.
Fidèle à ses habitudes, Ryû ne commence l'aventure qu'avec sa Dragon Sword et ses shurikens en mousse (dont la seule utilité est de maintenir votre jauge de combos en forme), mais heureusement d'autres joyeusetés ne tarderont pas à rejoindre son beau râtelier. Entre votre épée, les lames doubles, le Bâton Lunaire, la faux attachée au bout d'une chaîne et les griffes mortelles, on aura de quoi faire. Au total, ce sont 8 armes de mêlée en tout qui vous attendent au détour des couloirs littéralement inondés d'embûches du soft. 8 instruments de mort auxquels viennent s'ajouter un arc, des couteaux de lancer explosifs (kunaï), une gatling sous-marine et d'autres jolies surprises. N'oublions pas non plus les bonnes vielles attaques magiques à base de Ninpo. Tous ces instruments imposent bien évidemment leur propre style de combat et une batterie de coups différente, qu'il faudra chaque fois apprendre à maîtriser. Sachez en outre que toutes les armes, ainsi que chaque pouvoir, peuvent être améliorés dans l'une des boutiques présentes sur votre route. Et chaque amélioration débloque de nouvelles possibilités de combos, ajoutant une couche de richesse supplémentaire au système de combat déjà bien touffu.
Pourtant, le tout part très simplement, avec une parade, une attaque rapide et un coup de bourrin. Comme par le passé, il suffira de maintenir une touche enfoncée pour absorber les orbes de karma lâchés par des ennemis éventrés afin de déclencher une supra pluie de mandales. Mais combiner le tout, ainsi que les joyeux sauts de cabri et les courses sur les murs font déjà opérer la magie. Le ballet prend forme et s'emballe au rythme des geysers de sang et des démembrements pléthoriques. Les entrailles volent, les crânes explosent et la violence devient art. Ninja Gaiden II s'avère suprêmement gore et permet effectivement de découper soigneusement les adversaires. Mais prenez garde, arracher un bras ou une guibolle à un ninja ou un démon ne le mettra pas forcément hors de combat, bien au contraire. Même avec un membre en moins, les saligauds insistent et réclament un deuxième service. Très vite, vous devrez prendre le réflexe d'achever tout le monde en appuyant sur la touche Y, à laquelle est maintenant associé un finish move, destiné à terminer avec classe un adversaire blessé. Sans cela, vous courez effectivement le risque de vous retrouver avec une attaque sournoise d'un démembré. Hop, un moment d'inattention, et on vous agrippe la cheville pour mieux vous faire péter une grenade à la tronche.
Aussi incongru que cela puisse sonner, ces incroyables projections de viscères dans la stratosphère confèrent donc une véritable ambiance au jeu, une certaine forme d'esthétisme également. Quoi qu'il en soit, l'ensemble a indéniablement gagné en dynamisme et peut-être aussi en confusion. Les rencontres sont plus violentes que jamais, plus rugueuses et plus difficiles à négocier que par le passé. Car les ennemis aiment véritablement à vous agresser en groupes massifs, ne vous laissant que très rarement le temps de vous remettre de vos émotions. A ce titre, notez que Ninja Gaiden II propose 4 niveaux de difficulté, dont 2 devront d'ailleurs être débloqués à la dure. Le mode le plus facile en revanche, permettra enfin aux joueurs les moins doués d'avoir une chance d'atteindre le bout du tunnel. Attention, cela n'est pas à dire que le jeu en deviendra une promenade de santé pour autant. Ninja Gaiden II reste fidèle à la formule qui a fait le succès de son prédécesseur et propose un challenge extrêmement relevé, destiné aux joueurs les plus courageux. Pour le coup, les chasseurs de succès trouveront en lui le défi ultime, impitoyable jusqu'à l'absurdité. Toutefois, il est vrai que les checkpoints sont plus nombreux et mieux placés qu'auparavant. Succomber face à un boss par exemple ne vous renverra plus à l'autre bout d'un niveau, mais simplement au début du combat.
Ninja Gaiden II se différencie également de ses aînés par son système de vie qui se régénère après chaque combat, permettant du même coup de lâcher plus de monstres que jamais sur Ryû. Attention tout de même, selon le niveau de difficulté choisi, vous subirez une quantité variable de dégâts permanents matérialisés par une zone rouge dans votre jauge d'énergie. Relativement tolérant pour les débutants, ce système ajoute en fait de la tension dans les niveaux de difficulté supérieurs, ainsi que dans le dernier tiers de l'aventure, incontestablement le plus intéressant. Mais la difficulté traumatisante du jeu tient encore une fois à la gestion douteuse de la caméra, qui semble plus destinée à mettre en valeur les performances martiales du héros qu'à vous permettre de distinguer clairement toutes les menaces. On se retrouvera même régulièrement aveugle, forcé de repositionner la caméra manuellement dans le feu de l'action. Vrai, la bête se montre plus dynamique, mais suivre un Ryû sous amphétamines de guerre n'a jamais été aussi difficile.
Plus équilibré, plus stylé, Ninja Gaiden II n'en accuse pas moins quelques autres faiblesses, d'ordre technique notamment. Ainsi, même si le jeu impressionne par la fluidité de ses combats et sa rare brutalité, il se contente parfois de décors insipides et de textures pauvrettes. Les environnements, parfois somptueux, peuvent effectivement sombrer dans le domaine de l'utilitaire sans âme au détour d'un couloir. On notera également des chargements intempestifs en plein combat. Ce dernier aspect n'est pas véritablement gênant, car finalement assez rare, mais tout de même. Hélas, ceci s'associe parfois à quelques méchantes saccades lorsque l'action devient frénétique et que les ennemis se montrent en masse. Lors du test, votre humble serviteur aura même pu constater des problèmes de synchro entre l'image et le son (anglais seulement), voire la disparition totale de ce dernier pendant une cinématique. Mais ces derniers petits soucis pourront peut-être être imputés à la version Review qui nous a été envoyée. Des infos à prendre avec des pincettes donc, sur lesquelles nous reviendrons probablement lorsque nous disposerons d'une version commerciale.
Quoi qu'il en soit, même si Ninja Gaiden II ne va pas sans son cortège de défauts, il s'érige tout de même en immense morceau de bravoure, puissant, viscéral et impitoyable. Un titre d'action dévastateur à ranger aux côtés des meilleurs représentants du genre et qui se prête admirablement bien aux délires de ces gamers fanatiques, prêts à rejouer encore et encore les mêmes séquences afin d'atteindre la perfection (dans les limites de ce que peut vous permettre une caméra souvent moribonde). Enfin, comme une cerise rouge sang sur un immense gâteau à la crème, le Team Ninja offre le rêve aux meilleurs joueurs : la possibilité de partager leurs exploits guerriers. Le jeu vous permet effectivement d'activer un mode Cinéma qui enregistre les replays de vos parties, que vous pourrez ensuite échanger sur le Live. Tout cela venant évidemment compléter les traditionnels tableaux de scores et autres leaderboards. Car la reconnaissance, c'est peut-être là la récompense ultime du joueur qui devra consentir à tous les sacrifices pour profiter à fond de poème de tripes et de sang.
- Graphismes16/20
Une fois encore, Ninja Gaiden nous écrase par la virtuosité de ses animations. Les coups suintent la rage la plus absolue, les chocs sont durs et sanglants et le résultat à l'écran en devient magnifique. Les décors en revanche, ne jouent pas vraiment dans la même catégorie que ceux de son principal rival, Devil May Cry 4. On profitera cependant de quelques superbes environnements, notamment dans le dernier tiers du jeu. Enfin, lorsque l'adversaire se présente en nombre, le jeu nous inflige de méchantes saccades, à mettre dans le même sac que ces chargements intempestifs. Rien de rédhibitoire, mais ces petits défauts jettent tout de même une ombre sur un tableau autrement fantastique.
- Jouabilité16/20
Jouissive et intuitive, la jouabilité fait corps avec un gameplay prônant le spectacle et la brutalité. Exterminant vos ennemis avec classe, style et désinvolture, vous observerez un véritable ballet, sublimant les combats. Les fans peuvent d'ailleurs êtres rassurés : la profondeur est bien là, au même titre que la difficulté. Hélas, le rôle du rabat-joie de service incombe encore une fois aux caméras, souvent brouillonnes et préférant de toute évidence l'esthétisme à la clarté.
- Durée de vie16/20
Quatorze chapitres que seuls les plus grands guerriers seront à même de traverser. On note toutefois que le premier mode de difficulté laissera enfin une chance aux gamers besogneux. Comptez tout de même une quinzaine d'heures pour voir la fin de cette ode à la tripaille et à l'action non-stop. Les fans pourront même partager leurs faits d'armes sur le net, grâce à un système de replay à activer à volonté.
- Bande son14/20
Bruitages pêchus et musiques timides constituent le fond sonore de cette aventure. L'ensemble est cohérent mais n'a pas toujours la trempe de ce qui apparaît à l'écran.
- Scénario10/20
Ninja Gaiden II se contente du strict minimum en la matière, mais le principal ne se trouve pas là. On appréciera cependant les cinématiques lors desquelles Ryû crève littéralement l'écran.
Gigantesque défouloir, immense pourvoyeur de tripaille, Ninja Gaiden II ne trahit en rien son illustre prédécesseur pas plus qu'il n'améliore la solide formule de la Team Ninja. Le jeu se fait tout simplement l'esclave du plus : plus nerveux, plus gore, plus épique aux dépends probablement, de la magie et de la lisibilité de l'action. Reste l'un des softs les plus sauvages de ces dernières années, à consommer sans la moindre modération, si toutefois vous en avez le courage.