Hanté par son tragique passé, dévoré par le virus Foxdie, Snake nous revient essoufflé en plein milieu d'une guerre où les composants nano-technologiques sont aussi importants que les balles. Relique d'une époque révolue, notre héros avance pour régler ses comptes et en finir une fois pour toutes avec son Nemesis : Liquid. Enjambant les corps, se faufilant dans l'ombre, se fondant dans son environnement, la légende nous fait l'honneur d'une nouvelle passe d'armes avec ses ennemis de toujours.
Tant qu'il y aura des hommes il y aura la guerre nous disait Albert Einstein et comme pour corroborer cette citation, c'est aujourd'hui Liquid Ocelot qui prend les rênes mondiales d'une guerre depuis longtemps fomentée par des entreprises privées. Désireux d'être l'unique acquéreur d'une technologie permettant de contrôler les engagés, volontaires ou non, le côté sombre de Snake se veut plus ambitieux que jamais. De l'autre côté de la barrière, Solid Snake se montre un adversaire pathétique, affaibli par la maladie et confronté à un destin qu'on pourrait juger inéluctable. Si le fil rouge de Guns of The Patriots est linéaire, le scénario de cet opus n'en est pas moins le plus étoffé de la série. Logique me direz-vous vu que nous avons affaire à un épilogue (définitif ou non) de la saga Solid. Un casting de luxe, des réponses à toutes les questions que nous nous posions ou que nous n'avions même jamais osé évoquer et au final un segment bâti sur un scénario auquel viennent s'ajouter plusieurs séquences vidéoludiques furieuses. En substance, voici ce que nous donne la première itération de Kojima sur PS3. Mais au-delà de ce résumé, qu'en est-il vraiment ?
Tout d'abord, la réalisation du titre se situe dans la lignée de celle de Sons of Liberty, en privilégiant la structure narrative aux phases de gameplay qui n'en restent pas moins exquises. Cependant, sachez que la proportion est ici de 1/3 de cinématiques et de 2/3 de jeu, ce qui pourra faire frémir certains joueurs. On notera donc la volonté d'Hideo Kojima de clore son oeuvre ou du moins d'offrir aux fans de la première heure une suite dans le sillage de la fin de MGS 2. Pour autant, le jeu se veut plus ouvert en termes d'environnements. Ainsi, l'aventure, segmentée en plusieurs chapitres, nous transporte du Moyen-Orient à l'Amérique du Sud en passant par l'Europe de l'Est avant d'entamer un retour vers un lieu historique pour finalement se clore dans un endroit emblématique de la saga dont nous tairons ici le nom. Si MGS ne nous avait pas habitués à ce côté "globe-trotteur", on se félicitera de cet aspect qui, sans mettre à mal l'homogénéité du titre, lui confère une véritable personnalité. Pourtant, paradoxalement, c'est le chapitre le plus original, en Europe, qui fait montre de plus de défauts.
Ainsi, passée la surprise de la découverte, on sera surpris de la construction du stage ne recelant que deux véritables phases de jeu. Tout commence par une introduction au cours de laquelle Snake revêtira un camouflage facial lui donnant l'illusion de sa jeunesse perdue. Au passage, on remarquera l'habile subterfuge de Kojima nous offrant la possibilité de jouer avec un Snake rajeuni pour qui n'apprécie pas son pendant vieillissant. Ensuite, survient une séquence durant laquelle on devra suivre une personne en se cachant de cette dernière ainsi que des soldats patrouillant dans les rues. Sympathique, ce passage s'embourbe rapidement dans une longueur excessive nous donnant l'impression que Kojima ne savait pas vraiment comment conclure le tout. Retour sur une cinématique pour arriver à une course-poursuite interactive, à moto, proprement hallucinante, totalement jouissive mais pouvant être plus ou moins appréciée sans toucher à un seul bouton. Enfin, après un combat contre un membre de Beauty And The Beast, le chapitre se termine par une des cinématiques les plus impressionnantes du soft d'un point de vue de l'intensité. Bref, ce niveau illustre plutôt bien dans son ensemble Guns of The Patriots stigmatisé par l'envie de Kojima d'en dire le plus possible au détriment des phases de jeu proprement dites.
Toutefois, n'allez pas croire que MGS 4 est un titre vidéoludiquement laconique. Ainsi, sans tout vous révéler, on citera une phase avec un véhicule militaire où planqué sur le toit du camion, Snake devra éliminer des Gekkô et soldats bloquant le passage ou des prises d'assaut de forteresses ennemies. En sus, un duel de tôles ondulées précédera un ultime affrontement admirablement mis en scène et nous renvoyant en pleine figure un souffle épique teinté de nostalgie à l'aide d'un décor et d'un peu de subtilité ou comment survoler sept ans de la vie d'un homme grâce à une simple jauge de vie. Bien sûr, les rixes contre les boss ponctuent à intervalles réguliers des passages d'infiltration et si toutes ne sont pas égales, le sentiment qui ressort de ces dernières est une joie immense. De fait, si je citais plus haut le commando Beauty And The Beast, sachez que les naïades le composant ne seront pas les seules à vous mettre des bâtons dans les roues. Vamp, plus charismatique que jamais, vous accordera un pur trip d'adrénaline. A ce sujet, on évoquera ici une réalisation délicieuse, pour le spectateur, usant du split-screen pour nous offrir deux combats en parallèle. Saisissant ET frustrant puisque le joueur ne pourra pleinement profiter de la somptueuse chorégraphie tout occupé qu'il sera à éliminer des hordes de mechas.
Quoi qu'il en soit, on trépigne durant ces rencontres se montrant souvent ingénieuses et parfois référentielles. Ici aussi, je vous laisse les découvrir par vous-même mais il faut tout de même savoir qu'à la suite du premier duel, contre Laughing Octopus, vous pourrez obtenir un masque vous permettant de vous camoufler totalement à l'aide de l'Octo-Camo. Si vous savez désormais de quoi il en retourne, petite précision pour ceux prenant le train en marche. Cette fois Snake va pouvoir utiliser une combinaison lui permettant de prendre la couleur de l'élément qu'il vient de toucher à l'image d'un caméléon. Pour ce faire, il suffira de s'allonger sur le sol ou de se plaquer contre une surface pour que votre combi change automatiquement de rendu. Pratique et souple d'utilisation, cette technique couplée à l'achat et l'upgrade d'armes vous rendra la vie bien plus facile que par le passé. Afin d'obtenir cette manne providentielle, il conviendra dans un premier temps d'éliminer vos ennemis puis de récolter leurs armes. Celles-ci seront visibles d'un simple coup d'oeil grâce au Solid-Eye, un monocle nous donnant plusieurs informations sur notre environnement à l'aide d'un radar tout en nous permettant d'utiliser une vision thermique ou un mode zoom. Ensuite lesdites armes seront vendues au dénommé Drebin. Celui-ci pourra alors vous vendre des minutions, armes et en débloquer certaines génétiquement verrouillées, la transaction s'effectuant à tout moment en passant par un menu d'inventaire. Si on trouvera peu logique cette façon de faire, elle a au moins le mérite de faciliter la vie du joueur d'autant qu'il est possible de faire ses emplettes en plein champ de bataille.
Malgré cet aspect peu réaliste, on notera que Guns of The Patriots délaisse le côté "fou-fou" de ses aïeuls en cela qu'il se fait prier quand il s'agit d'insérer quelques blagues ou clins d'oeil. Vous en trouverez néanmoins un très bien vu lors du combat contre Screaming Mantis. On se souviendra aussi longtemps de l'intervention d'Otacon faisant référence aux capacités de la PS3. Maintenant il est décevant de constater à quel point Kojima a versé avec une grande facilité dans le trip "petite culotte" en alignant les plans sur les poitrines ou les fesses de ses héroïnes. En sus, si les références cinématographiques sont toujours là, elles sont moins présentes et renvoient davantage à Mr&Ms Smith ou Armageddon, ce qui ne sera pas du goût de tout le monde. Nonobstant, cela ne choque pas outre mesure en s'inscrivant dans l'effet recherché. De plus, si la technique n'est pas toujours au top, le montage du maestro japonais s'affine une fois encore grâce à une réalisation plus posée mais tout aussi percutante que celle des précédents MGS. D'ailleurs, il est assez étrange de constater le décalage entre les cinématiques de MGS 4 et les fausses pubs et émissions complètement barrées servant de passe-temps avant de débuter une partie.
En marge du découpage des cinématiques, revenons, voulez-vous, au gameplay pour voir ce que nous y trouvons d'original à l'exception de tout ce qui tourne autour du camouflage. Dans un premier temps, vous pourrez diriger le robot MK II, pouvant se rendre invisible ou étourdir les gardes grâce à un câble électrique. Marrant même si on l'utilise peu en dehors des briefings où il est possible de changer d'angle de caméra ou de bouger le MK II pour trouver des objets bonus. Bien sûr, tout ce qui avait été fait dans MGS 3 profite à MGS 4 à commencer par la caméra située dans le dos de Snake. On évoquera aussi quelques mouvements inédits comme celui de lancer des grenades couché sur le dos ou la possibilité de ramper comme un véritable serpent en poussant très légèrement le stick analogique. Enfin, vous devrez désormais gérer votre niveau de psychisme (afin de récupérer votre santé) et de stress en prenant des médicaments ou en appelant un médecin au CODEC pour une petite analyse. Utile vu que plus vous êtes stressé plus votre niveau de stabilité lors des tirs sera faible.
Une fois l'aventure terminée en solo, vous pourrez poursuivre l'expérience grâce au online. Celui-ci dispose de plusieurs modes comme Match à mort, Match à mort par équipe, Mission de capture demandant de capturer une cible et de la protéger un certain temps, Mission de contrôle où il faudra prendre possession des bases dispersées sur la carte ou encore Mission d'infiltration dans lequel Snake doit récupérer un certain nombre de dogtags avant la fin du temps. Si vous y ajoutez une évolution des caractéristiques et des joutes à plus de dix, vous aurez de quoi vous amuser et ce malgré la maniabilité plutôt rigide de MGS peu adaptée au multi. Au final, pourvu d'une histoire passionnante mais difficile à suivre lors d'une première "lecture", nanti d'idées originales lui apportant une vraie plus-value, Guns of The Patriots se complaît peut-être trop dans une surenchère narrative. Si celle-ci est utile au développement et à la conclusion de l'histoire, elle prend parfois trop facilement le pas sur le jeu à proprement parler. Quoi qu'il en soit, inutile de débattre sur le statut de meilleur épisode ou non de la saga, la réponse étant aussi variable que subjective. Le plus important est que Metal Gear Solid 4 sache être émouvant, touchant même et qu'il piquera au vif votre coeur grâce au récit d'un homme désabusé qui a rendez-vous avec la vérité.
- Graphismes17/20
Le jeu fait honneur à la série avec un character design à tomber : Raiden est rutilant, Vamp imposant, Liquid Ocelot intimidant et si Snake est sur le déclin, affaibli par le virus Foxdie, il conserve malgré tout son statut de héros légendaire. En outre, l'aspect exotique de cet épisode nous fait traverser le globe pour visiter des contrées aux antipodes l'une de l'autre. Le Moyen-Orient, l'Amérique du Sud, l'Europe de l'Est auxquelles viennent s'ajouter deux destinations inédites renvoyant aux origines de la saga. Au final, cette pluralité de lieux étonne mais ne fera pas oublier l'aliasing omniprésent de même que des effets spéciaux très relatifs.
- Jouabilité17/20
Evolution high-tech des techniques de camouflage de MGS 3, l'Octo-Camo donne tout son sens au gameplay de MGS 4. Cependant, il est tout de même difficile de pardonner l'IA fluctuante des ennemis qui est bien trop variable en fonction des situations. Toutefois, dans les modes de difficulté élevée, on s'amusera beaucoup plus même si les réactions des soldats restent simplement plus rapides sans être pour autant plus réalistes. L'achat et l'upgrade d'armes sont eux aussi une excellente idée même s'il peut paraître farfelu d'acquérir des munitions en plein gunfight.
- Durée de vie16/20
En prenant votre temps, il vous faudra entre 20 et 25 heures pour terminer l'aventure une première fois en Normal. Néanmoins le mode Difficile, beaucoup plus exaltant, est à préconiser dès le départ. A l'inverse, le mode Extrême (à débloquer tout comme de nouveaux camouflages et armes) est bien trop prise de tête et vous demandera de refaire des dizaines de fois chaque passage avant d'y arriver. A signaler l'absence de missions VR (ici simplement représentées par un entraînement virtuel) contrebalancé par un mode online sympathique à défaut d'être pleinement concluant à cause d'une maniabilité non adaptée.
- Bande son17/20
Les fans de la première heure s'offusqueront de ne point retrouver le thème principal de la série même si celui-ci est remplacé au pied levé par le fantastique morceau Old Snake de Harry Gregson-Williams. D'ailleurs, ce dernier, aidé de Nobuko Toda, nous gratifie à nouveau d'une bande-son magistrale dont on retiendra aussi le doublage américain très inspiré, les personnages étant campés par leurs doublures voix habituelles, David Hayter en tête.
- Scénario18/20
Quoi qu'en dise Kojima, MGS 4 sera totalement incompréhensible pour le néophyte, la quantité d'informations à digérer étant phénoménale. Toutes les questions laissées en suspens trouvent ici une réponse et bien que la fin puisse décevoir par certains côtés grandiloquents ou "too much", l'histoire de Guns of The Patriots s'étale sur plus d'1/3 du jeu à l'aide de cinématiques parfois trop longues, moins inspirées que celles de ses aïeuls mais riches en surprises. Si l'histoire de la team Rat Patrol est un peu bancale, les autres personnages en revanche, Ocelot et Snake en tête, recevront toutes les attentions qui leur sont dues.
Pour son baroud d'honneur (?), Snake traverse le monde tel un fantôme meurtri, fatigué mais plus que jamais désireux d'en découdre avec ses démons. Non exempt de défauts (techniques et scénaristiques), MGS 4 laisse parfois un arrière-goût de déception dans la bouche pour à nouveau nous assaillir de senteurs enivrantes. Finalement, cet opus devrait trouver autant de fans hardcore et de détracteurs que MGS 2 mais s'impose tout de même comme le chaînon manquant d'une saga ambitieuse. Plaisant et surprenant, Guns of The Patriots est aussi charmeur qu'un Cobra et parvient à nous hypnotiser suffisamment par ses trouvailles de gameplay et son histoire émouvante pour que nous ne nous arrêtions pas à ses quelques défauts.