Rarement la fébrilité nous aura autant gagnés au moment de glisser la galette dans les lecteurs PS3 et Xbox 360. GTA IV, le nom suffit à déstabiliser tant on s'est imaginé ce que pouvait cacher le jeu le plus attendu de l'année. Trois longues années et quelques mois après San Andreas, la série pose ses valises à Liberty City, métropole inspirée de New York déjà théâtre des évènements de GTA III. Mais la comparaison n'ira guère plus loin, ce nouveau volet revisite un lieu déjà culte, pour lui apporter le soupçon de vie et de mystère qui vont émerveiller plus d'un joueur. Un vaste terrain de jeu transformé pour l'occasion en véritable enfer. Place aux règlements de compte.
Taille et corpulence moyenne, barbe de deux jours, look banal et négligé, physique pas franchement avantageux... Niko Bellic n'a rien du héros qui roule des mécaniques et fait tomber ces demoiselles par dizaines. Aux antipodes de ce que dégageaient les Tommy Vercetti, Carl Jonhson et compagnie, le personnage que le joueur va incarner pendant plusieurs dizaines d'heures met de côté des clichés d'un autre temps. Rockstar a mûri avec sa série, plus inquiétante que jamais. Tout droit venu d'Europe de l'est, Niko rejoint son cousin Roman, installé à Liberty City, qui lui promet une vie tranquille et luxueuse, comme une retraite bien méritée. Un rêve américain qui, évidemment, va tourner court pour notre "homme des Balkans", rapidement confronté à une réalité plus sombre que celle que lui avait décrite ce bon vieux Roman. A son arrivée, Niko constate les dégâts. Une compagnie privée de taxi au business peu florissant, une chambre d'hôtes qui comprend tout juste le minimum... Pas de strass ni de paillettes, pas de belles carrosseries ni de strip-teaseuses, pas même l'ombre d'un logement décent. La chute est rude. Le tableau imaginé par Niko est assombri par les tâches accumulées par son cher cousin, spécialiste reconnu pour s'attirer les foudres de zouaves peu recommandables. Celui-ci a en fait besoin des rares talents que possède Niko pour mettre un peu d'ordre dans une vie menacée chaque jour...
Liberty City n'a plus rien à voir avec la ville de GTA III. Entièrement modélisée par un moteur graphique qui marque enfin une évolution technique de la série, la cité se compose de trois îles majeures (plus une quatrième, de moindre taille) que le joueur va parcourir d'est en ouest, au cours de son périple. Un joueur qui va parfois avoir l'impression de n'être qu'une brindille parmi d'autres au milieu de cette jungle urbaine qui fourmille de petits détails. Liberty City a une âme et n'a nullement besoin des faits et agissements de Niko pour vivre et voir sa population vaquer à ses occupations. De l'aube au crépuscule, ceux-ci vont se promener, faire leur jogging, nettoyer leur devant de porte, répondre au téléphone, allumer des cigarettes, faire leurs courses et parfois se soumettre à l'autorité des forces de l'ordre, omniprésentes. Niko commence et finira l'aventure comme un citoyen parmi des millions d'autres, sans être cet aimant à catastrophes que pouvaient être ses prédécesseurs. Plus que jamais, la discrétion est de mise et quiconque refusera de se la jouer profil bas en subira les conséquences qui pourront se traduire tantôt par une arrestation, tantôt par une mort provoquée par une fusillade entre Niko et les forces de police.
Cette attitude, le joueur doit l'adopter non seulement à pieds mais aussi en véhicule. Ainsi, au péage, s'il ne veut pas avoir d'ennui, Niko devra payer, comme tout le monde. Un petit arrêt devant le guichet et notre ami jette une pièce lui donnant accès au prochain tronçon de l'autoroute. Une conduite trop dangereuse peut même lui coûter la vie. S'il n'est pas rare, après un choc frontal, qu'un civil ouvre la portière de son véhicule, titube puis s'affale sans vie sur le bitume, il est aussi possible de voir Niko traverser le pare-brise de sa voiture. Du niveau de votre jauge de vie, symbolisée par un demi-cercle vert autour de la mini-map (qu'il est possible de doubler avec un gilet par-balles), dépendent alors les conséquences d'un tel accident. Et au vu des difficultés rencontrées pour maîtriser la conduite dans GTA IV, le joueur choisira plutôt de freiner et d'éviter le trafic que de tenter de forcer le passage ou de se faufiler dans un trou de souris. En effet, le pilotage est des plus troublants : il n'est pas rare de rebondir contre les éléments du décor. Il est en effet compliqué de se mettre en tête qu'il faut impérativement relâcher l'accélérateur pour tourner et que chaque virage doit être largement anticipé. L'expression conduire sur des oeufs prend alors toute son ampleur. Très proche des précédents GTA, la conduite ne permet toujours pas de ressentir le réel poids des véhicules, très instables, mais contraint pour la première fois à rouler à allure raisonnable. On optera d'ailleurs le plus souvent, pour les longs trajets, pour des taxis. En pressant une touche de tranche, Niko siffle et saute dans le premier taxi libre de tout passager. Au joueur de choisir de zapper le trajet en temps réel (moyennant quelques dollars supplémentaires) ou de prendre le temps d'être ballotté par une conduite souvent approximative des chauffeurs de Liberty City.
Voilà qui nous amène à parler naturellement de l'un des grands principes de GTA IV, le vol de voiture. Un point amélioré, rendu plus réaliste, à tel point qu'on évite le plus possible de se pointer devant un véhicule pour en sortir sauvagement son conducteur. Tout d'abord, parce que traverser une rue de Liberty City sans prendre le temps de regarder des deux côtés de la route, c'est prendre le risque d'être heurté voire renversé par n'importe qui n'ayant pas eu le temps de donner un coup de frein. Ensuite parce que les civils ont tendance à se rebeller plus fréquemment, protégés qui plus est par l'abondance de voitures de police. Du coup, si le joueur a besoin d'un véhicule, il fera plutôt le choix d'aller en forcer un, stationnant dans un lieu plus calme et moins fréquenté par les forces de l'ordre. Mais une autre difficulté se présentera à lui. Désormais, les habitants de Liberty City ont la fâcheuse manie de penser à verrouiller leurs voitures... Logique. Niko va donc devoir briser une vitre pour pénétrer dans le véhicule, puis se la jouer électricien en connectant les câbles de démarrage sous le volant. Pendant ce temps, ce sont de précieuses secondes qui s'écoulent, augmentant le risque d'être surpris en flagrant délit. Mais une fois le bolide dérobé, Niko n'est pas forcément sorti d'affaire. A notre époque, la plupart des véhicules disposent d'alarme anti-vol... Dans GTA IV aussi... Il ne lui reste plus qu'à espérer qu'aucune voiture de police ne croise sa route jusqu'à l'arrêt des signaux de détresse, à savoir une petite dizaine de secondes.
Mais Niko ne passe évidemment pas son temps à se balader. C'est un homme d'action. Magistralement animé, il profite lui aussi du nouveau moteur graphique et physique pour gagner en crédibilité dans ses gestes. Si les combats à mains nues se contentent de quelques mouvements sommaires (coups de poing, coups de pied, contres...) et s'avèrent particulièrement mous, les gunfights ont de leur côté franchi un palier énorme. La possibilité de pouvoir s'abriter derrière n'importe quel élément du décor permet à Niko de tirer et de se couvrir en alternance (il peut même tirer à couvert si l'angle le lui permet) et de recharger à couvert. Il peut même glisser tel un joueur de paintball d'une couverture à l'autre par simple pression d'une touche. Le tout à l'aide d'une visée automatique d'une précision diabolique. Et lorsque celle-ci devient capricieuse (le joueur veut viser un ennemi mais la visée insiste sur un autre adversaire), il est possible de passer en jouabilité manuelle à l'aide du stick analogique droit. Pendant ces gunfights, le jeu se transforme en shoot à la troisième personne très efficace malgré certaines lacunes au niveau des déplacements dans l'espace et de la caméra, souvent traîtresse dans le feu de l'action. Mais comme dans tout GTA qui se respecte, l'arsenal à disposition de Niko (guns, mitraillettes, fusils à pompe, fusils de sniper, grenades, cocktails molotov, etc.) fait rapidement la différence, le tout dans une ambiance sonore criante de vérité.
Le mode solo ne connaît pas de temps mort. Niko se fait sans arrêt de nouvelles relations grâce à son téléphone portable à l'aide duquel il peut appeler n'importe qui, n'importe quand, pour fixer des rendez-vous ou sortir s'amuser. Il peut même composer le 911 et faire venir ambulance, pompiers ou policiers à l'endroit où il se trouve. Les missions principales (assassinats, protections, livraisons, etc.) jouissent d'une variété phénoménale qui fera le bonheur du joueur. Par moment, Niko devra même utiliser des cyber-cafés pour contacter ses relations ou utiliser les ordinateurs des véhicules de police pour tracer sa prochaine cible. Certaines missions deviendront même cultes. On pense par exemple aux courses-poursuites à moto dans le métro ou à des gunfights faisant suite à un braquage de banque à la H.E.A.T.. En parallèle, un paquet de missions secondaires sont au programme. Parmi celles-ci, on note également la possibilité de sortir avec des demoiselles rencontrées sur Internet, et de les emmener boire un verre au bar, zieuter le spectacle d'un cabaret, jouer au bowling, aux fléchettes, faire un billard...
Mais GTA IV, c'est aussi un mode multijoueur très complet qui prolonge l'aventure dans les rues de Liberty City. Il représente l'ouverture de la série au jeu online. Au total, pas moins de quinze modes différents s'offrent aux possesseurs d'un compte en ligne. Jusqu'à seize joueurs peuvent prendre part à des deathmatch (seul ou en équipe), à des courses-poursuites gendarmes/voleurs, à du car-jacking (il vous faut voler un type de voiture précis avant les autres), à des courses dans Liberty City, à des guerres de territoires et à bien d'autres modes dans lesquels un certain nombre de règles et conditions sont établies. Par exemple, il pourra être demandé aux joueurs d'accéder à un point précis sur la carte avant tous les autres. Héberger une partie permet alors de choisir le lieu de l'action, sa durée, les armes tolérées, le type de visée (automatique ou manuelle), la présence ou non de la police, la densité de la circulation, et tout un tas d'autres paramètres. Le joueur peut également choisir le look de son personnage, du sexe au visage en passant par les vêtements et les accessoires, bien que les choix de base demeurent restreints à ce niveau-là. Ça, c'était pour chipoter, le multi n'en reste pas moins excellent, à l'image du reste du jeu.
- Graphismes17/20
Les soucis techniques connus par GTA IV ne font guère le poids face à l'immensité de Liberty City. En fait, on s'accommode vite du scintillement permanent de la cité américaine, du clipping grossier, des chutes de framerate et des bugs de collisions. L'identité du jeu demeure intacte. La profondeur de champ bluffante, la multitude de détails présents à l'écran et surtout le réalisme affiché grâce à une modélisation d'une grande précision des quartiers de ce New York virtuel font de GTA IV un jeu carte postale.
- Jouabilité17/20
La relative mollesse de GTA IV, que ce soit durant les phases en voiture, les combats à mains nues ou les gunfights peut dérouter à première vue. Mais une fois le rythme acquis, le joueur saisit chaque minute de nouvelles subtilités de gameplay. Si les courses-poursuites (souvent très frustrantes) auraient gagné à être plus dynamiques, les fusillades accouchent de scènes de jeu épiques qui font rapidement jaillir le sentiment d'avoir battu Goliath dans la peau de David. Transcendant.
- Durée de vie18/20
Comptez une bonne trentaine d'heures pour voir le bout de la trame principale, ce qui est déjà conséquent. Mais GTA plus que n'importe quel autre titre profite d'une telle liberté qu'il vous faudra doubler ce temps de jeu pour terminer toutes les missions secondaires et connaître les trois îles sur le bout des doigts. Cerise sur le gâteau, le multijoueur grouille de possibilités et s'insère parfaitement dans la sphère GTA, que l'on opte pour des deathmatches ou des courses-poursuites flics/voleurs.
- Bande son18/20
L'ambiance sonore s'articule autour de trois exercices parfaitement maîtrisés. Les doublages anglais sont un vrai régal, les radios affichent une palette d'artistes très éclectique et les bruitages semblent cerner l'ouïe du joueur de toutes parts. Liberty City ne dort jamais et le cycle jour/nuit très progressif est particulièrement bien respecté d'un point de vue sonore. On s'y croirait.
- Scénario17/20
L'intrigue patine un peu au départ. Mais rapidement, le joueur va voir en Niko Bellic le personnage le plus attachant et le plus charismatique qu'un GTA ait connu. Progressivement, les portes vont s'ouvrir jusqu'à ce que la véritable raison de sa présence sur le sol américain nous soit dévoilée. L'histoire ne comporte aucun temps mort mais s'accorde ce qu'il faut d'humour noir et de cinématiques délirantes.
GTA traîne encore de vieux démons et des mécanismes de jeu poussiéreux. Ses nombreuses imperfections techniques auraient pu être fatales à un titre plus classique. Mais GTA IV n'a rien d'une production banale. L'univers de jeu ne tourne pas autour de Niko Bellic, c'est Niko Bellic qui se fond dans une masse d'une densité sans égale. La mégalomanie des développeurs de Rockstar permet au joueur de vivre une aventure en constant gain de rythme, inspirée de nombreuses références cinématographiques. Passées les déceptions de joueurs sans cesse insatisfaits, l'attente n'aura pas été vaine. Le doute n'est plus permis, GTA IV est bien le meilleur opus de la série.