Tous les témoins sont au vert, les conditions de course optimales, les montures rudement chaussées... Gran Turismo 5 peut passer son premier test, une sorte de warm-up qui va conditionner les efforts qui devront être faits pour rendre une copie complète et la plus clean possible dans quelques mois. Bien qu'il soit commercialisé en tant que titre à part entière, ce GT 5 Prologue doit avant tout être considéré comme une version bridée de ce que sera la fameuse simulation de Polyphony dans sa première tentative nouvelle génération.
Avant d'être la simulation la plus populaire sur consoles, Gran Turismo est un titre à polémiques. Passées les déceptions accumulées par les joueurs suite aux promesses plus ou moins officielles mais rarement tenues par Polyphony, ce sont les choix de Sony quant au contenu du titre qui font jaser. L'éditeur a déjà effleuré la forte probabilité de proposer une partie non négligeable de Gran Turismo 5 via des téléchargements payants, voiture par voiture. Aujourd'hui, les doutes concernent davantage le rapport quantité/prix affiché par ce Prologue, vendu 40€ alors qu'il se contente d'une liste "étriquée" de 70 véhicules, de six circuits et d'une progression limitée par l'impossibilité d'installer des pièces sur ses bolides. Ainsi, cet opus s'adresse clairement aux mordus de la série qui voudront combler le temps qui les sépare de la sortie (fin 2008 au mieux, début 2009 plus probablement) de Gran Turismo 5 par la cinquantaine de courses à remporter en solo et des affrontements multijoueurs qui marquent l'ouverture de la série au monde en ligne. Cette catégorie de joueurs ne verra aucun scandale là où d'autres crieront à l'exploitation commerciale d'une licence ultra-connue, réputée pour être l'unique simulation sur les consoles de Sony.
Une simulation mais pas complètement. Toujours très loin d'afficher le réalisme de conduite d'un GTR sur PC, Gran Turismo 5 Prologue n'entame pas encore le chantier espéré au niveau du gameplay qui va traîner ses tares habituelles. Des vieux démons qui continuent de hanter le pilotage d'une série qui fait clairement le choix de la continuité, ne prenant pas le risque de bouleverser les habitudes des fans. Ainsi, les évolutions sont mineures. Parmi elles, on pense en priorité au système d'anti-triche mis en place pour sanctionner les petits malins habitués à couper dans certaines chicanes ou à s'appuyer généreusement sur leurs adversaires avant les virages, afin de perdre moins de vitesse. Désormais, ce genre d'attitude vous vaudra cinq secondes de pénalité à 50 km/h... ou presque. En effet, il est toujours possible de gruger et de freiner sa course en prenant appui sur la voiture qui nous précède pour peu qu'on réussisse à le faire "en douceur". En parallèle, l'IA a corrigé une partie de ses manies. S'il lui arrive toujours de se croire seule au monde en piste, elle adopte un comportement clairement plus humain et faute assez régulièrement, gommant ainsi l'effet de "petit-train" constaté dans les précédents épisodes. Cependant, ces erreurs ; un freinage manqué, une sortie de piste ou un dérapage mal contrôlé ; paraissent la majeure partie du temps scriptées et se répètent quasi systématiquement aux mêmes endroits, aux mêmes moments, si l'on recommence la course.
D'autres traits caractéristiques de la série ont étonnement traversé les années. L'absence de gestion des dégâts ou d'usure moteur par exemple pendant qu'un Forza 2 brille à ce niveau en dépit de la présence de nombreux constructeurs communs. Ceci découle forcément sur une gestion des collisions très limitée, faite de rebondissements entre carrosseries imperméables aux pires chocs et d'une interaction extrêmement sommaire avec les décors du jeu. "The Real Driving Simulator" va donc aller piocher son réalisme ailleurs, notamment visuellement. Mais avant d'aborder la question technique et graphique, précisons que Gran Turismo 5 Prologue peut, en fonction des aides activées ou non, se présenter comme un semi-simulation ou une quasi-simulation. Dans les options d'avant-course, le joueur a l'heureuse possibilité de ne pas utiliser ces aides au pilotage comme le correcteur de trajectoire ou la gestion de stabilité et de choisir une physique "professionnelle" plutôt que standard. Le contrôle de la traction est également paramétrable afin de gagner en réalisme et de tenter de dompter sa monture sans aucun secours. Concrètement, la désactivation de ces aides va avoir des effets sur la tenue de route de la voiture, au freinage et à l'accélération. Des effets plus ou moins pervers en fonction de la transmission du modèle conduit. Attention donc à la conduite sur des oeufs avec une propulsion...
On ne peut évidemment pas exiger la perfection d'une version Prologue mais notez que la météo fait partie des grandes absences du titre de Polyphony. Ne comptez donc pas sur de potentielles courses de nuit ou avec des conditions atmosphériques variables qui influeraient sur l'adhérence ou la visibilité. Gran Turismo 5 Prologue n'est cependant pas dénué de nouveautés croustillantes. La première d'entre-elles est sans nulle doute la modélisation d'une vue intérieure, réclamée à corps et à cris par les aficionados de GT, enfin exaussés. Propre à chaque modèle, celle-ci s'impose de loin comme la vue cockpit la plus réaliste et fouillée qu'il nous ait été donnée de voir dans une simulation automobile. En plus d'afficher une gestion des ombres et des lumières des plus bluffantes, elle n'omet pas le moindre détail, confirmant le talent des équipes de développement de Polyphony lorsqu'il s'agit de reproduire des modèles bien particuliers. C'est aussi le meilleur moyen de ressentir la vitesse, les trois autres angles de caméra (vue classique derrière la voiture, sur le capot ou à ras le sol) s'avérant décevants à ce niveau, même avec un monstre de puissance lancé à plus de 200 km/h. Autre satisfaction qui note la progression de Gran Turismo, le contenu en ligne, proportionnellement bien plus fourni que celui de base.
Pour la première fois, les joueurs de GT peuvent s'affronter en ligne. Récupéré grâce à une mise à jour, ce contenu vient compléter une base un peu fragile. En fonction des serveurs, jusqu'à 16 joueurs peuvent prendre part à des courses qui profitent d'un semi-ghost des voitures adverses. Concrètement, on est encore très loin d'un Trackmania et de son absence totale de collision mais un pas est fait pour éviter que les quelques barbares que l'on peut rencontrer ça et là ne pourrissent l'épreuve. Ainsi, si certaines voitures sortent d'une trajectoire classique ou abordent un virage déjà occupé par le trafic, elles deviennent semi-transparentes, le temps que la situation se stabilise. Encore un peu aléatoire, ce principe n'en reste pas moins indispensable au mutlijoueur de Gran Turismo qui demeure un jeu de contre-la-montre dans l'âme, même à plusieurs simultanément. Mais le contenu Online, c'est aussi un classement détaillé des chronos obtenus par les utilisateurs, classés par circuits, par modèles et par types de conduite, aussi bien en course classique qu'en défis "dérapage", une sorte de drift aussi superflu et mal amené que les modes rallye des précédents GT. Ajoutons à tout ceci "Gran Turismo-TV", un média qui va permettre aux possesseurs du jeu de zieuter certains programmes automobiles comme, entre autres, les émissions Top Gear (BBC) et Best Motoring (diffusée au Japon). Evidemment, du contenu téléchargeable est également prévu pour les semaines et mois à venir.
Le solo et le Offline n'arborent pas la même exhaustivité. Comme GT 4 Prologue, le jeu souffre d'une durée de vie relativement restreinte en comparaison à un Gran Turismo "final". Une dizaine d'heures suffira à voir le bout de la quarantaine de courses réparties en quatre catégories et de la dizaine d'évènements constructeurs. Si les primes de places et de victoires radines brident la progression de sorte à ce qu'elle ne soit pas trop soudaine, le fait de ne participer qu'à des courses uniques sur six petits circuits (l'High Speed Ring, le Superspeedway de Daytona, le Fuji Speedway, Suzuka et Londres pour les tracés déjà connus, plus Eiger Nordwand) ne présente qu'un intérêt limité. Certes le fan mettra beaucoup plus de temps à garnir son garage de l'intégralité des modèles vendus par la petite trentaine de constructeurs (par exemple, la Ferrari F2007 coûte 2.000.000 de crédits, le joueurs débutant avec 35.000 crédits). Mais l'absence de permis (qui sera plus ou moins bien vue en fonction des préférences de chacun) et surtout de modifications mécaniques sur les voitures nuisent à la longévité du titre, d'autant que le mode arcade n'offre rien d'exclusif et que l'écran splitté à deux souffre de maux récurrents : pas de vue intérieure, chutes énormes de frame-rate, sonorités de moteurs qui se marchent dessus, technique qui en prend un coup...
Quoi qu'il en soit, la performance graphique tutoie les sommets. Si des détails techniques persistent (aliasing en bout du champ de vision et sur les voitures dans les menus, textures qui passent à travers à des moments bien précis ou pendant des replays), ils n'ont que très peu de conséquences sur la réalisation, proche de la perfection et du photo-réalisme. En 1080p (la différence avec du 720p par exemple est assez flagrante), le jeu est simplement à tomber par-terre. Malgré ses petits défauts, Gran Turismo 5 Prologue surclasse techniquement ses concurrents directs, comme Forza 2 ou Project Gotham Racing 4, pourtant des références sur Xbox 360. L'animation sans faille et le degré de réalisme affichés par GT 5 en font un titre à part, soyez-en sûrs. Les 70 voitures (citons arbitrairement l'Audi R8, la BMW Z4, la Ferrari F430, la Ford GT de 2006, la Nissan GT-R Coupé, la Subaru Impreza WRX Sti...) bénéficient d'un travail de précision jamais vu qui ravit les amateurs de belles carrosseries, de voitures de série et de Concept Car. On pourrait enchaîner les superlatifs pour saluer la performance visuelle du jeu mais les screens qui accompagnent ce test et les différentes vidéos diffusées jusqu'à aujourd'hui suffiront à vous donner une idée précise de la prouesse technique. C'est en ce sens un point de satisfaction sur lequel pourront s'appuyer les équipes de Polyphony pour se concentrer sur l'essentiel qui demeure la jouabilité, en légère stagnation. Gageons que les délais que s'accordent les développeurs seront mis à profit pour franchir définitivement le pas de la nouvelle génération. Visuellement, c'est déjà le cas.
- Graphismes19/20
Gran Turismo 5 Prologue fait visuellement figure d'OVNI. Encore une fois, on pourra s'attarder sur des soucis techniques, notamment l'aliasing qui ne lâche décidément pas la série, en particulier en 480 ou 720p. Mais que dire du réalisme affiché par le jeu et du travail minutieusement effectué sur chacun des modèles, aussi bien extérieurement qu'intérieurement ? Qu'il s'agit simplement d'une performance exceptionnelle qui permet sans doute pour la première fois à la PS3 de montrer qu'elle est déjà capable, après douze mois d'existence, de performances graphiques bluffantes.
- Jouabilité16/20
Le gameplay n'est pas exempt de tout reproche : pas de gestion des collisions, une IA encore un peu bourrine, un vrai manque de sensation de vitesse... Sans parler de l'absence d'une gestion des dégâts ou d'une usure mécanique. Pourtant, le charme opère, la conduite est grisante et les heures de jeu s'enfilent sans que l'on soit vraiment en mesure de pester contre cette stagnation de la série. Il faudra cependant que GT 5 prenne davantage de risques afin de devenir un vrai jeu de courses multijoueur plutôt qu'un contre-la-montre mal déguisé.
- Durée de vie12/20
Alors, version d'évaluation, grosse démo, jeu à part entière ? Difficile de le dire dans la mesure où Gran Turismo 5 Prologue peut s'avérer tantôt complet, tantôt très limité. De manière générale, la pilule passe difficilement même si le multijoueur en ligne apporte beaucoup au titre de Polyphony. Le manque d'innovations n'y est certainement pas étranger. On peut également se demander quel est l'intérêt de cette version qui ne propose aucune possibilité de modification mécanique, pourtant principe de base de la série...
- Bande son15/20
Les sonorités des moteurs prennent toute leur ampleur en vue intérieure. Au-delà de cela, on regrettera un crissement de pneus toujours identique et particulièrement strident ou une track-list pas franchement entraînante. Peut-être manque-t-il encore un peu de personnalité et de profondeur à la bande-son de Gran Turismo pour devenir une référence ou pour plonger définitivement le joueur dans une ambiance de course dont il ne souhaitera pas ressortir.
- Scénario/
Evaluer Gran Turismo 5 Prologue, c'est noter un produit final qui n'en est pas vraiment un. A partir de là, chacun se fera une opinion sur l'intérêt d'un titre aussi limité dans sa progression. 40 euros pour l'ébauche d'une suite qui tarde à débarquer sur PS3 pourra paraître très cher au joueur occasionnel mais pas forcément au fan qui adhère totalement aux mécanismes pourtant parfois poussiéreux de la série. La stagnation de la conduite justifie-t-elle de se priver d'un tel bijou technique ? Telle est la question...