Ayant reçu un accueil mitigé sur GameCube en 2004, la formule Final Fantasy Crystal Chronicles semblait avoir été abandonnée par Square Enix jusqu'à ce que survienne l'annonce d'un épisode DS inédit. Evitant avec brio les erreurs de son aîné, ce titre n'est pas encore parfait mais se rapproche beaucoup de l'idée qu'on se faisait d'un action-RPG dans l'univers de Final Fantasy.
Comportant finalement bien plus de différences que de similitudes avec le Final Fantasy Crystal Chronicles de la GameCube, Ring of Fates trahit tout de même ses origines par la présence d'éléments propres à cette branche de la saga. On retrouve en effet un monde composé de quatre tribus qui évoluent plus ou moins en harmonie malgré leurs différences. Les clavats sont l'équivalent des humains et comptent parmi eux les jumeaux Yuri et Chelinka qui sont au centre de notre aventure. Erudits tournés vers la magie, les yukes sont des êtres au physique mystérieux, dissimulés sous un accoutrement étrange. Le visage d'Alhanalem est ainsi masqué constamment par un casque qui donne un côté insondable à son regard. Minuscules et rondouillards, les lilties ont l'air de gamins turbulents même lorsqu'ils ont atteint l'âge adulte, ce qui n'est pas sans agacer Meeth, une liltie qui considère quasiment les jumeaux comme ses propres enfants. Enfin, Gnash appartient à la tribu sauvage des selkies et a grandi seul dans la forêt, perfectionnant ses talents d'archer.
Les représentants de chaque tribu possèdent ainsi des traits de caractère qui leur sont propres et se comportent différemment lorsque vient le moment de tirer l'épée pour faire face aux Eskuriax et autres Bombos caractéristiques du bestiaire de la saga Final Fantasy. Tournés vers le combat rapproché, les clavats sont capables d'enchaîner les coups pour réaliser des combos et profitent d'un maniement très intuitif. Essentiellement tournés vers la magie, les yukes ont un don inné pour l'utilisation de sortilèges, et même leurs attaques de base les obligent à se battre à distance de leurs adversaires. Leur technique tribale leur permet d'activer des piliers de mage pour allumer des torches ou matérialiser des blocs invisibles à l'écran. Désavantagés par leur taille, les lilties se camouflent dans leur marmite pour pulvériser tout ce qui se trouve sur leur chemin, cette marmite pouvant également servir de chaudron d'alchimie pour produire les fameux magilithes qui permettent de lancer des sorts. N'ayant que leur arc pour se défendre, les lilties sont les plus difficiles à maîtriser mais confèrent un soutien réel à l'équipe lorsqu'ils canalisent toute la puissance dans leurs flèches. On voit bien que cette multiplicité de talents se met entièrement au service du gameplay pour inciter le joueur à utiliser ses quatre héros en complémentarité afin de surmonter les embûches qui ne manqueront pas de se mettre au travers de sa route. Autant tournée vers l'action que la réflexion, le jeu a été conçu avant tout pour les parties en multijoueur, mais l'aventure profite de quelques fonctions utiles qui la rendent tout à fait jouable en solo.
L'IA des personnages contrôlés par la console n'étant pas toujours fiable, vous devrez user et abuser du rappel pour rassembler votre groupe à un endroit précis lorsqu'ils ont du mal à vous rejoindre. On enrage de les voir aussi passifs face à l'adversité, attaquant un minimum et rarement au bon moment. Ce n'est d'ailleurs pas le seul problème de taille concernant le gameplay, car si la réalisation est irréprochable, la caméra immuable est inadaptée à l'exploration des niveaux qui s'étalent parfois sur plusieurs étages. La visibilité est régulièrement masquée par des éléments du décor qui cachent presque entièrement la vue, et le manque de clarté au niveau visuel rend difficiles les sauts et la perception générale de l'environnement. Un défaut important dans la mesure où on bloque parfois uniquement parce qu'on n'a pas vu tel ou tel mécanisme placé en dehors du champ de vision. Pour en terminer avec les reproches, on regrettera que la beauté des cut-scenes soit ternie par l'écran inférieur de la console qui reste désespérément blanc la plupart du temps. Malgré tout, ces trois principaux défauts ne suffisent pas à gâcher outre mesure l'expérience de jeu, et on prend véritablement beaucoup de plaisir à parcourir l'aventure dans cet univers naïf et fantaisiste.
Atrocement enfantine dans ses débuts, la narration prend très vite un virage brutal et totalement inattendu qui relance complètement l'intérêt de l'histoire après seulement quelques heures de jeu. Le drame que vont vivre Yuri et Chelinka les obligera à prendre sur eux pour surmonter l'horreur de leur situation, devenant en seulement quelques années des clavats volontaires et déterminés. On les retrouve ainsi alors qu'ils sont adolescents et désormais capables d'arpenter les donjons des alentours en attendant de mener à bien des quêtes de bien plus grande envergure. Leur chemin les mènera bien vite à la rencontre d'Alhanalem, de Meeth et de Gnash qui les rejoindront pour constituer une équipe complémentaire où chacun trouvera l'occasion d'exprimer ses talents. La jeune Chelinka possédant des pouvoirs mystiques liés aux cristaux, elle n'intervient pas directement en tant que personnage jouable, mais vous pourrez tout de même créer son profil pour l'incarner dans le mode Quête. Ce dernier comporte un large éventail de missions à faire seul ou en coopération à plusieurs joueurs pour rallonger l'expérience de jeu, mais globalement ce sont les mêmes donjons que vous arpenterez dans la partie Aventure et Multijoueur.
Si les donjons ne sont pas avares d'énigmes et se révèlent parfois d'une certaine complexité, le danger viendra avant tout du bestiaire gardien des lieux. Les premiers niveaux sont suffisamment simples pour nous permettre de nous familiariser avec la panoplie d'actions que peuvent effectuer nos héros, celle-ci comportant justement quelques subtilités. Au lieu de foncer sur un ennemi pour lui placer un enchaînement qu'il pourrait contrer en ripostant, vous pouvez par exemple lui sauter sur la tête pour le piétiner, ou le soulever pour le frapper contre un mur afin qu'il abandonne des objets. Les ennemis volants sont impossibles à approcher au corps-à-corps ? Alors agrippez-vous sur eux pour les frapper par en dessous. Les possibilités ne manquent pas et le soft fait preuve d'une imagination débordante lorsqu'il s'agit de se battre en coopération. L'intérêt principal de ce système d'entraide réside néanmoins dans la combinaison des magies, suivant le principe de l'épisode GameCube. Concrètement, l'utilisation de base d'un sortilège consiste à déplacer un cercle de magie en direction d'un ennemi, puis de relâcher la pression afin que le sort en question fasse son effet. A plusieurs, vous pouvez préparer un sort pour chaque membre de votre groupe de manière à optimiser l'efficacité du sortilège. Un simple brasier peut alors se changer en "brasier +" ou "brasier X" selon le nombre de lanceurs, et ainsi de suite pour tous les autres sorts. Combiner des magies différentes est également possible, un brasier + blizzard + foudre pouvant donner un sort gravité. Très facile à utiliser, même en solo, le système des piles magiques constitue un réel atout pour cet épisode et permet de venir à bout subtilement des adversaires les plus résistants.
Et puisqu'on évoque le sujet, il faut préciser que les boss sont agréablement nombreux et compensent la taille parfois réduite des donjons visités. D'un autre côté, les personnages montent de niveau tellement rapidement qu'on est rarement bloqué dans sa progression, exception faite des zones tordues où le level design est entravé par une lisibilité défaillante. La dimension évolutive des héros constitue en tout cas un réel attrait pour le joueur qui pourra voir l'apparence de ses personnages changer en fonction des accessoires dont ils sont équipés. Le large éventail de casques, armes et armures mis à disposition donne des résultats étonnants, surtout lorsqu'on ne prend pas la peine d'harmoniser ses pièces d'équipement les unes par rapport aux autres, ce qui est toutefois déconseillé. Dans le même ordre d'idées, vous aurez aussi la possibilité de peindre votre propre mog pour le personnaliser en passant par un petit logiciel de dessin assez amusant. Les mogs viendront également vers vous pour vous proposer divers services et laisseront leur empreinte sur une carte qui vous permettra de collectionner les mogtimbres pour participer à des mini-jeux.
A ce sujet, on peut presque considérer l'alchimie comme un jeu dans le jeu, même si vous pourrez y avoir recours à tout moment avec Meeth. Pour concevoir une magie vous devez déjà vous trouver à proximité d'une source qui remplira votre marmite de matériaux de différentes couleurs. A l'aide du stylet, vous n'avez qu'à sélectionner les magies dont vous avez besoin avant de remuer le tout en restant dans la jauge verte jusqu'à ce que le sortilège se matérialise sous la forme d'un magilithe. Une bonne idée, même si elle prend un peu de temps à se mettre en place et bien que les sources soient plutôt rares dans les donjons. Le retour au village sera finalement le moyen le plus rapide de se réapprovisionner en tout, et de revendre les parchemins et matériaux laissés par les ennemis vaincus, soit pour se faire de l'argent, soit pour commander des items à équiper. En plus de l'équipement propre à chaque personnage, l'éventail des compétences de chacun se verra étoffé à chaque fois qu'il montera de niveau, devenant ainsi de plus en plus efficace au fil du jeu. Il y a finalement peu de choses à reprocher à cet épisode, si ce n'est sa durée de vie limitée qui incite d'autant plus à profiter des parties jusqu'à quatre joueurs. Moins contraignant que sur GameCube et beaucoup plus agréable à jouer, Ring of Fates devrait réconcilier tous ceux qui avaient juré de ne plus jamais toucher à un Final Fantasy Crystal Chronicles.
- Graphismes16/20
La 3D est franchement réussie mais l'absence de gestion de la caméra nuit beaucoup à la lisibilité générale. Dommage que l'écran inférieur ne soit pas utilisé durant les cut-scenes. On apprécie en revanche de voir l'apparence des personnages changer en fonction des accessoires équipés.
- Jouabilité17/20
Bien qu'il privilégie le maniement classique avec les boutons de la console, le gameplay implique souvent le recours au stylet pour passer d'un personnage à un autre, pour accéder au menu ou pour lancer un sortilège. Cela ne nuit heureusement pas à la jouabilité qui reste l'un des principaux points forts du titre.
- Durée de vie14/20
Il vous faudra entre 12 et 15 heures pour terminer l'aventure principale, car les donjons sont peu nombreux. Le mode quête rallonge un peu la durée de vie, mais ce sont surtout les parties en multijoueur qui devraient relancer l'intérêt du soft sur le long terme.
- Bande son15/20
Pour une fois qu'un jeu DS propose des dialogues doublés, on nous impose les voix anglaises au lieu du doublage original. Les musiques de Kumi Tanioka sont un cran en dessous des très belles compositions de l'épisode GameCube, mais elles restent tout de même très satisfaisantes.
- Scénario15/20
A l'évidence, Crystal Chronicles : Ring of Fates se révèle bien mieux scénarisé et mis en scène que son aîné. L'histoire est certes naïve et un peu courte, mais elle gagne en intérêt au fil du jeu et les textes sont entièrement traduits en français.
Ring of Fates redore le blason d'une série en laquelle plus personne ne croyait. Bien différent du Crystal Chronicles de la GameCube, cet épisode DS redresse le niveau en nous offrant une aventure plaisante et passionnante de bout en bout. Sa durée de vie un peu faible est compensée par le multijoueur, le soft ayant été pensé avant tout pour les parties en coopération.