Faisant vaguement office de suite à Area 51, FPS bien moyen passé relativement inaperçu, Blacksite trouve le moyen de faire moins bien qu'un prédécesseur qui n'avait pourtant pas placé la barre bien haut. Cette version PS3 arrive avec un beau retard et surtout après que son propre producteur, Harvey Smith, ait désavoué le jeu.
S'il a réussi à faire illusion pendant quelque temps, il faut se rendre à l'évidence : Blacksite va droit dans le mur. On a beau se dire que l'un des papas de Deus Ex se cache derrière le jeu, rien n'y fait, que l'on se penche sur l'aspect ludique, technique ou narratif, Blacksite pèche à tous les niveaux. Sauf quand il s'agit de nous assommer de publicité in-game, en particulier pour une certaine marque de PC ayant choisi un alien pour emblème. Si on peut accepter de voir des panneaux publicitaires pour la marque, constater que l'armée US est totalement submergée de PC Alienware dans ses bases secrètes, ça fait quand même franchement rigoler.
Enfin bref, ce n'est guère important et c'est bien le moindre problème du jeu. Démarrant en Irak, en pleine guerre évidemment, pour se poursuivre sur le sol américain, Blacksite tente de mélanger un scénario de SF comprenant les moult créatures paranormales et la traditionnelle conspiration gouvernementale à des dialogues faisant vaguement office de satire du gouvernement Bush (si, si, cherchez bien). Une trame horriblement convenue malgré ses efforts pour se planter dans un contexte actuel avec de nombreuses références à la politique américaine en Irak. Rien qui ne sente pas le réchauffé malheureusement et qui ne tombe finalement à plat. De manière générale, on peut déjà évacuer le fait que Blacksite soit ce qu'on appelle un FPS "story driven". Même ses personnages ont un mal fou à accrocher le joueur en se montrant au mieux trop caricaturaux au pire trop fades et en toutes circonstances complètement stupides. Car, ami lecteur, Blacksite fait des prouesses en matière de bêtise artificielle. Constamment ou presque accompagné de deux ou trois partenaires, vous aurez tout le loisir de constater leur totale inutilité. S'il est possible de leur ordonner de se rendre à un point donné indiqué par le pointeur du HUD, on réalise rapidement que la chose ne sert à rien et que vos hommes n'auront de cesse d'agir comme bon leur semble. Et que donne ce libre arbitre forcené ? Des choses délicieuses comme leur fabuleux lancer de grenades. La règle est assez simple : une fois la grenade tombe au milieu de rien, une fois elle tombe sur vous. C'est statistique et franchement navrant à voir. Donc non seulement ils n'ont aucune utilité, mais en plus il faut se méfier d'eux. Quant au fameux système de moral de l'équipe tant vanté par Midway, on a bien du mal à comprendre à quoi il sert. Déprimés ou motivés, vos équipiers agiront toujours de la même façon. Le plus souvent bêtement, vous l'aurez compris.
Nous voilà donc virtuellement solitaires, traversant la succession de niveaux du jeu qui laissent une drôle d'impression. Il est clair que les développeurs ont voulu mettre en scène leur soft en lui donnant un aspect spectaculaire. Las, comme le reste, ces scripts sont tellement cheaps qu'on ne sursaute même pas si l'on essaie de nous faire peur. On reconnaîtra pourtant que le jeu a ses bons moments lorsqu'il nous plante face à des créatures gigantesques qui démontrent un certain potentiel. Mais elles sont si tristement statiques et idiotes qu'elles font finalement plus figure de décoration de luxe que de boss terrifiants. De plus, les plus gros ennemis affichent tous fièrement un énorme point faible clignotant qu'il suffit de bombarder au lance-roquettes pour en venir à bout. Quant à la mise en scène, on la résumera en citant la traversée d'une petite banlieue pavillonnaire déserte en compagnie de nos équipiers. Voilà que soudain, toutes les portes de garages des jolies petites maisons s'ouvrent d'un coup, libérant des couples de monstres humanoïdes sans trace d'un cerveau. Il y a quelque chose de Doom premier du nom dans cette scène qui pousse à sourire. Difficile de croire une seconde à ce sombre guet-apens tendu par des monstres ayant le QI des zombies de Half-Life 2. Dans un autre registre, qui vient définitivement plomber les rares bonnes séquences de Blacksite, on pourra mentionner le vide qui emplit le jeu. Malgré une physique qui met à mal certaines parties du décor, les environnements de Blacksite paraissent désespérément vides et morts. Le meilleur exemple en étant la traversée d'une partie du Nevada en jeep, interrompue de manière chronique par un petit affrontement au milieu de rien et qui reflète assez bien la structure globale du jeu.
Reste à se pencher sur l'aspect technique bien étrange de Blacksite. De prime abord, on aurait pu y voir le seul véritable bon point de la bête. On commence par des textures correctes, des modèles certes pas très bien animés mais assez détaillés et une physique bien plaisante. Cette dernière autorise la destruction de quelques éléments de décor de façon convaincante et on a le plaisir de voir les couvertures voler en éclats sous les balles. Sympa, jusqu'à ce qu'on commence à voir que si on arrive à faire éclater un barrage en béton, une simple table renversée devient une couverture indestructible. Voilà qui est original mais qui ne constitue pas la seule étrangeté technique du titre. Comme je le disais, les choses commencent plutôt bien, avant de dégénérer sérieusement. Petit à petit, on voit le framerate se dégrader, jusqu'à subir des chutes qui nous empêchent presque de bouger à partir de la seconde moitié de la campagne. Une véritable catastrophe par moments qui s'accompagne d'une baisse de qualité des textures qui ne font plus du tout illusion comme au début du jeu. D'autant qu'il faut compter avec un bon paquet de composantes de décor qui popent juste sous votre nez. De plus, il est pour le moins consternant dans un titre actuel de ne voir aucune animation de transition. Le joueur commence à prendre l'habitude de ces très courtes séquences en vue subjective, ou même à la troisième personne, qui font le lien entre deux états. Ici, il va falloir la perdre. Par exemple, quand on doit quitter un hélico à quelques mètres du sol, on peut s'attendre à voir le héros glisser le long d'une corde. Ben là non, pouf, on apparaît d'un seul coup au sol, sans transition. Idem lorsqu'on nous demande de grimper avec un treuil vers le toit d'un bâtiment. Pouf, on se met à léviter vers le sommet alors même que la corde a carrément disparu. Et ce qui vaut pour vous vaut pour vos équipiers, montez dans un véhicule et vous les verrez disparaître et réapparaître à l'intérieur. D'un point de vue purement cosmétique, avouons-le chers amis, c'est tout de même franchement dégueulasse. Du coup, on en serait presque content lorsque le jeu se met à freezer et nous oblige à redémarrer la console. Oui, il fait ça aussi, pour le même prix.
- Graphismes10/20
Corrects au démarrage, les graphismes de Blacksite sombrent petit à petit dans la médiocrité avec des ralentissements encore plus prononcés sur PS3 que sur Xbox 360, un pop up de folie (la bande médiane sur la route ?!) et un design assez bateau. Seule la physique, bien qu'un peu incohérente, sauve les meubles.
- Jouabilité9/20
Resuçant sans inspiration un paquet de clichés du genre, Blacksite marque quelques points en ayant ses bons moments mais les perd aussitôt en laissant prédominer ennui et lassitude, tous deux engendrés par des situations hautement prévisibles et une I.A. désespérante.
- Durée de vie13/20
Les 6 épisodes du jeu vous occuperont une dizaine d'heures, la moyenne basse des FPS actuels. Vous pouvez ensuite ajouter un multijoueur assez quelconque qui ne fera pas trembler Halo 3.
- Bande son13/20
Le doublage VF est généralement plat et sans conviction, à l'exception de quelques tirades de série B assez drôles et l'aspect satire sociale tombe à l'eau rapidement. Les effets sont corrects.
- Scénario9/20
Excessivement convenu, le scénario, traitant de conspiration gouvernementale, évoque ce qu'il y a de plus commun dans les téléfilms de SF qui passent tard sur le câble. Faire des allusions à la politique extérieure américaine ne suffit pas, encore faut-il qu'elles aillent au-delà de la réflexion de comptoir pour échapper au grotesque prévisible.
Quelque part, bien au fond, Blacksite avait sans doute le potentiel pour faire un bon jeu scripté. Mais allez savoir à quel moment il a complètement déraillé. Sa trame est digne d'un premier jet de scénariste de téléfilm, sa technique part complètement en sucette et il nous offre une démonstration de ce qu'il ne faut pas faire en matière d'I.A. Sa progression, plate et prévisible aurait pu être sauvée par quelques affrontements impressionnants contre les créatures géantes mais là encore, le coup du point faible qui clignote en disant "tire-moi dessus et ce sera fini" balance tout par la fenêtre. Vu la concurrence solide en matière de FPS scriptés (CoD 4 au hasard), on oubliera vite ce médiocre Blacksite.