Un petit peu plus d'un an après sa sortie sur Xbox 360, Lost Planet débarque enfin sur la machine de guerre de Sony pour en mettre plein la tronche aux joueurs innocents. Et si les lignes qui suivent, issues en majeure partie du cerveau fécond de messire Aiste, s'attachent à nous décrire un jeu d'action époustouflant qui n'a rien perdu de sa superbe, elles constitueront également l'occasion de mentionner les menus ajouts apportés par Capcom à cette ultime version de leur glacial bébé.
Malgré son nom barbare, la planète E.D.N. III est la nouvelle oasis de la race humaine. Qu'importe ses plaines arctiques et ses reliefs volcaniques, il y a de la vie et de l'énergie là-dessus, donc, biologiquement, il y a de l'espoir. Non moins barbare, l'appellation Akrid désigne les locaux en question, lointains cousins de nos insectes, dans une version plus volumineuse et cent fois plus violente. Ils représentent à la fois la mort, après avoir fait capoter une première tentative de colonisation, et la vie, puisqu'ils contiennent en eux un suc énergétique d'une puissance nouvelle, qui attise évidemment l'appétit des colons. Malgré la déroute initiale, les hommes ont légèrement repris le dessus avec l'introduction des Vital Suits (VS), des mechas parfaitement adaptés au combat en condition extrême. La colonisation, et la recherche autour de la substance énergétique, ne pourra être réactivée qu'après la sécurisation des zones d'habitation, laquelle semble en bonne voie. Mais tous les Akrids ne sont pas encore sortis de terre, et l'homme, manifestement pas unifié sous une seule bannière, devra aussi régler ses propres problèmes. Wayne, notre héros, aussi un des soldats de l'armée régulière, va en faire l'expérience. Séparé de son corps militaire après avoir vu son père mourir pendant l'attaque d'un colosse Akrid, le Green Eye, il s'apprête désormais à le venger. Voilà le lancement d'une campagne solo de 11 stages servie par un scénario qui, malheureusement, est loin de répondre aux légitimes attentes inspirées par ce point de départ excitant. S'il y avait la possibilité d'en tirer de la SF qui vous prend au corps, Capcom s'est contenté d'une trame très classique et platement mise en scène. Ca ne manque certes pas de révélations, toutes axées en fin de compte sur la monstrueuse première sortie du Green Eye. Mais l'intérêt de cet imbroglio s'émiette rapidement avec des cut-scenes assez statiques et des dialogues très limités. Capcom a encore bien des difficultés à faire vivre ses histoires, c'était aussi un défaut flagrant dans la seconde partie de Dead Rising, autre blockbuster de la firme a avoir fait vibrer les joueurs 360.
On attendait moins LP pour son intrigue que pour ses sensations ludiques. Et là, pas de déception ou presque. Tous les éléments de gameplay qui furent appréciés lors de la preview continuent à procurer un plaisir immédiat et viscéral. Tout est conçu dans cette intention. D'abord par la prise en main qui privilégie le mouvement. Wayne a la faculté de se tourner à 90° d'une volte immédiate. Son grappin lui permet de s'accrocher à une surface verticale proche et de s'y propulser. En se laissant tomber le long d'un parapet, l'homme se fixe automatiquement en rappel au rebord. Bien sûr, il garde en toutes circonstances une main libre pour continuer à tirer. Le mouvement, toujours, sans trêve possible. Un précepte fortifié par le lien qui unit énergie thermique et santé du héros. Par -300° à l'ombre, même les anoraks en poils de léopard qui recouvrent les colons ne suffisent pas à maintenir leurs organismes suffisamment au chaud. Heureusement, Wayne possède de son côté un "harmoniser", capteur d'énergie thermique (th-én), qui permet aussi, au besoin, de remonter sa santé. L'appareil n'est cependant pas capable de retenir un niveau d'énergie constant, et celui-ci baisse donc inexorablement. Pour le maintenir à un volume conséquent, il faut récupérer du Th-én sur les Akrids tués, certains réservoirs naturels artificiels, et activer des bornes thermiques disséminées çà et là. Ce procédé régit un peu toute l'exagération dont peut faire preuve le gameplay puisqu'il offre à Wayne une résistance hors du commun tant que la barre de th-én n'est pas trop entamée, en même temps qu'il incite à une brutalité permanente.
Et celle-ci ne pourrait être aussi jouissive sans l'armement mis à disposition. L'arsenal, une dizaine de solutions mortelles, part de la simple mitraillette jusqu'à un canon à laser multilock en passant par du lance-roquettes et de la gatling. La moitié des armes est tellement lourde et volumineuse que Wayne les porte avec ses deux bras, non sans quelques pertes de vélocité. Ces gros cracheurs de feu ne peuvent d'ailleurs être rechargés qu'à l'arrêt mais sont les seuls à contrer efficacement les mechas ennemis et les Akrids les plus mastocs. Sauf si vous disposez vous-même d'un VS. Inutile de blablater des heures sur ces Labors : ils sont tout bonnement formidables. Alors que des Armored Core ou des Gundam cherchent encore la formule miracle, Lost Planet pourrait presque n'être "que" le meilleur jeu de mecha arcade au monde. Proche de la dizaine, les différents types de VS peuvent, selon leurs capacités, flotter un court instant, strafer agilement, se propulser en altitude, ou se transformer, au choix, en moto des neiges, excavateur de mines ou pod aérien. Autre idée brillante : la possibilité, lorsque l'on est à pied, de prendre directement sur l'engin les armes logées dans les deux compartiments latéraux. Bien sûr, l'inverse est aussi réalisable et on s'assurera de bien installer la combinaison la plus bourrine à disposition avant de prendre la route. Cette perméabilité s'étend même jusqu'à pouvoir prendre directement les armes au sol. Totalement surréaliste, certes, mais on en est plus à ça près. La prise en main d'un VS est aussi dynamique que le reste, et seule la récupération d'une arme au sol, justement, peut poser quelques soucis. Il s'agit de positionner son engin par rapport à l'item de manière à choisir quel panneau latéral équiper. Pour faire un premier point, la seule véritable faiblesse des commandes est l'accroupi et l'esquive avec Wayne, déclenchables tous deux avec le bouton du stick droit. Une mauvaise idée, pas franchement maniable, on préfère à ce compte-là utiliser le saut simple pour éviter les tirs.
Avec de tels outils, vous comprenez que L.P a des arguments plus militaires que le moindre shoot 3D. Et en effet, c'est la guerre là-dedans. Un chaos absolu soutenu par d'extraordinaires SFX, des animations percutantes et un environnement imposant, qui pompe certes pas mal sur Stars Wars. On s'en prend littéralement plein la tronche, les deux tiers du jeu n'étant qu'une succession de climax traumatisants de violence. Le reste, ce sont les séquences face aux différentes factions humaines. L'IA de ces ennemis est une calamité, et leur adversité quasiment nulle. Capcom s'est rabattu sur l'abondance, ce qui contraint de toute manière à se la jouer gros bras, mais le frisson de plaisir n'est pas là. Le contraste avec les VS ennemis et plus particulièrement les Akrids est énorme. Il n'y a pourtant pas la moindre trace d'intelligence dans ces bestioles dont vous devez repérer et percer violemment la poche de th-én pour les abattre. Mais de leur sauvagerie, de leur comportement de chasse en groupe, de leurs gestuelles cinglantes et frénétiques, naît bien souvent chez le joueur un sentiment d'impuissance désarmant. Un sentiment que se chargent d'hisser vers des sommets insoupçonnés les boss Akrids, disposés de manière assez irrégulière sur le parcours. Entre parenthèses, cette structure assez anarchique est d'ailleurs très heureuse tant le level design s'avère bourré de répétitions et de facilités. Mais c'est surtout dans ces séquences que le titre atteint la limite du spectacle guerrier dantesque. Mémorables, ces feux d'artifices atteignent aussi fréquemment le grand n'importe quoi. Bourlingué par 20 souffles explosifs et 10 tremblements de terre à la minute, constamment agressé, noyé sous un flot de fumée opaque et d'éclats aveuglants, le joueur subit davantage les évènements qu'autre chose. Et le jeu de devenir alors véritablement hardcore et douloureux. Il y a, à certains moments de L.P, une trop grande part d'aléatoire et d'illisibilité. Malgré tout, le mode solo possède sur ses 8 heures de jeu intenses tant d'instants de grâce parfaitement jouables pour que l'on n'incline pas au moins un genou devant le travail accompli.
Le versant multi du soft mérite bien son paragraphe, d'autant qu'il embarque les sept cartes multi parues sur le Xbox Live, plus Battleground, une map réservée à l'origine aux seuls acheteurs de l'infâme édition "collector". Jouable à 16, le multi propose une navigation entre les lobbys efficace, ainsi que la possibilité de recommencer sur la même partie sans avoir à relancer une recherche. Peu de lag à signaler. Les modes de jeu ne sont pas originaux pour un sou, mais c'est le gameplay même du titre, les VS, les possibilités de déplacements, qui dynamisent totalement les parties. Comptez ainsi sur des matchs à mort en solo ou en équipe, de la capture de points de contrôle et un mode survie dans lequel un joueur devra tenir le plus longtemps possible face à des "chasseurs" désireux d'accrocher son scalp au tableau de bord du VS familial. On profite en outre d'un level-design bien pensé et perméable, certaines cartes étant même jouées autour du snipe ! Des problèmes récurrents tout de même avec le respawn, toujours assez mal géré, et certains VS, comme le modèle "araignée", un peu trop puissant. Dernier petit ajout de Capcom pour cette version PS3 : quelques personnages supplémentaires utilisables aussi bien en solo que sur le net. Luka, héroïne féminine du solo, viendra donc se poster aux côtés d'un Frank West en caleçon, d'un Big Jo et d'une seconde version de Frank déguisé en Mega Man. Ces derniers provenant tous de Dead Rising, auquel nous faisions référence plus haut. Bref, si on aurait tout de même souhaité qu'autant d'attente soit récompensée par plus que quelques personnages bonus, sympathiques mais pas forcément marquants pour le public PS3, ainsi qu'une petite plâtrée de maps déjà disponibles depuis longtemps dans les autres versions, on apprécie tout de même la solidité du portage, qui malgré quelques saccades, parvient à délivrer une expérience d'une incroyable puissance, à la limite du traumatisme.
- Graphismes17/20
Capcom nous assène de fastueux monstres d'une dizaine de mètres de haut, parfois plusieurs en même temps, sur fond d'environnements vastes et de SFX saisissants. A l'inverse de la 360, la machine de Sony accuse malheureusement quelques ralentissements, sans que cela soit véritablement pénalisant. E.D.N. III manque en outre de variété (trois environnements différents) et beaucoup de lisibilité quand les boss s'en mêlent. En contrepartie, le spectacle offert est très souvent bluffant, serti dans une direction artistique qui emprunte à tous les grands classiques de la SF : Star Wars, Starship Troopers, Aliens...
- Jouabilité16/20
La prise en main est très propre et permet de se mouvoir en permanence avec aisance. Dommage que l'accroupi et l'esquive soient difficiles à manipuler. Si les résidents de cette planète, humains comme Akrids, font preuve d'une rare bêtise, c'est beaucoup plus embarrassant pour les premiers, d'une trop faible adversité. Dès que la moindre bébête fait son entrée, Lost Planet dégage alors méchamment, jusqu'à se montrer trop chaotique lors des boss, inutilement hardcore. Jeu de guerre totale, Lost Planet s'accorde terriblement bien au multi, même si de vraies améliorations dans ce domaine n'auraient pas été de trop.
- Durée de vie14/20
Entre huit et dix heures bien concentrées pour un jeu d'action, cela semble être devenu la norme. Ce qui ne le sera jamais, c'est de reproduire des enchaînements similaires d'un niveau à un autre. Exemple dans Lost Planet avec un gouffre à Akrids répété trois fois. Le mode multi profite lui des maps sorties sur le Xbox Live, ce qui en fait monter le nombre à 16. On aura donc plaisir à s'étriper sur le net, même si les modes proposés sont extrêmement classiques.
- Bande son15/20
Il faut connaître son métier pour arriver à une production sonore capable de moduler avec un environnement extérieur tantôt sec, silencieux et glacial, tantôt bouillant et bruyant, et des intérieurs désertiques. Les bruiteurs de Capcom s'exécutent avec brio, le meilleur restant les cris Akrids, qui trahissent magnifiquement la folie meurtrière des bestioles. La musique, rageuse mais pas impérissable, s'offre quelques plages plus calmes et très sombres. Surprenant et plaisant.
- Scénario11/20
Malgré un pitch de départ réjouissant, les scénaristes sabordent pas mal leur boulot à force de transitions assez fades et mal raccordées aux missions. Capcom a aussi un gros problème avec les dialogues, ce n'est pas nouveau. L'histoire en soi n'est pas honteuse, mais ce n'est clairement pas de la grande SF.
En solo, Lost Planet a ses mauvais côtés, une tendance à devenir inutilement illisible et hardcore, et ses vilaines lacunes formelles : manque de travail sur le level-design, IA défaillante, pas de liant scénaristique. Cette oeuvre étrange, ce vrai jeu de guerre, ne se réfléchit pas, et se contente de distribuer des sensations et du spectacle à l'état brut. Sa prise en main quasi parfaite, sa probante démonstration technique et la sauvagerie inouïe des Akrids lui permettent d'enchaîner à tour de bras des scènes inoubliables. Comme pour le dernier Devil May Cry, il arrive au joueur de s'y sentir tout petit. Et il y a le multi, propre, plus subtil et varié que le mode solo, l'expérience vaut le coup. Et sans apporter de nouveautés dignes de ce nom par rapport à la version 360, Lost Planet s'installe sans rougir aux côtés des meilleurs jeux de son nouveau support.