Les add-on sont monnaie courante dans le petit monde du hack'n slash ; ils permettent de prolonger le plaisir en apportant du contenu supplémentaire. Dans le cas de Silverfall, c'est un petit peu différent : le titre des français de Monte Cristo avait divisé les foules à sa sortie, en raison de son manque de finition. Les développeurs se devaient donc de rectifier le tir dans cette extension très attendue. Pari réussi : outre une nouvelle campagne et un contenu amélioré, Silverfall : Earth Awakening offre une expérience de jeu renouvelée.
La meilleure façon de donner une seconde chance à Silverfall était de rendre son extension jouable sans l'original : Earth Awakening prend donc la forme d'un stand alone, dont le prix de vente de 30 euros reste tout à fait raisonnable, même si le jeu n'inclue pas la campagne d'origine. Si vous avez déjà joué à Silverfall, vous pouvez importer votre héros (attributs et équipement) pour vous lancer dans la nouvelle campagne proposée. Si vous êtes un nouveau venu, vous débutez l'aventure avec un personnage de niveau 45, pour lequel vous devez sélectionner un profil (berserker, assassin, mage de l'ombre...). Il ne s'agit pas vraiment d'une "classe", puisque le jeu a le mérite de vous laisser développer librement votre avatar, mais plutôt d'évolutions-type de personnages, accompagnées de l'équipement de base adapté. Vous pouvez aussi, bien entendu, répartir vous-même vos compétences en choisissant l'option "spécialisation libre". Il vous faut également choisir une race parmi 6 : Humains, Elfes, Trolls et Gobelins étaient déjà présents dans Silverfall, et côtoient désormais deux nouveaux venus. Les Nains, trapus et chanceux, qui ont la possibilité d'échapper aux coups critiques et d'améliorer l'efficacité de leurs compagnons ; et les Hommes-Lézards, agiles et fourbes, qui peuvent entre autres augmenter leur taille pour accroître leur puissance. Enfin, on vous demandera d'opter pour un des deux alignements bien connus des joueurs de la première campagne : la voie de la nature ou celle de la technologie.
Silverfall se démarque en effet des univers d'heroïc-fantasy classiques en situant son histoire dans un contexte steampunk. Puisant son inspiration aussi bien du côté d'Arcanum que de Thief : The Dark Project, le background offre au joueur un monde en proie au conflit entre le respect de la nature et la tentation technologique. En fonction de votre inclination, la cité de Sillverfall sur laquelle vous régnez désormais a des allures de mégalopole industrielle ou de havre de nature. Mais la paix récemment acquise reste précaire et déstabilisée en permanence par les nouveaux conflits qui émergent autour de la capitale. Dès le début de Earth Awakening, vous avez fort à faire pour préserver cet équilibre fragile, calmant les ardeurs des uns, contrecarrant les machinations des autres. C'est dans ces circonstances qu'apparaissent les prémisses d'une menace bien plus grande, probablement orchestrée par le Grand Amiral Von Skromel, chef des NécroRaiders. L'aventure vous conduira de la jungle des cannibales, humide et étouffante, jusqu'aux splendeurs de la cité aérienne d'Etherea. La nouvelle campagne, très prenante, assure de nombreuses heures de jeu, sans oublier la possibilité d'effectuer de nombreuses quêtes secondaires. On est toutefois un peu déçu par ces dernières, dont le thème (dualité nature/science) est bien trop redondant, et le principe (tuer x monstres de tel type, rapporte tel objet...) peu original.
Mais ce serait oublier que, malgré ses nombreux aspects jeu de rôle, Silverfall reste un hack'n slash pur et dur. A chaque gain de niveau, vous répartissez les points de caractéristiques obtenus et choisissez de nouvelles compétences (ou améliorez celles dont vous disposez déjà). Vous disposez d'une liberté totale dans le développement de votre personnage, que vous pouvez multi-classer pour varier les plaisirs et multiplier les approches. A titre personnel, j'aime beaucoup mon berserker nain adepte de la magie noire : il commence par lancer des sorts d'affaiblissement, puis renverse ses victimes au sol pour les frapper frénétiquement. Les possibilités sont quasi-infinies vu que Earth Awakening propose 156 capacités, dont 20 compétences de haut niveau. Vous conservez également la possibilité de recruter des mercenaires, qui vous procurent un soutien indispensable lors des longues séances de monster bashing. Dommage que cette extension ne vous octroie aucune maîtrise supplémentaire sur leur évolution (en dehors du choix de leur équipement), et qu'il soit toujours aussi difficile de gérer finement leur comportement en combat : l'intelligence artificielle n'a guère évolué, et il est toujours aussi frustrant de voir mourir un de ses compagnons à cause d'une négligence du soigneur de votre groupe. D'ailleurs, l'IA des monstres n'étant pas meilleure, celui-ci aura toujours la chance d'être le dernier à tomber.
En revanche, on ne peut qu'être séduit par l'amélioration considérable de la jouabilité apportée par cette extension. Les développeurs ont su tirer profit des nombreux commentaires de joueurs sur les forums, qui évoquaient les problèmes de caméra et la lourdeur de l'interface. Tout a donc été repensé, pour un résultat vraiment convaincant qui tire la quintessence du genre en matière de praticité et d'intuitivité. Les icônes de menus sont regroupées dans un panneau escamotable, les différentes fenêtres sont mobiles, les raccourcis sont plus nombreux et mieux pensés, et la caméra est désormais entièrement paramétrable. L'inventaire et les fenêtres de compétences ont eux aussi été retravaillés. Pour le reste, on assigne toujours aussi facilement les compétences principales et secondaires aux boutons droit et gauche de la souris. Bref, le confort de jeu est total. Vous avez même la possibilité de contrôler votre personnage à l'aide des touches directionnelles, à la manière d'un Hellgate : London. On regrette cependant que cette dernière option occasionne parfois un bug de déplacement plutôt gênant (le personnage sautille sur place). Malgré ce petit reproche, il faut bien avouer que toutes ces améliorations rendent cet add-on beaucoup plus agréable à jouer que son prédécesseur.
Autre nouveauté, réclamée à corps et à cris par les fans et incluse dans Earth Awakening : le système d'artisanat. Vous avez désormais accès à des compétences qui vous permettent de fabriquer vos propres armes et armures, ainsi que de les enchanter pour leur conférer divers bonus. Les matériaux nécessaires, vous les trouvez régulièrement (et en quantité suffisante) sur le cadavre des montres vaincus, bien que les plus rares doivent être obtenus auprès de PNJs dédiés, capables de transformer certaines matières premières de base en des versions plus raffinées. Après plusieurs utilisations, le craft s'avère à la fois simple et fouillé, mais on reste mitigé sur son intérêt intrinsèque : les objets créés ont du mal à égaler en puissance ceux que vous trouvez dans le jeu ; quant aux enchantements, ils coûtent bien trop cher pour un résultat aléatoire, souvent bien en-deçà de certains items magiques de catégorie "élite" ou "ultime". D'un autre côté, Monte Cristo a pensé à ceux qui ne souhaiteraient pas voir ce système interférer avec leur gameplay traditionnel : une partie de l'inventaire lui est spécialement dédiée, sans parasiter le reste de votre sac à dos. Que demande le peuple ?
Techniquement, Silverfall : Earth Awakening n'a que peu bougé. Le style graphique est toujours aussi particulier : on aime ou on n'aime pas, mais il est difficile de nier que le cel shading confère une vraie personnalité au bestiaire du jeu, très original et plutôt étoffé. Le léger lifting graphique se remarque surtout lors des combats, qui bénéficient d'effets de particules améliorés procurant un vrai régal visuel. En contrepartie, cela nuit quelque peu à la lisibilité de l'action : on se retrouve parfois à chercher sa cible parmi ce festival pyrotechnique, quand ce n'est pas carrément le pointeur de la souris que l'on a perdu ! Il vous faudra de surcroît une bonne machine pour pouvoir profiter pleinement du jeu. Dernier reproche, que l'on aurait aimé ne pas avoir à formuler : malgré une finition bien meilleure que son aîné, Earth Awakening n'est pas dénué de bugs. Problèmes de collision, compagnons qui ne réagissent plus, quêtes impossibles à terminer ou qui réapparaissent une fois finies : la liste est, hélas, assez conséquente, même si d'inévitables mises à jour viendront probablement rectifier le tir dans les semaines à venir.
Il reste à mentionner que Earth Awakening dispose d'une option multijoueur en mode coopératif ou PvP, que nous n'avons pu tester à cette date, faute de joueurs. Et si vous hésitez encore à faire l'acquisition de ce hack'n slash bien sympathique, nul doute que vous serez sensible à ce dernier argument : devenu seigneur de Silverfall, votre personnage n'a plus besoin de souscrire une assurance-vie pour s'assurer des respawns en ville. Vous éviterez ainsi les mémorables courses en slip jusqu'à votre tombe, poursuivi par une armée de NecroRaiders !
- Graphismes15/20
Peu d'améliorations certes, mais c'est un aspect sur lequel les développeurs n'avaient guère besoin de revoir leur copie. Il faut toujours quelques minutes pour se faire à l'incrustation des personnages cel shadés dans les décors, mais passé ce temps d'adaptation le mélange se révèle séduisant, enrichi d'effets visuels qui flattent la rétine. Certaines textures sont étonnamment détaillées, même s'il vous faudra une grosse machine pour profiter de toutes les options graphiques au maximum.
- Jouabilité16/20
C'est bien simple : il y a tant de différences entre Silverfall et son add-on au niveau de la jouabilité, que l'on a parfois l'impression de ne pas jouer au même jeu. Tout est devenu simple et limpide, et l'interface assure désormais un confort de jeu optimum. Dommage qu'il subsiste quelques bugs gênants qui viennent un peu ternir le tableau.
- Durée de vie15/20
La nouvelle campagne procure son lot d'heures de jeu, sans compter les quêtes annexes, même si celles-ci sont parfois d'un intérêt relatif. Le jeu accorde en outre une telle liberté dans le développement de son personnage qu'il possède un vrai potentiel de rejouabilité. Enfin, le mode multijoueur est un vrai plus pour prolonger le plaisir.
- Bande son14/20
Les thèmes musicaux sont bien dans le ton, même s'ils se révèlent plutôt banals. Les bruitages sont efficaces et participent beaucoup au dynamisme des affrontements. Quelques voix françaises viennent également doubler les dialogues les plus importants, de façon plus ou moins heureuse.
- Scénario14/20
L'intrigue se suit sans aucun déplaisir, et le jeu s'appuie plus que jamais sur son background original. Ce que l'on regrette, c'est que les quêtes confiées tournent systématiquement autour de la dualité nature/technologie : c'est sympa un moment, et cela se justifie (étant donné que vos choix influencent l'alignement de votre personnage), mais cela peut finir par lasser.
Earth Awakening est un stand alone indispensable pour ceux qui avaient apprécié Silverfall tout en pestant contre ses nombreux défauts : les améliorations apportées le rendent beaucoup plus agréable à jouer. Les autres découvriront un hack'n slash riche et prenant, aux combats dynamiques et à l'univers fouillé, et possédant de surcroît une vraie identité visuelle. Les mauvaises langues argueront qu'une fois de plus, la finition n'est pas exempte de tout reproche. Mais devant l'effort des développeurs pour améliorer leur jeu, comment ne pas lui accorder une seconde chance ?