Marchant sur les traces de Princess Crown, titre connu des amateurs d'import sur Saturn et récemment transposé sur PSP, Odin Sphere est le fruit du labeur de Vanillaware, dont on a pu apprécier le style très particulier grâce au récent Grim Grimoire sur PS2. A l'instar de ce dernier, Odin Sphere est avant toute chose une ode vibrante aux contes de fée, un enchantement visuel permanent et un récit poétique qui se parcourt comme une légende ancrée sur un parchemin vieilli par le temps.
Reconnaissable entre mille par ses jeux à la réalisation féerique et aux univers merveilleux, le studio japonais Vanillaware est aujourd'hui l'un des rares défenseurs de la 2D sur consoles. Avec Princess Crown, Grim Grimoire et Odin Sphere, le talent de cette équipe n'est plus à démontrer pour ce qui est de sublimer une technique délaissée par presque tous les autres développeurs. Il suffit d'ouvrir les yeux pour constater que chaque écran de leurs jeux fait figure d'oeuvre d'art, autant de peintures virtuelles qu'on aimerait encadrer et exhiber chez soi pour les contempler à volonté. Tout comme ses prédécesseurs, Odin Sphere est donc un soft qui suscite d'abord l'intérêt du joueur grâce à sa réalisation tout simplement magnifique, et c'est seulement après qu'on s'aperçoit que le gameplay témoigne lui aussi d'un véritable travail de recherche.
Le contexte d'Odin Sphere puise dans les légendes et les mythes nordiques pour donner vie à un univers plus complexe et plus adulte qu'on ne pourrait le penser à première vue. A l'inverse d'un Valkyrie Profile, le thème est traité ici à la manière des contes, les personnages semblant être les acteurs malheureux et impuissants d'une histoire qui se déroule presque à la manière d'une pièce de théâtre. La grande force de la narration réside en effet dans l'idée suivante : chacun des actes de la pièce est perçu à travers le point de vue d'un personnage différent, la trame étant ainsi révélée d'une manière nouvelle d'un acte à l'autre, et ceci cinq fois de suite. Loin de se résumer au simple conflit entre les Ases et les Vanes, l'histoire est revisitée de manière à faire intervenir Odin et les autres acteurs de la légende dans des situations dont la finalité nous échappe totalement au début du jeu. Gwendolyn, guerrière valkyrie et fille du seigneur Odin, nous offre un premier regard sur l'histoire avant de laisser la place à Cornelius, un prince victime d'une terrible malédiction, puis à Mercedes, la nouvelle reine des fées, à Oswald, le chevalier noir, et enfin à Velvet, la jeune sorcière. Si chaque scénario doit être mené indépendamment pour chacun de ces personnages, leurs histoires sont étroitement mêlées et se rejoindront dans un final grandiose.
Lorsqu'un acte débute, le joueur se retrouve ainsi avec un nouveau personnage entre les mains, un personnage de niveau 1 qui débute sans rien dans son inventaire mais qui bénéficie de certains mouvements qui lui sont propres. S'il est assez frustrant de repartir à zéro après avoir passé des heures à booster un personnage, le processus est nécessaire pour terminer chaque scénario dans de bonnes conditions. Vous pouvez compter entre 5 et 8 heures par scénario selon votre façon de jouer, ce qui donne une longévité assez conséquente au soft. A ce sujet, le système de jeu est à tel point particulier qu'on ne commence vraiment à se sentir à l'aise qu'à l'issue de l'histoire de la valkyrie. Il est donc indispensable de passer ce cap pour apprécier le soft à sa juste valeur, la difficulté étant loin d'être aussi insurmontable qu'elle ne semble durant les premières heures. Et pourtant, sur le papier, tout paraît simple. Flirtant davantage du côté de l'action que du RPG, Odin Sphere offre une succession de batailles en scrolling horizontal dans des niveaux qui forment une boucle et qui ne comportent ni début ni fin. L'objectif est de franchir chacune de ces sphères en éradiquant tous les ennemis afin de passer à la sphère suivante, et ainsi de suite jusqu'au boss. Un concept dont la simplicité est rattrapée par la richesse du système de jeu, et notamment par la notion d'alchimie et de plantation.
Oubliez tout ce que vous avez cru jusqu'à présent, l'expérience ne s'acquiert pas en combattant mais en se nourrissant. Dans Odin Sphere, le seul moyen d'accroître son capital de points de vie est de manger, mais comme la nourriture ne tombe pas du ciel il faudra planter des graines dans le sol et attendre qu'elles poussent pour en récupérer les fruits. Pour cela, les graines ont besoin d'énergie représentée par des points lumineux appelés phozons qui apparaissent lorsque les ennemis trépassent. Vous devrez donc bien souvent laisser les graines absorber des phozons pour qu'elles grandissent, sachant que vous en avez besoin aussi pour augmenter votre capacité magique. Dans une vocation de subtilité extrême, le système de plantation ne s'arrête pas là. Déjà, les fruits peuvent se décomposer si vous les laissez trop longtemps sur leurs branches avant de les cueillir. Ensuite, il arrive que certaines graines produisent quelque chose d'étonnant, comme les arbres à moutons qui libèrent deux malheureux agneaux que vous devez mettre à mort pour les transformer en morceaux de viande. Le nombre de graines, de fruits et d'éléments comestibles étant très important, c'est à vous de faire le tri pour déterminer ce qu'il convient de faire pousser selon que vous avez besoin de récupérer de la vie ou de gagner de l'expérience.
Déjà fort sympathique, l'idée passe aussi par l'alchimie et la cuisine. Dans ce dernier cas, il faudra tout d'abord obtenir des recettes puis vous installer au café ou au restaurant pour demander qu'on vous concocte un sorbet de poire, un mille-feuille ou un sandwich aux oeufs. Bien sûr il vous faudra réunir tous les ingrédients nécessaires à leur confection (lait, pain, etc), mais le gain d'expérience sera beaucoup plus conséquent que si vous ingérez un aliment cru. En plus d'être original, le concept a quelque chose de vraiment amusant, et même s'il est difficile à assimiler au début, il finit par devenir totalement scotchant une fois maîtrisé. Odin Sphere est donc un jeu qui plaira énormément à ceux qui aiment passer un peu de temps à peaufiner leur inventaire dans le but de personnaliser leur façon de jouer, et le principe se révèle tout à fait adapté au déroulement de l'aventure. Chacun des héros incarnés doit surmonter six niveaux plus un prologue et un épilogue, avec quantité de boss à occire et bien des récompenses à empocher. Et même si les environnements et les monstres sont les mêmes pour chaque personnage, les capacités qui leur sont propres renouvellent considérablement la manière d'appréhender les niveaux. Ainsi, la fée donne carrément des airs de shoot'em up au soft, tandis que les autres se démarqueront par leurs techniques de combat particulières.
L'autre point majeur de Odin Sphere est la notion d'alchimie. En plus des plantations à gérer vous devrez concocter des mélanges visant à produire des potions de toutes sortes. Pour cela, vous devrez d'abord mettre la main sur une fiole afin d'y placer un ingrédient, sachant que le résultat sera différent selon le numéro de la fiole. Là encore, il vous faudra acquérir des recettes d'alchimie pour savoir où vous mettez les pieds, et alors à vous la création de potions de soin, de napalm ou de sortilèges contre le froid. Les possibilités offertes par ce système sont extrêmement intéressantes bien que difficiles à appréhender au début, mais vos efforts seront dignement récompensés. Ingrédient indispensable à toute potion, la mandragore se décline en plusieurs espèces et se camoufle sournoisement dans le sol jusqu'à ce que vous l'en sortiez. Vous pouvez la repérer en écoutant le son qu'elle produit, puis la déloger à l'aide d'un simple saut. Ainsi, en dépit d'une construction linéaire et répétitive, Odin Sphere voit sont intérêt relancé par son gameplay intuitif, son système de jeu très approfondi et sa réalisation magnifique. La bonne nouvelle, c'est que Square Enix a confirmé la distribution de ce titre en France pour le début de l'année 2008, vous n'aurez donc aucune excuse pour passer à côté. On gardera également un oeil attentif et intéressé sur le mystérieux Oboro Muramasa Youtoden, le nouveau projet du studio Vanillaware annoncé sur Wii.