Le désormais incontournable blockbuster cinématographique fantastique de cette fin d'année se nomme A la Croisée des Mondes : La Boussole d'Or, et vise comme de coutume un public jeune. Sa déclinaison vidéoludique se devait donc de ne pas manquer le rendez-vous de la DS.
A la Croisée des Mondes : La Boussole d'Or est une adaptation cinématographique des romans de Philip Pullman produite par New Line Cinéma, qui comme chacun sait a déjà fait ses armes sur une première trilogie à succès (Le Seigneur des Anneaux). L'histoire se déroule dans un monde parallèle au nôtre qui, à la manière de la saga Harry Potter, intègre subtilement des éléments fantastiques dans le quotidien le plus classique. En effet, chaque être humain y est accompagné de son daemon, une incarnation physique de l'âme dont le destin est étroitement lié à celui de son propriétaire. Au moment où débute l'aventure, la rumeur prétend que de mystérieux kidnappeurs d'enfants, les Enfourneurs, sévissent pour le compte du gouvernement religieux, le Magisterium. Cela n'empêche pas Lyra, une impétueuse jeune fille de 12 ans, de se distraire comme elle peut avec son ami Roger dans le collège d'Oxford où elle étudie : cache-cache avec les professeurs, course sur les toits, Lyra ne manque pas d'idées folles. Mais cette jeune fille un peu trop curieuse va vite se retrouver confrontée aux méchants Enfourneurs qui ont enlevé son ami Roger, et comprendre l'intérêt du Magisterium pour une matière aux propriétés mystérieuses : la Poussière.
Afin de se sortir des situations épineuses, Lyra compte beaucoup sur son daemon, Pantalaimon (de son petit nom "Pan"). Pan peut prendre plusieurs formes : rongeur, insecte, oiseau et félin (qui évolueront au fur et à mesure de la progression dans le jeu). Dès ses premiers pas dans le Royaume du Nord, Lyra sera également accompagnée de l'ours Iorek, une force de la nature vêtue d'une armure. Ces trois compagnons et leurs spécificités respectives ont décidé A2M, le développeur du jeu, à opter pour une association de trois types de gameplays, étroitement imbriqués. Lyra est une aventurière hors pair, qui excelle dans l'exploration et dans la gymnastique de haut niveau. Elle court, saute, s'accroche, grimpe... A côté d'elle, le prince de Perse est un vieillard arthritique. Mais son entrain est parfois entravé par des éléments qui bloquent sa progression. Elle peut alors invoquer Pan, dont les différentes formes permettent de franchir des zones inaccessibles grâce à la résolution de puzzles à base de leviers et autres mécanismes. Prendre le contrôle de Pan est toujours un plaisir : sa forme d'oiseau permet d'accéder à des zones élevées, sa forme de rongeur de creuser de petits obstacles, sa forme d'insecte de se faufiler dans des conduits, et en tant que félin il peut défendre Lyra en combattant. A noter que, quelle que soit sa forme, Pan ne peut s'éloigner de Lyra sous peine de provoquer leur mort réciproque : le lien spirituel entre les deux est visible à l'écran, et prend une coloration orange puis rouge si la distance se fait trop importante. Une excellente idée. Enfin, dans les phases de jeu où les ennemis se font plus nombreux et plus puissants, le joueur prend le contrôle de Iorek, un ours blanc spécialisé dans le combat, pour se frayer un chemin à coups de crocs et de griffes.
L'association de ces trois types de gameplays (action, réflexion et baston) permet d'amenuiser la lassitude liée à la progression à travers des niveaux plutôt longs. Même si, autant le dire tout de suite, les séquences de combat ne présentent aucun intérêt. Les mouvements peu précis de Iorek, l'intelligence des ennemis inexistante et les problèmes de collision rendent ces phases de jeu médiocres voire pénibles. Les séquences de plate-forme sont bien plus réussies, et la linéarité des niveaux ne ternit en rien le plaisir pris à voir évoluer la petite Lyra. Elles peinent toutefois à se renouveler tout au long de l'aventure. La répétitivité est aussi le point faible des énigmes proposées par les développeurs. Elles sont particulièrement bien conçues car elles demandent un petit temps de réflexion, sans toutefois bloquer le joueur bien longtemps. Mais transformer Pan en insecte et le faire passer à travers une bouche d'aération, puis le retransformer en félin pour activer le mécanisme qui se trouve de l'autre côté de la porte, finit quand même par lasser au bout de la vingtième fois. D'autant que, même si le jeu n'est pas très difficile, il oblige à recommencer plusieurs fois certaines phases assez exigeantes. Dernier aspect : le jeu propose régulièrement des dialogues (sans aucun choix possible du joueur) qui permettent de faire avancer l'intrigue. Rien d'extatique, mais elles procurent systématiquement l'envie d'aller un peu plus loin pour voir la suite, ce qui est plutôt bon signe.
Le parti pris des développeurs quant à la réalisation de cette version DS laisse dubitatif. Le choix de la 3D, avec caméra fixe sur le côté, ne cesse d'étonner tout au long de l'aventure tant elle ne sert à rien, si ce n'est à donner un aspect hideux à un univers censé être empreint de poésie et de féerie. En effet, les environnements sont pixellisés à outrance et on a bien du mal à saisir la splendeur victorienne dans cette bouillie graphique. C'est d'autant plus dommage que l'animation de l'héroïne est plus que correcte. On se demande bien pourquoi les développeurs n'ont pas fait le choix d'une 2D qui aurait permis une plus grande finesse graphique tout en proposant un gameplay à l'identique. Les digitalisations lors des dialogues oscillent quant à elles entre l'acceptable (Iorek) et le carrément moche (tous les personnages humains). Qu'en est-il des possibilités de la DS ? Le double-écran est peu utilisé. Il ne l'est en fait véritablement que lorsque le joueur prend le contrôle de Pan : l'écran du bas reste centré sur Lyra pendant que Pan évolue sur l'écran du haut. Idée sympathique si elle n'occasionnait couramment de fréquents et pénibles ralentissements : c'est un peu la cerise sur le gâteau ! Du coup, l'aspect tactile n'est guère mis à profit que pour la gestion de l'inventaire, ou dans les mini-jeux multijoueurs proposés par le titre. Reste la dimension sonore, plutôt bien sentie, avec des thèmes entraînants et quelques effets de bon aloi. Mais cela ne suffit pas à redorer le tableau d'une réalisation ratée.
- Graphismes8/20
Hormis quelques décors visiblement mieux travaillés que les autres (comme la chambre de Lyra), l'ensemble est terne et pixellisé à outrance. On a même parfois du mal à identifier certains objets, ou à repérer les conduits que peut emprunter Pan sous sa forme d'insecte. C'est dire si la réalisation graphique dessert le jeu.
- Jouabilité13/20
Quelques minutes d'adaptation suffisent à maîtriser les mouvements de Lyra et à alterner entre les différentes formes de Pan. On regrettera que les possibilités tactiles de la console ne soient pas davantage utilisées.
- Durée de vie11/20
Les niveaux sont longs et plutôt nombreux, mais la répétitivité de l'action et des situations peut finir par lasser avant d'avoir bouclé le jeu.
- Bande son14/20
Les effets sonores réussis et les thèmes musicaux de qualité parviennent à restituer un peu l'ambiance du film, qu'à eux seuls ils donnent envie d'aller voir.
- Scénario13/20
C'est de la fantasy pour enfants, à l'image de l'univers de Narnia, mais le scénario réussit à éviter les poncifs et même à esquisser une critique du dogmatisme religieux.
Truffé de bonnes idées de gameplay, A la Croisée des Mondes : La Boussole d'Or aurait pu représenter une agréable surprise. Mais la réalisation hors de propos et la répétitivité de l'action conduisent à ranger le jeu parmi les adaptations vidéoludiques moyennes, non dénuées de qualités, mais en manque d'arguments pour sortir du lot.