Après avoir fait le bonheur de plus de trois millions de possesseurs de Xbox 360, le monumental Gears Of War s'attaque désormais à nos fiers PC. Et si la grande majorité des lignes qui suivent sont issues du cerveau fécond de messire Logan et s'attachent à nous décrire un titre époustouflant qui n'a rien perdu de sa superbe, d'autres, fraîchement ajoutées, tenteront de montrer les nombreux ajouts que les petits gars d'Epic ont souhaité apporter à leur gros bébé baveux. Chronique d'un jeu d'exception, dont l'intensité traumatisante parvient sans trop de mal à dissimuler un fond foncièrement classique.
Pour vivre heureux, vivons cachés. De cette maxime, les Locustes en ont tiré des enseignements mais pas nécessairement les meilleurs pour la race humaine qui exila ce peuple il y a fort longtemps dans les entrailles de la planète Sera. Désireux de reprendre leurs biens, soucieux de retrouver la chaleur du soleil, animés par une haine farouche envers leurs geôliers arrogants, ces êtres implacables quittèrent le territoire des Morlocks pour réclamer une vengeance légitime. Les armes se levèrent de part et d'autre et la guerre débuta sous une pluie de cendres annonciatrices de lendemains orageux. Si le scénario de Gears Of War fleure bon la série B, avec ses bidasses boostés aux hormones et aux gueules patibulaires, c'est pourtant de ces lignes que naîtront les fabuleux moments à venir. Intensité, surprise, jouissance, peur, tous ces sentiments s'attachent à un synopsis famélique qui se borne à ressasser la lutte éternelle entre les hommes et une race extraterrestre mais dont de talentueux développeurs ont réussi à extirper moult idées servant à la conception d'une mise en scène fulgurante...
Telle une balle de fusil, GoW risque de vous être fatal. Si Microsoft nous avait prévenu que rien ne serait plus comme avant, comment se préparer à un tel déferlement de fureur ? Véritable hallali à l'encontre de l'espèce humaine, l'oeuvre d'Epic se montre tellement généreuse à l'égard des joueurs qu'on ne peut que tendre les mains en acceptant le cadeau. Pourtant, ce jeu d'action n'a, à première vue rien de bien sensationnel, du moins d'un point de vue structurel. Ainsi, on y incarne un marine, élevé par une haltère et un tube de stéroïdes, accompagné de quelques camarades de jeu eux-mêmes constitués à 90 % de muscles. De vraies gueules de porte-bonheur en somme, des mecs, des vrais, des machines de guerre, ultimes remparts contre une invasion d'extraterrestres puissamment armés et guidés par un inextricable appétit de vengeance. Le but du jeu ? Survivre et combattre !
La lumière s'éteint, un marine s'éveille et le joueur trépigne. Le premier point fort de GoW, outre sa fabuleuse patte graphique, est de ne pas s'embêter d'un prologue trop explicatif afin de plonger le joueur dans l'enfer de la guerre. Si on peut trouver cette entrée en matière un brin prétentieuse, l'idée n'est pas innocente. Cette absence d'ouverture scénaristique a l'avantage de désorienter le joueur qui ne sait absolument pas ce qu'il va affronter. La première rencontre avec nos ennemis devient dès lors beaucoup plus probante, violente, les concessions s'évaporant au rythme des borborygmes bestiaux émaillant chaque salve de balles. En effet, c'est au terme d'un mini tutorial nous expliquant les bases du gameplay qu'on devra affronter un premier groupe de Locustes, sorte de mixe entre un G.I. et les aliens de Doom. Si de prime abord, on ricanera devant ces ennemis ressemblant à des sauvageons armés de gros calibres, on aura tôt fait de ne pas se fier aux apparences pour chercher un bout de décor où se planquer, histoire de recharger en attendant la suite des événements.
Ceci m'amène à vous parler du gameplay de GoW qui dispose de plus d'un tour dans sa besace. Tout d'abord, l'interaction avec le décor est omniprésente puisqu'il est possible de se cacher derrière quasiment n'importe quel élément ou de passer rapidement de l'un à l'autre. Il vous suffira donc d'appuyer la barre espace pour que votre marine se mette accroupi derrière un canapé, un bloc de béton, ou de laisser appuyer ladite touche afin de courir directement vers la cachette la plus proche. Et si sur 360, on pouvait facilement se retrouver collé à un obstacle alors qu'on ne cherchait en fait qu'à sprinter, sur PC, il sera désormais possible de séparer les deux manoeuvres, en les associant à des touches différentes ou en optant pour le double tapotage de la barre espace. Ca n'a l'air de rien mais sachez que cette possibilité fait en grande partie la force du titre et le rend sensiblement plus agréable à prendre en main que sur console. De fait, on se plaît à se retrancher n'importe où, à effectuer des roulades ou à sprinter pour s'abriter en guettant une accalmie salvatrice. Une autre idée de gameplay concerne le rechargement des armes qui peut se faire de façon plus ou moins efficace. Ainsi, lorsque vous arriverez à court de balles, une jauge apparaîtra sous l'icône d'arme. Vous devrez alors appuyer au bon moment, lorsque l'indicateur arrivera dans une zone spécifique, pour obtenir davantage de munitions et éviter l'enrayement de votre flingue.
En parlant d'armes, sachez qu'on retrouve les habituels pistolets, mitraillettes (ici couplées à une tronçonneuse !), fusils à pompe ou grenades, mais on peut aussi utiliser un arc futuriste tirant des flèches explosives ainsi qu'un appareil de ciblage relié à un satellite envoyant un rayon laser une fois la victime lockée. Cependant, si cette dernière arme reste une des plus efficaces, elle ne peut être activée qu'une fois à l'extérieur et pendant des périodes précises. Quoi qu'il en soit, vous aurez assez de répondant pour faire face à vos opposants d'autant qu'il est également possible de jouer l'aventure principale seul ou avec un ami. A ce sujet, on peut féliciter les programmeurs qui ont abattu un boulot titanesque afin que le coopératif soit aussi réussi que le mode solo. Occasionnellement, les joueurs devront ainsi parcourir des chemins différents, et tout en tentant de faire face aux menaces immédiates, pourront chercher à apporter du soutien au collègue, pris dans une fusillade dans une cour en contrebas. C'est franchement très réconfortant de se savoir épaulé par un compagnon d'armes qui réfléchit avant d'agir. Habile transition pour vous entretenir des quelques défauts que nous avons pu constater au gré de nos pérégrinations.
Premièrement, si vous êtes constamment escorté par plusieurs membres de votre escouade, ces derniers ont tendance à se jeter dans la mêlée, la tête la première, ou au contraire à rester bêtement devant un ennemi en attendant de se faire dessouder. Le plus énervant est que dans certains cas, le Game Over intervient si un de vos coéquipiers passe de vie à trépas. Vous devrez alors rapidement vous approcher de sa carcasse pour lui porter secours en espérant qu'il daigne se mettre à l'abri après coup. Mais ne vous y méprenez pas, l'immersion est malgré tout totale car sans temps morts. Les gunfights succèdent aux gunfights, les corps explosent, les Locustes hurlent et si le bestiaire ne comporte pas beaucoup d'individus différents, on a tout de même droit à quelques monstruosités de taille gigantesque qui ne sont pas forcément les plus difficiles à battre. Notez également qu'Epic a tenté de conserver le côté chaotique des affrontements en accentuant un petit peu le recul des armes. Le contrôle reste précis, mais tirer à l'aveuglette alors qu'on est planqué derrière un canapé s'avère tout aussi hasardeux que sur console. Loin d'être pénalisant, ce petit détail contribue à pousser le joueur en avant, le forçant à rechercher la proximité avec l'ennemi plutôt qu'à le laisser enchaîner les headshots avec une souris nettement plus dévastatrice qu'un stick. A ce titre, notez que le jeu reste parfaitement jouable au pad puisque la précision du réticule s'adaptera instantanément au type de contrôleur choisi, et ce sans qu'il soit nécessaire d'en passer par les menus.
Et si la variété n'est toujours pas le fort de GoW, sachez tout de même que cinq missions inédites viennent engraisser la campagne solo de cette version PC. Accessibles d'emblée, sans qu'il soit nécessaire de les débloquer par les armes, ces nouvelles séquences s'insèrent dans le dernier chapitre et bouchent quelques trous dans un scénario qui paraissait précipité. Ces niveaux, nettement plus coriaces que le reste du jeu, vous feront notamment rencontrer le monstrueux Brumak que les joueurs console espéraient affronter, sans que leur voeu ait été exaucé. Si ce fou furieux ne représente en rien le chef de file des Locustes, il vous offrira pourtant quelques souvenirs mémorables. Tout comme ce Berserker, qui vous chargera tel un taureau pour essayer de vous éliminer d'un simple coup d'épaule. Bien entendu, tout sera mis en oeuvre pour accentuer cette rencontre, de l'environnement confiné au temps limité pour se débarrasser du monstre en passant par le timing requis pour éviter les attaques d'un Berserker superbement animé.
Si ceci est donc dû à un travail de design et d'animation, l'immersion passe aussi par de petits détails qui prennent toute leur importance une fois l'oeil rivé à l'écran. L'exemple le plus marquant est sans nul doute la caméra placée à hauteur du bassin lorsque notre personnage commence à courir. L'impression d'assister à un reportage de terrain, avec un cameraman suivant péniblement les mouvements de troupe, est parfaitement rendue et offre un cachet inimitable à ces montées d'adrénaline. Et si malgré des ajouts salvateurs, le solo de GoW reste de courte durée, il se vit intensément de bout en bout. Mais comme chaque gâteau se doit d'avoir sa cerise, nous terminerons avec le multi qui permet à 8 joueurs de s'affronter à travers plusieurs modes de jeu issus principalement du Deathmatch. En plus de tout le contenu paru sur le Xbox Live depuis la sortie du jeu sur 360, le multi gagne un nouveau mode, trois niveaux inédits, ainsi qu'un éditeur de niveaux extrêmement complet. En conclusion, s'il ne peut prétendre au statut de jeu culte, Gears Of War se pose tout de même comme un des plus grands morceaux de bravoure de ces dernières années.
- Graphismes18/20
La mine patibulaire des personnages ne plaira pas à tout le monde mais le character design a le mérite d'offrir au jeu une patte inimitable. Les décors et autres environnements sont somptueux, plus encore que sur 360, et embellis par des éclairages de toute beauté. Ils laissent souvent la place à une douce contemplation. Enfin, si le bestiaire pioche allègrement dans celui de Predator, Doom, Starship Troopers ou Aliens, les graphistes ont réussi à obtenir une homogénéité bestiale qui confère au titre le soupçon de barbarie recherché.
- Jouabilité17/20
Que ce soit pour se cacher, recharger, viser ou effectuer tout autre mouvement, Gears Of War n'a rien à se reprocher... D'autant que les contrôles ont été admirablement bien retouchés pour convenir aux joueurs PC, sans que les sensations procurées par le jeu d'origine soient altérées. On constate tout de même de gros problèmes d'I.A. (coéquipiers et ennemis) qui nous obligent parfois à recommencer certains passages. On aurait également apprécié un peu plus de diversité en terme de phases de jeu mais c'est bien là les seuls défauts qu'on peut incomber au titre d'Epic Games.
- Durée de vie15/20
En Normal, l'aventure solo se termine en une douzaine d'heures, grâce à des missions supplémentaires nettement plus coriaces que celles du jeu d'origine. Notons de plus que le multi, fort de tous les ajouts parus sur le Xbox Live plus quelques bonus inédits, rallonge considérablement la longévité du titre. Sachez d'ailleurs que l'approche de ce dernier est bien plus stratégique qu'on pourrait le penser. On appréciera également l'ajout d'un éditeur de cartes très complet qui permettra même aux fans de comprendre comment les développeurs s'y sont pris pour créer leurs niveaux. Du tout bon.
- Bande son16/20
Les voix françaises collent bien aux personnages et se veulent délibérément caricaturales compte tenu des mines patibulaires qu'on dirige. Les thèmes musicaux sont Epic à souhait (je sais, c'était facile) et apportent un souffle nouveau aux scènes d'action.
- Scénario11/20
Le synopsis de Gears Of War aurait gagné à être plus dispendieux, même si cette absence de détails ne gêne pas trop, tout en ouvrant la voie à d'autres épisodes.
Si Gears Of War ne constitue pas une date dans le monde du jeu vidéo, le résultat final est difficilement critiquable tant la mise en scène sacralise l'action non-stop, parfois au détriment d'une certaine diversité, mais toujours pour le plaisir du joueur. Sans rien changer des ingrédients de base de la recette d'origine, la version PC se paie tout de même le luxe de gommer quelques-uns des défauts de prise en main de son aînée, tout en y ajoutant quelques bonus appréciables et fort bien intégrés à l'ensemble. Impossible donc de ne pas prendre parti pour ces bidasses d'un autre temps d'autant qu'il semble bien que leur mission ne fasse que débuter. Dommage cependant que le titre fasse tout son possible pour nous faire passer par une interface Xbox Live lourde et souvent problématique, mais sur le fond, Gears Of War reste un titre d'exception, à savourer sans modération.