Neuf mois à peine nous séparent de la sortie de Supreme Commander et voici qu'un stand-alone pointe déjà le bout de son missile tactique. Un délai assez court donc, qui a pourtant été mis à profit pour réaliser un travail colossal.
En effet, il serait réducteur de résumer Forged Alliance uniquement à une nouvelle faction, une nouvelle campagne et quelques unités supplémentaires. Car au-delà de ces ajouts, c'est tout le gameplay de Supreme Commander qui a été modifié en profondeur, refondu, repensé, rééquilibré, bref bouleversé. J'exagère peut-être un peu, on retrouve tout de même les bases essentielles du jeu, qui consistent encore à anéantir l'adversaire sous une pluie de métal et de feu. Pour cela, il faut toujours accumuler de la masse et de l'énergie pour produire une armée et faire évoluer sa technologie, comme dans Supreme Commander, ou plutôt comme dans Total Annihilation, puisque c'est dans ce dernier que Chris Taylor avait posé ces fondamentaux il y a maintenant dix ans.
Récolter des ressources, upgrader ses unités... Tout cela résonne comme le gameplay moyen du jeu de stratégie en temps réel lambda. Mais il n'en est rien, grâce à une gestion de l'économie bien particulière et à des conflits à grande échelle : dans Supreme Commander, on se bat sur des dizaines de kilomètres carrés ! Chose rendue possible grâce au zoom surpuissant qui permet de passer en quelques secondes du coeur de l'action à une vue aérienne globale. Bon, rien de neuf dans tout ça, je vous renvoie au test -forcément excellent- de Super.panda pour plus de précisions sur le déroulement d'une partie de Supreme Commander. Concentrons-nous plutôt sur les nombreuses modifications apportées par Forged Alliance.
Evoquons tout d'abord la nouvelle campagne solo, même s'il s'agit toujours de la portion congrue du jeu. Elle est composée de six missions seulement, ce n'est pas beaucoup, mais comme d'habitude la carte vient s'agrandir au fur et à mesure, des objectifs s'ajoutent, et on peut passer facilement plus de deux heures pour accomplir une seule d'entre elles. Les fins du jeu original laissaient clairement présager d'une suite, l'histoire reprend donc logiquement peu de temps après le moment où elle s'était arrêtée : les mystérieux nouveaux arrivants se sont révélés être des aliens aux intentions peu amicales... Les Seraphims, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, sont la race extraterrestre qui a initié les Aeons à leur philosophie. Ils ne sont jouables qu'en escarmouche ou en multi, c'est donc du côté humain que va se jouer la campagne, avec n'importe laquelle des trois factions, seuls quelques objectifs secondaires changeant d'un camp à l'autre. Dommage que les Seraphims n'aient pas eu droit à une campagne eux aussi, ça aurait permis de les découvrir plus en douceur. Enfin, façon de parler, car même avec les humains la tâche est rude en solo. Dès le départ, on a accès à tout, il n'y a plus vraiment de progression dans la difficulté. Gas Powered Games estime que vous avez déjà joué à Supreme Commander, et tant pis pour les nouveaux venus qui risquent vite d'être rebutés par le manque de phases d'apprentissage.
Mais les vieux briscards risquent d'être eux aussi déboussolés par les changements conséquents apportés au gameplay. De nombreux points ont été modifiés et l'équilibre s'en trouve changé. Tout d'abord, l'économie a subi quelques changements. C'est toujours le nerf de la guerre, mais l'obtention de masse se fait plus difficile, il faut impérativement conquérir (et conserver) le plus de gisements possible. Les structures défensives ont également perdu en efficacité. La conclusion logique de tout cela est que Forged Alliance fait la part belle à l'attaque, l'enterrement n'étant plus une stratégie forcément payante. Un changement d'orientation bienvenu, qui était d'ailleurs réclamé par une partie des joueurs désireux d'un gameplay plus offensif. Il va donc falloir revoir ses stratégies, d'autant que les nouvelles unités viennent elles aussi perturber la donne. On en trouve dix supplémentaires par faction, dont des unités expérimentales plus rapides et moins chères à construire qu'auparavant. Toutes ne sont pas indispensables, mais certaines ajoutent quand même un plus notable, comme le Percival chez l'UEF, un bot T3 très puissant contre les bâtiments.
Le commander prend également plus d'importance, grâce à des améliorations moins onéreuses. Et la liste est encore longue, je vous épargne l'inventaire complet des changements, mais on notera tout de même le brouillard de guerre plus prononcé, un meilleur pathfinding, notamment pour les unités aériennes, des graphismes légèrement plus jolis, etc. Enfin, l'interface a été refondue en profondeur. Sur la droite de l'écran, une petite barre d'information fait son apparition pour signaler au joueur les ingénieurs ou les usines inactifs, très pratique. On peut aussi enregistrer des modèles de construction préétablis. Plus tout un tas de petites améliorations d'ordre plus cosmétique, rendant le jeu encore plus agréable à manipuler.
Bref, Forged Alliance n'est pas qu'un simple stand-alone qui se contenterait d'ajouter du nouveau contenu. Il s'agit presque d'un nouveau jeu tant les changements sont nombreux. Et tout ça en neuf mois seulement ! Ce sont donc de nombreuses nuits blanches en perspective à passer essentiellement sur le multi, toujours aussi efficace avec son système de classement, ses replays... La seule interrogation qu'on peut avoir est : la sortie de ce stand-alone ne va-t-elle pas couper la communauté de Supreme Commander, déjà pas énorme, en deux ? Forged Alliance n'est pas très accessible, difficile de dire si beaucoup de nouveaux joueurs vont franchir le cap. Quant aux anciens, ils ne vont pas tous faire la conversion. Du coup, même si tout le monde se retrouve sur le même serveur, un joueur qui n'a que Forged Alliance ne pourra jouer que les Seraphims, tandis que son adversaire aura le choix entre les quatre factions s'il possède les deux jeux. Et un joueur qui n'a que l'un ne pourra tout simplement pas affronter un joueur qui ne possède que l'autre. On aurait préféré un système plus compatible comme entre Company of Heroes et Opposing Fronts. Mais cela ne doit pas vous empêcher d'investir dans Forged Alliance, qui vaut largement le coup pour peu qu'on soit prêt à s'investir à fond dans ce STR élitiste mais excellent.
- Graphismes16/20
On retrouve le design épuré, un peu cubique et souvent vide du premier épisode. On aime ou pas, mais c'est la marque de fabrique, reconnaissable entre mille, de Supreme Commander. De toutes façons, on passe comme d'habitude pas mal de temps à observer le champ de bataille de haut plutôt que le nez collé au sol, on voit donc souvent les icônes remplacer les modèles 3D des unités. Quelques améliorations ont tout de même été apportées au moteur graphique, qui s'enjolive de plus de détails, mais le jeu est du coup toujours très exigeant en ressources. Les Seraphims bénéficient d'un design réussi.
- Jouabilité17/20
Si les fondements de la série restent bien sûr les mêmes, un grand lot de bouleversements viennent transformer le gameplay en profondeur. Le résultat est convaincant, Forged Alliance est plus orienté vers l'attaque et la conquête du territoire que vers un enterrement dans une auto-suffisance économique et une défense sans faille. Ajoutons à cela une faction inédite et plein de nouvelles unités, et on obtient un potentiel stratégique quasi infini. Et pour ne rien gâcher, la nouvelle interface apporte quelques idées qui s'avèrent bien pratiques à l'usage.
- Durée de vie17/20
Les missions de la campagne solo ont beau être longues, elles ne sont qu'au nombre de six. C'est peu, mais comme pour Supreme Commander, l'essentiel n'est pas là : le jeu est évidemment axé essentiellement sur le multijoueur, et là les possibilités sont presque infinies. Reste à voir comment va évoluer la communauté à long terme, mais on peut faire confiance à GPG pour continuer à la gâter en offrant régulièrement de nouvelles unités et en peaufinant son bébé.
- Bande son16/20
Forged Alliance bénéficie toujours de musiques et de bruitages de qualité, comme son aîné.
- Scénario13/20
Ce n'est toujours pas le point fort du jeu. Avec une narration toujours aussi austère, difficile de se sentir impliqué dans les événements.
Si Supreme Commander avait loupé de peu le 17 début 2007, Forged Alliance le conquiert haut la main. Tout, ou presque, est mieux que dans l'original : gameplay, interface, graphismes... Seul le mode solo reste en retrait, mais c'est anecdotique, l'essentiel du plaisir se trouvant dans les parties multi, toujours au top si on fait l'effort de s'investir un minimum. Reste à voir comment évoluera la communauté, et ça seul l'avenir nous le dira, mais on peut d'ores et déjà compter sur Gas Powered Games pour assurer un suivi constant à Forged Alliance.