Quand on a appris que Will Wright et son studio Maxis, trop occupés à retarder Spore, ne pourraient pas s'occuper du nouveau Sim City, les fans de la série ont pris peur. Confiée à Tilted Mill, à qui on doit le city-builder antique Caesar 4, la licence Sim City semble en plus céder à l'accessibilité au grand public prônée par Electronic Arts, au risque de trahir l'esprit originel du jeu.
Dès le départ en effet, on ne peut que constater quelques gros manques que les amateurs de la saga ne sauraient pardonner, hurlant à l'hérésie. L'exemple le plus flagrant étant l'absence totale de gestion des réseaux d'approvisionnement. Besoin d'électricité ? Posez une centrale où bon vous semble, et le courant arrivera tout seul jusqu'aux bâtiments nécessiteux, même situés à l'autre bout de la carte. Comme ça, par magie, à moins qu'une technologie révolutionnaire permette de transmettre les électrons par ondes hertziennes... C'est typiquement le genre de lacunes qui simplifie le gameplay à outrance, ruinant au passage toute cohérence, mais surtout le plaisir de jouer pour les apprentis-maires qui apprécient de pouvoir tout gérer eux-mêmes dans les moindres détails.
Ce n'est pas le seul manque, puisque le mode scénario est également absent. Dommage, j'aimais bien prendre les rênes d'une ville toute faite pour la sortir d'une situation prédéfinie. Dans Sim City Sociétés, il faudra donc se contenter de trois modes de jeu : normal, simflouz à volonté (dans lequel l'argent n'est plus un problème) et le mode libre, véritable bac à sable dans lequel on peut bâtir la cité de ses rêves sans contraintes d'aucune sorte. Quel que soit le choix, on commence d'abord par choisir quelques paramètres concernant l'environnement, comme la végétation ou le climat. Puis on peut passer à la construction proprement dite : réseau routier, logements, lieux de travail ou de loisirs... Les bâtiments sont nombreux, plusieurs centaines, mais certains devront d'abord être débloqués. Dans Sociétés, on est libre de placer n'importe quel type de construction individuelle où on veut. Le jeu se démarque donc là encore de ses prédécesseurs en abandonnant le découpage par zones. Cette innovation n'est pas forcément un mal, mais avec pareil changement de gameplay, le jeu n'a de Sim City que le nom...
Tous ces bâtiments sont classés dans six grandes catégories de "valeurs sociales" : productivité, prospérité, créativité, spiritualité, autorité et savoir. La communication autour du jeu a d'ailleurs été focalisée sur ce point, qui permet de créer une ville plutôt industrielle ou orwellienne, selon vos désirs. En réalité, il est tout à fait possible de mélanger ces éléments pour faire naître une ville hétéroclite, à condition de produire les ressources correspondantes nécessaires. Par exemple, créer de nombreux emplois grâce à une aciérie vous coûtera 40 points de productivité, qui pourront être gagnés en érigeant des logements ouvriers. Une bibliothèque rapporte 10 points de savoir, mais un centre hospitalier en requiert 12. Il faut donc sans cesse jongler entre les constructions qui rapportent telle ou telle valeur sociale et celles qui en dépensent.
Evidemment, la gestion ne se limite pas à cet aspect, puisqu'il faut aussi veiller à la pollution, à la sécurité, et évidemment au bonheur de sa population de Sims. Nos chers administrés doivent en effet être heureux, sinon ils risquent de causer des troubles. Comme dans Sim City 4, on peut sélectionner chaque habitant individuellement pour voir son humeur ou son occupation du moment. Beaucoup de bâtiments peuvent influencer positivement ou négativement leur bien-être grâce à une capacité spéciale. On peut par exemple augmenter la productivité d'une fonderie en activant l'option "coup de fouet", mais ça ne se fera pas sans heurts. Au contraire, organiser une soirée au karaoké ou au terrain de base-ball fera leur joie. Certaines de ces capacités ne sont utilisables qu'une fois par jour, d'autres peuvent augmenter de façon permanente les caractéristiques d'un lieu.
Malgré ces petites idées et toutes ces bonnes intentions, on a vite l'impression de tourner en rond. Il y a finalement assez peu de paramètres à gérer, et la routine s'installe : construire de nouveaux logements, construire de nouveaux lieux de travail, et ainsi de suite jusqu'à obtenir une mégalopole tentaculaire asphyxiée par le smog et les embouteillages. L'accessibilité, synonyme de simplicité, devient du coup également synonyme d'ennui rapide. C'est dommage car sur la forme, le jeu est plutôt agréable à regarder. L'interface est bien conçue, on voit clairement les besoins en ressources et la production actuelle. On peut filtrer les bâtiments par catégorie, puis les classer selon divers critères. Bref, la réalisation et la prise en main sont bonnes. Mais cette enveloppe est au service d'un gameplay limité, amputé d'aspects qui ont pourtant fait la gloire de la série Sim City. Cet opus Sociétés n'est donc pas fondamentalement un mauvais jeu, mais il ne mérite pas vraiment son titre.
- Graphismes15/20
Le moteur 3D affiche de bien jolies choses mais s'avère relativement gourmand toutes options activées lorsque la ville commence à prendre beaucoup d'ampleur. Les nombreux bâtiments sont assez détaillés et facilement identifiables, quelques effets météorologiques viennent mettre un peu de vie. Le niveau de zoom maximal est impressionnant, dommage qu'à l'inverse on ne puisse pas prendre plus de recul pour voir la carte dans sa globalité.
- Jouabilité10/20
Certes, les possibilités de construction sont nombreuses, et on peut personnaliser sa ville en privilégiant certaines valeurs sociales. Mais ça n'efface pas les manques et les incohérences introduits par la simplification du gameplay, qui montre vite ses limites.
- Durée de vie13/20
Difficile d'attribuer une note à ce critère avec ce genre de jeu à la rejouabilité quasi infinie. Il y a aussi pas mal de choses à débloquer ou de médailles à remporter, et quelques possibilités d'échange sur Internet. Mais une certaine répétitivité et l'absence de mode scénario sont tout de même préjudiciables à la durée de vie.
- Bande son8/20
La bande-son assure le strict minimum : des bruitages corrects, des Sims qui parlent toujours avec leur charabia habituel, le tout sur fond de musique d'ascenseur.
- Scénario/
Pas mauvais, mais pas un Sim City, voilà comment résumer Sim City Sociétés. S'il ne tentait pas de porter un héritage trop lourd avec ce nom, il passerait pour un sympathique city-builder accessible, à réserver aux plus jeunes ou aux bourgmestres débutants. Mais en voulant absolument s'inscrire comme successeur de la saga de Maxis, il s'expose forcément aux comparaisons, et par la même aux déceptions.