Quand Bill Roper, un des pères de Diablo, quitte Blizzard pour voler de ses propres ailes, on ne peut qu'attendre avec curiosité la suite des évènements. Quand il annonce le premier projet de son nouveau studio, on l'écoute avidement. Quand il dévoile qu'il s'agit d'un hack'n slash en 3D dans un univers post-apocalyptique, on trépigne d'impatience. Puis, au fil des E3, des interrogations sont soulevées, des doutes se font jour. Et enfin, le voilà, Il est arrivé. Alors, jeu explosif ou pétard mouillé ?
Il va être difficile de parler d'Hellgate : London sans évoquer son illustre ancêtre Diablo, tant il partage avec ce dernier de nombreux points communs. Evidemment, le contexte n'est pas le même. S'il s'agit toujours de lutter contre les hordes de l'enfer, cette fois c'est en 2038 que ça se passe, dans une capitale anglaise ravagée par les démons. Il est toujours possible de combattre à l'épée, mais cet univers futuriste permet aussi l'utilisation de technologies beaucoup plus avancées : armes à feu, drones, nano-forge... Par contre, il est dommage que l'atmosphère apocalyptique soit parfois gâchée par un humour malvenu. Certains apprécieront sûrement, personnellement je trouve que ça contraste trop avec l'ambiance désespérée qui se dégage de la cinématique d'introduction. J'aurais préféré un ton plus sombre dans les dialogues. Mais ça n'est qu'un détail, le reste du jeu n'est que chaos et destruction, comme il se doit.
Autre différence avec Diablo, la vue utilisée. On ne joue pas à Hellgate en caméra isométrique, mais en vue à la troisième personne dans des environnements entièrement modélisés en 3D. Petite exception, la classe du tireur d'élite se joue en vue subjective. Attention cependant, Hellgate : London n'est pas un FPS. J'ai essayé cette classe brièvement, et si le fait de toucher les ennemis dépend bien de la visée du joueur, il faudra tout de même booster ses stats pour réduire la dispersion ou améliorer la portée. Cette vue et le contexte mis à part, on est vraiment dans du hack'n slash pur jus. Les personnages sont définis par quatre caractéristiques désormais classiques : force, endurance (l'équivalent de la vitalité), volonté (magie) et précision (dextérité). Ils disposent de diverses protections : armures, casques, bottes... Tous ces objets sont regroupés dans l'inventaire. Ils peuvent se révéler magiques une fois identifiés, avec divers niveaux (rare, légendaire...) correspondant à des couleurs. Certains peuvent également être améliorés en sertissant non pas des gemmes mais des "mods", des reliques par exemple, ou une batterie. Bref, les vieux briscards ne seront pas dépaysés, on trouve très vite ses marques. Cette similarité avec Diablo va jusqu'à l'interface, composée de deux globes rouge et bleu représentant la vie et le mana, pardon la santé et l'énergie. Ils entourent la barre de raccourcis vers les sorts, compétences et objets, associés aux touches numériques.
Ces compétences dépendent bien sûr de la classe choisie. On en trouve six : le tireur d'élite déjà mentionné, l'ingénieur, le mage, l'invocateur, le gardien, qui fait office de tank, et le maître d'arme, un autre guerrier plus spécialisé dans l'attaque à tout va. J'en ai essayé plusieurs et je dois dire que même si elles ont toutes leur intérêt, ma préférence va à l'invocateur accompagné de ses démons, assez fun à jouer, et à l'increvable gardien. Quelque soit votre choix, le gameplay se résume à l'archaïque formule couloir / salle / monstre / trésor. La progression consiste donc à se frayer un passage à travers les hordes de démons jusqu'au point suivant. Une recette éprouvée et inévitablement répétitive, mais toujours aussi addictive, le but étant finalement de continuer pour obtenir le stuff ultime et un personnage surpuissant. Là encore, l'évolution est classique : à chaque niveau d'expérience franchi, ce sont cinq points supplémentaires à distribuer dans les attributs, et un nouveau point de compétence.
Mais il serait injuste de limiter Hellgate : London à une simple copie des hack'n slash existants, car le jeu de Flagship Studios parvient aussi à innover un peu. Rien de révolutionnaire, mais quelques ajouts bien sentis. Tout d'abord, le système d'amélioration des objets. Comme je l'ai déjà évoqué, il est possible d'en modifier certains par l'ajout de mods. Mais pas seulement, puisque un appareil permet aussi d'ajouter diverses propriétés aux armes et armures, la puissance dépendant évidemment du prix payé. Enfin, il est également possible de démonter les items inutiles au lieu de les revendre, un peu comme le recyclage dans Guild Wars. Les matières premières obtenues peuvent alors servir à reforger son équipement pour en augmenter les caractéristiques. En combinant toutes ces possibilités, on peut créer un arsenal dévastateur. Ensuite, les conditions nécessaires pour porter un objet sont un peu différentes que dans Diablo. Dans ce dernier, c'est simple : vous avez 40 points en force, une cotte de maille en nécessite 42, vous ne pouvez pas la mettre. Dans Hellgate, c'est le total de points requis par tous vos objets portés qui ne doit pas dépasser la valeur de vos attributs. Par exemple, si vous avez 20 points d'endurance, et que vous portez déjà des gants qui en requièrent 7 et des épaulières qui en demandent 8, il ne vous sera pas possible de mettre un casque qui nécessite plus de 5 points d'endurance. Il faut donc veiller à assortir convenablement les différentes pièces d'armure. Dernière originalité notable, la monotonie est parfois brisée par une phase de jeu un peu inhabituelle, à l'instar de ce passage où il faudra vaincre Belzébuth aux commandes d'un squad en vue de dessus, comme dans un jeu de stratégie.
Jusqu'ici, à lire ce résumé du gameplay, on pourrait croire qu'on tient le jeu ultime : un titre qui reprendrait le meilleur de Diablo en l'enrichissant de quelques nouveautés et d'un emballage nouvelle génération. Alors qu'en est-il vraiment ? C'est là qu'il me faut malheureusement commencer la longue litanie des défauts qui empêche Hellgate : London d'atteindre ce statut. Au premier rang desquels le level design peu inspiré. Certes, la promesse de niveaux générés aléatoirement est tenue. Mais la médaille a son revers, et on remarque sans peine les mêmes gros morceaux agencés légèrement différemment. En plus, les environnements traversés sont très répétitifs : des tunnels ferroviaires, des égouts... Les rares sorties en surface ne sont guère mieux, il s'agit toujours des mêmes rues dévastées. Alors d'accord, le jeu se déroulant à Londres, il est normal de n'y voir que des environnements urbains, mais un peu plus de variété aurait quand même été possible. Pire, à quelques impasses près, les niveaux sont extrêmement linéaires. Il y a bien quelques passages qui sortent du lot, comme les incursions en enfer ou le voyage dans un esprit pour une psychanalyse en profondeur, mais ça reste un long couloir... La conception de la carte offre cependant quelques alternatives : la progression est organisée le long des stations du métro, qui font office de hubs vers plusieurs destinations. Il y a donc diverses voies possibles, qu'on peut emprunter à loisir en fonction des quêtes secondaires qu'on veut faire. Mais ça reste globalement dirigiste, certaines sorties ne se débloquant qu'au bon moment. Ainsi, même lorsqu'il sera question d'aller chercher les différentes parties du corps de l'oracle, il faudra le faire dans un ordre bien défini, alors qu'il aurait été facile de laisser le choix au joueur. Frustrant...
Une autre déception est la trop grande facilité du jeu. C'est bien simple, il m'a fallu attendre d'être niveau 11, après pas mal d'heures de jeu, pour mourir pour la première fois ! Pourtant, les ennemis sont bien là en nombre, mais à aucun moment on ne se sent menacé. Ça s'arrange un peu par la suite, quand les groupes de monstres commencent à être accompagnés de chamans ou d'invocateurs, et que les créatures rares ou épiques se font plus présentes. Mais la mort reste beaucoup trop rare. Elle offre trois alternatives : réapparaître à la station la plus proche, aller chercher sa stèle sous forme de fantôme ou ressusciter immédiatement moyennant une somme de palladium, la monnaie locale. Poursuivons la liste des défauts avec l'intelligence artificielle défaillante. Bon, je vous l'accorde, on parle de démons, il est donc excusable qu'ils se contentent bêtement d'attaquer. Par contre, ça l'est beaucoup moins quand ils vous regardent parfois sans rien faire... Heureusement, le design des monstres est une franche réussite, à quelques exceptions près (les liches ridicules). Les carnes et les grotesques, dont surgissent zombies et vers, les diablotins et autres créatures forment un bestiaire varié et fort joli. Par contre, on note quelques ralentissements (détails à fond) quand ils sont nombreux à jeter des sorts. Si une douzaine de disciples de la foudre se mettent à lancer des éclairs alors qu'une dizaine de fouisseurs vous entoure déjà, le framerate chute dramatiquement, bien qu'un Core 2 Duo 6600, 2 Go de RAM et 8800 GTX équipaient notre machine test. Pourtant, le moteur graphique n'a rien d'impressionnant... Pour conclure, impossible de ne pas noter quelques bugs gênants, comme le son qui se met à grésiller, une attaque qui se retrouve parfois répétée en boucle ou les collisions entre les ennemis et le décor. Rien de vraiment bloquant heureusement.
En conclusion, il convient de dire quelques mots sur le mode multijoueur, car il a fait couler beaucoup d'encre. Déjà, vous êtes obligé de créer un personnage dédié à ce mode car il est impossible d'utiliser celui du mode solo. En revanche, pas de panique, il n'y a pas besoin de payer pour parcourir la campagne entre amis. Le compte de base suffit amplement à s'amuser malgré ses quelques limitations. En effet, pour avoir accès au mode hardcore (similaire à celui de Diablo 2 : une mort et vous perdez votre personnage), à la création de guildes, au PvP et à tout un tas de contenu exclusif, il faudra en revanche s'abonner. Est-ce que ça vaut 10 € par mois ? C'est une question que nous nous garderons bien de trancher... A vous de voir si le jeu en vaut la chandelle.
- Graphismes14/20
Bien sûr, Hellgate : London a une palette de couleurs où le gris cendre et le rouge feu tiennent une grande place, et on ne peut pas lui reprocher ce choix artistique. Les environnements auraient toutefois gagnés à être un peu plus diversifiés. Techniquement, le moteur 3D n'a rien d'impressionnant, c'est correct, sans plus. Et malgré cette relative pauvreté et des niveaux souvent très fermés, le jeu n'est pas fluide lorsque l'action est trop soutenue, même sur une machine de guerre.
- Jouabilité14/20
Le gameplay est très classique, trop peut-être, malgré quelques trouvailles. Les lacunes de l'IA, et surtout le level design bien fade, nuisent sérieusement à l'intérêt du jeu. Mais comme tout bon hack'n slash, on a beau se dire que c'est répétitif, on continue encore et encore, en quête du boss qui, peut-être droppera enfin l'item tant convoité.
- Durée de vie17/20
La campagne solo est longue, il faut le reconnaître. Dommage que ce soit si linéaire, mais c'est un problème inhérent au genre. Quant au multijoueur, il prolonge de belle manière l'expérience, même dans son option gratuite.
- Bande son16/20
Au niveau des sons, c'est du grand art. Les hurlements des démons, les cris de mort, tout est parfaitement retranscrit. On peut en dire autant du doublage français, qui n'a pas à rougir face à son homologue britannique. Côté musique c'est un peu plus mitigé, mais elle soutient bien l'action trépidante, c'est le principal.
- Scénario14/20
L'intro laissait présager un jeu vraiment sombre et désespéré. Cette atmosphère est globalement réussie, même si certains regretteront l'humour parfois malvenu qui détonne avec la morosité ambiante. Ce contexte a au moins le mérite de changer du sempiternel univers heroïc fantasy des hack'n slash habituels.
La lecture de cet article pourrait laisser penser qu'Hellgate : London n'est finalement qu'un pétard mouillé. Après un tel inventaire de défauts, difficile d'imaginer le voir obtenir mieux que 12 ou 13. Et pourtant... C'est étrange, je ne saurais expliquer pourquoi, mais le charme opère quand même, et j'ai un mal fou à décrocher d'une partie pour m'alimenter. Nul doute que le jeu est addictif, et il l'est car il est bon, malgré tout, alors on lui pardonne aisément les soucis mentionnés. Mais ceux qui voyaient en lui le digne successeur de Diablo 2 en seront quittes pour patienter encore quelques années.