Etrange projet que cet Escape From Paradise City, mélange occulte entre jeu de rôle et STR, le tout prenant vie dans un contexte qui n'a d'urbain que l'apparence. Mais pour original que cela puisse paraître, le concept semblera sans doute familier à un certain nombre de joueurs. Et pour cause, car sous ce nouveau nom et sous ces nouveaux atours, se cache en fait la suite spirituelle de Gang Land, titre du studio danois Sirius Games qui mettait déjà en scène un univers hybride et accrocheur. Mais le tout est maintenant de savoir si cette savoureuse idée a mûri, ou si au contraire, le temps ne l'a pas recouverte d'une désagréable pellicule de poussière.
Après Gang Land, le studio danois Sirius Games tente donc de remettre le couvert et de nous servir une nouvelle version de son concept chéri. Escape From Paradise City nous permet ainsi de retrouver l'univers gai et chatoyant de son paternel tout en insérant quelques nouveautés à la formule d'origine. La bien nommée Paradise City, ville de non-droit que se partagent des gangs en guerre, constituera encore une fois notre terrain de jeu et devra être intégralement débarrassée de sa vermine. Mais du mafieux au coeur noirci par le désir de vengeance on n'entendra plus parler, car Paradise City choisit cette fois la voie de la justice, sommaire certes, mais justice tout de même. C'est donc pour le compte de la N.S.A. et sous les traits de 3 personnages différents que le joueur officiera cette fois. Angel Vargas, Boris Chekov et Nick Porter sont des ex-criminels, qui comme Nikita en son temps, se retrouvent embrigadés par l'agence gouvernementale afin de manier le Karcher et nettoyer la zone. Les missions de la campagne nous feront d'ailleurs alterner entre ces trois lascars aux méthodes différentes mais foncièrement expéditives. C'est ainsi que pour progresser, Angel favorisera avant tout les gros bourre-pifs et les coups de tongs dans les parties, tandis que Boris, vieux et gras, préférera mettre ses talents de leader à profit afin de s'entourer d'un cheptel de bons gros gardes du corps élevés au grain. Quant à Nick Porter et à sa toison chabalienne, il appréciera davantage de tester l'efficacité de ses fusils mitrailleurs sur le popotin de l'ennemi qu'autre chose.
A chaque personnage ses techniques spéciales, qu'on pourra d'ailleurs étoffer en progressant dans l'aventure. Une arborescence de 24 compétences vous permettra ainsi de modeler la "personnalité" de votre antihéros de la manière qui vous sied le plus. Vos choix détermineront effectivement les pouvoirs spéciaux que votre perso du moment pourra acquérir auprès des entraîneurs présents dans le jeu. Ces pouvoirs, divisés en 2 catégories (offensifs ou défensifs) pourront de plus être combinés entre-eux pour obtenir des résultats dévastateurs. Prenez tout de même garde à ce que vous faites, sous peine de déséquilibrer vos personnages. On préférera ainsi accentuer la personnalité de chacun, telle qu'elle était décrite dans le paragraphe précédent, plutôt que de chercher à faire de son personnage un touche-à-tout, capable de tout faire, mais sans réelle efficacité. Pour compléter ce tableau très "jeu de rôlesque", sachez qu'au cours de leurs pérégrinations, nos joyeux drilles, pourront également empocher de l'expérience, gagner des niveaux et bien évidemment booster leurs caractéristiques en conséquence. A chaque nouveau niveau, on pourra ainsi allouer des points de charisme, de rapidité ou d'endurance à son personnage, comme dans tout bon RPG qui se respecte en somme.
Mais il est maintenant temps de retrousser les manches et de se mettre au boulot sur les trottoirs même de Paradise City. La campagne est divisée en 16 chapitres qui vous feront évoluer et remplir des objectifs spécifiques dans quatre zones différentes. Mais le but de chaque mission, malgré quelques petites nuances, reste grossièrement le même : il s'agira avant tout de contrôler la carte de la mission en cours en soumettant les gangs rivaux à votre volonté de fer. Car Escape From Paradise City se présente avant tout comme un jeu de contrôle de territoires, un peu comme Risk si vous me permettez cette comparaison de bas étage mais non point dénuée d'une certaine logique. Chaque carte se trouve effectivement divisée en plusieurs districts, chacun sous le contrôle d'un parrain. Votre objectif consistera généralement à aller trouver le caïd en question, tout en massacrant consciencieusement ses sbires, pour ensuite lui infliger une monumentale dérouillée. Le bonhomme n'aura alors pas d'autre choix que de se soumettre et de filer prévenir les autres malfrats locaux que vous êtes désormais calife à la place du calife.
A partir de là, des fonds seront progressivement transférés sur votre compte en banque, en fonction du nombre d'hôtels présents dans le quartier. Cet argent servira immédiatement à soudoyer le maire et enfin à entamer la partie "gestion" du titre. De nouveaux menus vous permettront alors d'engager jusqu'à cinq malfrats puis de partir à la conquête du quartier voisin. En fait, c'est là que le jeu finit par montrer ses faiblesses et ses limitations. En effet, seuls quatre types d'hommes de main sont disponibles (le flingueur, le protecteur spécialiste du corps-à-corps, la guérisseuse et la sentinelle) et tous sont définitivement liés à leur quartier d'origine. On n'aura donc pas la possibilité de les contrôler de manière indépendante, comme pourraient l'être les unités de base d'un STR. Et tout juste sera-t-il possible d'investir pour améliorer grossièrement leurs pouvoirs ou armements. Ne restera plus alors qu'à agrandir la carte générale et à ordonner un assaut sur le district suivant, obligatoirement en contact avec celui de vos sbires. Nos acolytes fraîchement embauchés partiront donc tout seul vers le QG du caïd ennemi et tenteront de l'éliminer. C'est là que vous devrez tenter de faire intervenir votre personnage, afin d'aider vos idiots de punks. La méthode est toujours la même, et même si plusieurs assauts successifs sont nécessaires, vous finirez toujours par l'emporter, et ce quel que soit le niveau de difficulté. Amusant un temps, le jeu ne nous offre finalement qu'une progression affreusement uniforme et carrément lassante après deux heures de jeu.
Les combats, dont on attendait beaucoup, surtout après l'analyse du copieux système de progression, se révèlent franchement mous et confus. Sachez tout d'abord que le jeu propose deux angles de caméra radicalement différents. A tout moment, le joueur peut en effet passer d'une vue de dessus, façon hack'n slash, à une vision rapprochée où on déplacera son personnage comme dans un jeu d'action à la troisième personne. Cette dernière méthode permet en théorie d'éviter les tirs et d'être plus précis lors des attaques, mais les contrôles s'avèrent si imprécis que vous vous en tiendrez fort probablement à la vision d'ensemble, où le moindre clic de souris suffit à se déplacer ou à lancer une attaque. Quant aux combats en eux-mêmes, que vous soyez seul ou en compagnie de vos sbires, il suffit généralement de surveiller votre barre de concentration (qui régit le nombre d'attaques spéciales disponibles) et de cliquer à intervalles réguliers sur les icônes correspondantes à ces dernières pour prendre le dessus. Bref, c'est un petit peu trop répétitif, un petit peu trop simpliste, et cela manque clairement de punch. D'autant que pour se faciliter la tâche, le joueur pourra également recourir aux diverses commerces des quartiers qu'il contrôle, afin d'acheter armes ou cocktails (qu'on affiliera à des potions) dispensateurs de bonus de force, de santé et de vitesse.
Et ce n'est pas tout, plus votre emprise sur le secteur devient marquée, plus la taille de votre "jauge de pouvoir" augmente. Celle-ci donne accès à des capacités spéciales, sortes de jokers qu'on pourra utiliser ponctuellement pour changer le cours de la bataille. De la descente de flics dans le quartier voisin à l'invocation d'un junkie armé d'une batte de base-ball, en passant par l'appel d'un taxi (ce qui constituera d'ailleurs votre seule occasion de monter dans un véhicule), tout est là pour vous faciliter la tâche. Mais là encore, le divertissement ne dure qu'un temps, et les effets de ces "aides" s'avèrent finalement très limités. Pour tenter d'apporter un peu de variété à cette progression convenue et insipide, le studio de développement a tout de même intégré quelques PNJ auxquels on devra parler pour obtenir des quêtes secondaires. Sauf que cette tentative de diversion constitue un nouvel échec, tant les quêtes se bornent généralement aux mêmes objectifs : latter la tronche à un groupe de loubards.
Reste le multijoueur, tout de suite plus sexy que la campagne puisqu'il permet à 8 joueurs de venir jouer aux gros durs pour conquérir la ville. Dommage que ces affrontements multijoueurs profitent essentiellement aux gros rushers. Le premier joueur à s'approprier un quartier particulièrement riche sera généralement indélogeable, à moins que les autres joueurs ne parviennent à créer une alliance tacite, ce qui n'est guère évident étant donnée la nature territoriale du jeu. Ne pouvant dépêcher de combattants dans un secteur éloigné de chez vous, vous serez souvent condamné à voir un joueur écraser tout le monde sans que rien ne l'arrête. D'autant que les maps semblent pour le moment assez déséquilibrées. Bref, arrêtons-là les frais, car l'addition commence à se montrer salée. Ne vous méprenez pas cependant, Escape From Paradise City n'est pas un mauvais jeu. Le titre de Sirius Games se présente même comme un agréable foisonnement d'idées, mais qui aurait sans doute nécessité d'être canalisé et mieux équilibré. Faussement complexe, riche dans des domaines finalement assez accessoires, le jeu s'embourbe finalement dans ses propres prétentions. Dommage.
- Graphismes14/20
Le moteur n'est pas au top mais permet néanmoins d'afficher des environnements de bonne taille et joliment animés. Dommage que le brouillard se montre si présent et que les textures soient si pauvres.
- Jouabilité13/20
Si dans un premier temps, on appréciera le nombre d'options disponibles, on aura tôt fait de comprendre que le jeu n'offre finalement que peu de latitude dans les domaines véritablement intéressants. Jeu stratégique sans stratégie et jeu d'action sans punch, Escape From Paradise City se montre trop déséquilibré pour convaincre.
- Durée de vie15/20
Les 16 chapitres du solo offrent une expérience de longue haleine, pour que vous tolériez la platitude de l'action. Les plus acharnés pourront tout de même se tourner vers les nombreux modes multis, jouables à 8.
- Bande son11/20
La musique est horriblement répétitive et énerve très vite. Quant aux bruitages, il s'en tirent honorablement mais n'ont rien de remarquable.
- Scénario14/20
Le scénario du jeu est réussi, et bien mis en valeur par quelques cinématiques stylées. Mais on reste toutefois un cran au-dessous de Gang Land et de son histoire de vengeance familiale.
Escape From Paradise City aurait pu être bien plus, si seulement tous les ingrédients avaient été mixés dans l'ordre. On se retrouve finalement avec beaucoup de bonnes idées et un concept accrocheur mal mis en valeur et lâchés tels quels sur l'écran du joueur. Répétitif, riche mais sans que le joueur ne soit jamais poussé à tirer parti de cette richesse, Escape From Paradise City déçoit et se révèle finalement inférieur à son aîné.