S'il est toujours bon de se replonger avec un profond délice dans les aventures de Sherlock Holmes rédigées de main de maître par Sir Athur, nous pouvons depuis quelques années nous adonner à notre passe-temps de détective virtuel grâce à Frogwares. Après avoir mélangé les univers de Lovecraft et Conan Doyle l'année dernière, la société française tente une nouvelle fois l'expérience en mettant face-à-face le fin limier britannique et notre voleur national, le dandy arnaqueur, j'ai nommé Arsène Lupin.
Si Sherlock n'a jamais manqué d'adversaires à sa mesure, malgré le fait qu'aucun ne se soit montré aussi brillant, malicieux et fourbe que le pendant négatif de Holmes, Moriarty, notre détective mélomane n'avais pas eu l'occasion de croiser la route d'Arsène Lupin. Certes, Maurice Le Blanc rédigera bien un certain Arsène Lupin Contre Herlock Sholmes mais cet anagramme, qui n'aura trompé personne, n'était en fait qu'une façon maquillée pour faire rencontrer ces deux grandes figures de proue littéraires. Le jeu de Frogwares est donc un bon moyen de s'ouvrir aux techniques d'enquête de Holmes, à celles de cambrioleur de Lupin tout en se familiarisant avec l'Angleterre de la fin du 18ème siècle. D'ailleurs, l'aspect éducatif du titre est une fois encore très présent à travers les nombreuses recherches que nous aurons à effectuer pour répondre aux six défis que nous lance le voleur français. De ce point de vue-là, ce nouveau Sherlock est donc aussi bon que son prédécesseur. Malheureusement, après quelques heures à se triturer les méninges, on est forcé d'admettre que Sherlock Holmes Contre Arsène Lupin a bien des problèmes contre lui.
Tout d'abord, il est un peu regrettable que l'enquête se déroule uniquement en Angleterre, par rapport à la Nuit des sacrifiés qui nous faisait voyager en Suisse et aux Etats-Unis. Dommage d'autant que le scénario se prêtait facilement à une petite visite du Paris ancien. En sus, nous n'avons ici l'occasion que de visiter la National Gallery, la Tour de Londres, le British Museum ou le Buckingham Palace. On regrettera aussi que Frogwares n'ait pas fait un petit effort sur le plan graphique dont la 3D a toujours des années de retard sans parler d'un aliasing omniprésent. Pour rester dans les choses fâcheuses, la progression est loin d'être probante, les lieux visités nous retenant bien trop longtemps en règle générale. En somme, nous sommes tenus de faire d'incessants va-et-vient entre les pièces ou endroits composant la "scène de crime" et ceci finit par lasser. De plus, les développeurs ont cette fois opté pour une difficulté surhumaine synonyme de très nombreuses énigmes ou mini-jeux.
De fait, le titre, truffé de casse-tête, propose une durée de vie phénoménale si vous n'êtes pas coutumier du fait. A ce sujet, on peut donc se demander à qui se destine cet opus qui vous demandera de très nombreuses heures de patience pour résoudre certains problèmes. Certes, le tout reste logique mais si vous ne lisez pas attentivement tous les ouvrages en votre possession ou ne scrutez pas minutieusement votre environnement pour découvrir des indices, vous risquez de vous arracher les cheveux. En définitive, il est donc impensable de recommander ce jeu à un novice à moins d'avoir une solution sous la main, mais dans ce cas quel intérêt ? Dans le cas contraire, vous devriez être aux anges avec cette chasse aux volatiles, cette triangulation mathématique pour connaître le lieu du prochain méfait de Lupin, cette relecture d'un poème (demandant à elle seule de beaucoup de réflexion pour en trouver la solution), etc.
Ceci dit, quelques énigmes plus légères induites par le scénario passent vraiment mal (comme celle d'un filet de pêche à repriser) et corsent inutilement le tout. On se demande aussi pourquoi les phases de chimie ont été purement et simplement supprimées, ces passages permettant de souffler au cours de nos pérégrinations ou entre deux dialogues. En parlant de ça, sachez que les quizz ponctueront une fois encore divers échanges verbaux entre Sherlock et Watson. Ceux-ci seront de bons moyens pour vérifier vos connaissances tout en faisant avancer l'histoire. A ce propos, disons que le synopsis paraît plus factice que celui de La Nuit Des Sacrifiés (aussi paradoxal que cela puisse paraître), l'enquête ayant des faux airs de partie de cache-cache de luxe. Est-ce à dire que Sherlock Holmes Contre Arsène Lupin est un jeu à éviter ? Nous n'irons pas jusque-là mais il est vrai qu'en ayant voulu adresser son bébé aux fans hardcore des jeux d'enquêtes, Frogwares semble s'être un peu perdu en chemin en développant un jeu de réflexion et non d'aventure.
- Graphismes8/20
Le moteur physique est le même que celui de La Nuit Des Sacrifiés et ça se voit. Les environnements sont vides, bourrés d'aliasing, la modélisation est sommaire et on note plusieurs bugs graphiques.
- Jouabilité13/20
La façon d'enquêter est identique à celle du précédent volet et se base sur une récupération d'objets, une lecture intensive de nombreux ouvrages et la compréhension de ces mêmes ouvrages. En outre, quelques "mini-jeux" viennent rompre beaucoup de va-et-vient et on regrettera que la progression soit si lourde et continuellement ponctuée d'énigmes toutes plus ardues les unes que les autres.
- Durée de vie13/20
Cette partie est très difficile à noter compte tenu de la difficulté surhumaine du titre induisant forcément une énorme longévité. En somme, si vous aimez l'univers de Sherlock Holmes mais n'êtes pas un habitué des jeux d'aventure, réfléchissez bien avant d'acquérir ce titre. Si vous êtes un fin limier par contre, pourquoi pas mais préparez-vous à vous exploser les méninges.
- Bande son12/20
Les musiques sont peu nombreuses mais de qualité. Dommage qu'elles s'incrustent un peu trop à certains moments. Le doublage français, lui, est d'un très bon niveau avec le même casting vocal que dans La Nuit Des Sacrifiés.
- Scénario11/20
La rencontre entre Lupin et Holmes donne lieu à une gigantesque chasse au trésor dans Londres. Du coup, tout comme dans le précédent volet, on regrettera un peu que l'univers de Le Blanc ne soit pas mis davantage en avant et serve principalement à amener des énigmes très retorses.
Sherlock Holmes Contre Arsène Lupin marque surtout la rencontre entre la frustration et la perversion... intellectuelle. Le résultat pourra intéresser les amateurs de Sherlock (ceci n'étant pas vraiment le cas pour ceux de Lupin) qui aiment se faire violence en réfléchissant de longs jours sur la résolution d'une énigme. Et c'est là que le bâts blesse car au-delà de l'aspect technique d'un autre âge, d'un scénario assez quelconque et d'une progression peu inspirée, le jeu se fend d'une difficulté à même de faire pleurer l'enquêteur endurci qui sommeille en vous. Qu'on se le dise, le jeu vidéo doit rester un plaisir, pas une torture.