Avec Drake's Fortune, Naughty Dog, le studio responsable des pérégrinations rocambolesques de Jak et Daxter, change complètement de registre et tente de nous offrir sa propre vision du jeu d'aventure. Une vision qui s'inspire dans une large mesure de tous ces magazines, romans et films d'action américains que l'on regroupe sans trop de cérémonie sous l'appellation de "pulp action". On parle ici de consommable, de sensationnel, de productions originellement bon marché et accrocheuses, de ces histoires où des héros virils en quête de gloire tiennent le haut du pavé. Un genre qui couvre finalement beaucoup de domaines et de supports différents, mais dont les représentants les plus flamboyants sont sans conteste les films d'Indiana Jones, pour le commun des mortels tout du moins.

Et comme pour les cavalcades de l'archéologue aventurier, le coeur de Drake's Fortune bat au rythme des empoignades sauvages, des fusillades dantesques, des lieux oubliés du temps et emprunts de mystères. Le tout lié par des répliques improbables mais décapantes, échangées par des personnages délicieusement stéréotypés lors de cut-scenes cinématographiques. Mais là où les productions "pulp" nous présentent systématiquement un héros dur à cuire, Naugthy Dog nous offre Nathan Drake. Un type banal qui n'aspire à rien de mieux que de profiter de la vie, de voyager un peu et d'engouffrer quelques cheeseburgers concoctés avec amour par sa compagne, Elena Fisher. C'est là l'aspect que le studio s'est attaché à mettre en avant, ce côté humain et cette histoire d'un homme qui, face à l'adversité, se transformera bon gré mal gré en héros, un peu à la manière de Bruce Willis dans la quadrilogie des Die Hard. Cet aspect transparaît clairement dans le jeu. Le travail d'animation, superbe, nous permet ainsi de voir évoluer un homme qui n'a rien d'un soldat et qui doit faire avec les moyens du bord. Lorsque les balles fusent, Nathan se planque derrière tous les éléments du décor comme le péquin moyen, sans classe et sans les mouvements félins d'autres héros de pixels. Et quand il s'agit de distribuer des mandales, le bougre se bat comme un chiffonnier et n'hésite pas à propulser son pied dans les parties intimes de ses adversaires. Les attaques au corps-à-corps que pourra lancer Nathan dépendront d'ailleurs de l'environnement immédiat. Ainsi, dans une salle inondée, rien ne vous empêchera de noyer un ennemi en lui maintenant la tête sous l'eau. Le gars est donc sacrément rageur, et le résultat à l'écran, franchement jubilatoire.

Naughty Dog tire effectivement une grande fierté de son système d'animation qui permet de greffer plusieurs actions sur une seule et même séquence. Je m'explique : alors que la plupart des jeux vous imposent de regarder votre avatar recharger son arme sans pouvoir rien faire d'autre une fois l'animation lancée, Drake's Fortune vous permet quant à lui de cumuler les actions. On court, on se baisse et pendant que le bonhomme crapahute, rien ne vous empêche de recharger votre sulfateuse. Résultat : une superbe impression de fluidité et de naturel. Pour faire court, ça claque. D'autant que ce souci du détail imprègne vraiment tous les aspects du jeu : le décor est partiellement destructible, l'eau imbibe les vêtements de Nathan, et la gestion des lumières témoigne d'une grande maîtrise. Techniquement, Drake's Fortune nous apparaît déjà comme une réussite, même si certains petits détails méritent encore quelques corrections. Quoi qu'il en soit, il semblera plutôt facile de s'immerger dans les superbes décors aux couleurs vives du titre.

Si le respect pour le travail des développeurs, ainsi que pour les futurs joueurs, m'empêche de donner des détails sur le scénario de la bête, rien ne m'interdit de décrire quelques-unes des phases de jeu. Sachez donc que vous ne vous ennuierez pas, puisque le titre fait s'enchaîner des séquences de jeu variées. Vous l'avez sans doute déjà compris, Drake's Fortune se compose essentiellement de scènes d'action. Des gunfights sauvages où Nathan et ses éventuels alliés usent du décor pour se couvrir et progresser face à une I.A. qui semble globalement tenir la route. Mais le jeu nous réserve aussi quelques phases de plates-formes si chères à la plantureuse Lara, dont on retrouvera d'ailleurs tous les mouvements. Le soft sollicitera occasionnellement nos neurones atrophiés en dressant sur notre route quelques énigmes et autres puzzles tarabiscotés mais relativement accessibles. Et rassurez-vous, les développeurs ont promis de nous épargner les ultra classiques déménagements de caisses. Et si comme tout cela ne suffisait pas, les humbles joueurs que nous sommes profiteront également de quelques courses-poursuites en véhicule qui là encore, ne nient pas un seul instant leur parenté avec celles d'Indiana Jones. Naughty Dog a d'ailleurs apporté un soin particulier aux transitions entre ces différentes phases de jeu, afin que les joueurs aient l'impression de visionner un véritable film, sans coupures et sans heurts. Mais cet aspect ne pourra être véritablement jugé qu'avec la version définitive du jeu, qui nous arrivera en décembre prochain. D'ici là, il ne nous reste plus qu'à réviser nos classiques et ressortir nos vieux posters d'Indy.