Ode à la magie et aux contes de fées, Grim Grimoire est un titre rafraîchissant et enchanteur qui surprend par son système de jeu. Loin des contrées médiévales fantastiques propres aux RPG, le soft s'ancre plutôt dans le folklore et la poésie d'un jeu de stratégie temps réel où la magie est reine. Voilà une tentative audacieuse mais imparfaite que l'on découvre d'abord par curiosité pour finalement s'en délecter pour le simple plaisir de jouer les apprentis sorciers.
Grim Grimoire est un jeu NipponIchi développé en réalité par le petit studio VanillaWare, connu des amateurs de RPG pour son Princess Crown sur Saturn et plus récemment pour son Odin Sphere sur PS2. La filiation est d'ailleurs assez évidente au niveau visuel puisque Grim Grimoire emprunte la même esthétique graphique et le même type de character design enchanteur et féerique qui caractérisent le superbe Odin Sphere. Pourquoi ce dernier n'est-il toujours pas annoncé en Europe ? Allez savoir. En tout cas, on ne peut que se réjouir de voir arriver un Grim Grimoire certes non traduit mais dont la sortie était plutôt inespérée.
Avec son expérience, le studio VanillaWare prouve qu'il maîtrise complètement la 2D et profite à nouveau de ses talents pour nous faire succomber aux charmes d'une réalisation qu'on aura bien du mal à qualifier de old-school tant elle fait plaisir à voir. Les graphismes affichent des sprites d'une taille énorme dont on peut apprécier chacune des animations sans avoir besoin d'écarquiller les yeux, et la réalisation jouit d'une touche artistique qui permet de s'immerger tout de suite dans l'univers du jeu. Comme dans Odin Sphere, l'histoire que l'on va vivre est contenue dans un livre que l'on ouvre à chaque début de partie, ce qui renforce l'impression de faire partie d'un conte qui s'écrit à mesure que l'on avance dans le jeu. Les noms des personnages ainsi que leur character design confèrent également une atmosphère d'étrangeté à l'ensemble, notamment à travers la galerie de personnages atypiques qui feront office de professeurs dans les différentes disciplines magiques. L'alchimiste à tête de lion et le directeur à la carrure aussi imposante que celle d'un dieu nordique en sont un bon exemple, même si tous ne sont pas aussi rassurants, comme en témoigne le maître sorcier Advocat. Mais il n'est pas bon de se fier aux apparences, et Lillet Blan, l'apprentie magicienne que vous incarnez, apprendra au fil de l'histoire à démêler les complots et les ambitions de chacun des membres de l'académie. Le jeu est ainsi construit comme une boucle sans fin durant laquelle on va revivre une journée de manière différente à chaque fois, jusqu'à découvrir le fin mot de toute cette machination.
L'univers féerique de Grim Grimoire et son scénario imprévisible font incontestablement partie des points forts du titre. Mais celui-ci se démarque également par son système de jeu inattendu puisque l'on a affaire à du STR. La stratégie temps réel adaptée à un soft console et baignant dans une atmosphère de contes, ce n'est pas tous les jours que l'on voit ça et le résultat attise forcément la curiosité. La grande particularité du titre est aussi sa construction verticale, les niveaux étant tous situés dans la tour de l'Etoile d'Argent, un endroit plongé dans le noir qui se dévoile parcelle par parcelle à mesure que vous poursuivez votre exploration dans ses couloirs reliés par d'interminables escaliers. Les ténèbres sont là pour simuler le brouillard de guerre et masquer les unités ennemies ainsi que la position des cristaux que vous convoiterez pour leur forte concentration en mana. Si les environnements ne comportent pas de bonus terrain, toutes les créatures n'y évolueront pas avec la même facilité, les dragons et les unités volantes pouvant passer n'importe où, alors que les êtres substantiels devront prendre le chemin le plus long par les escaliers. On distingue en effet ces derniers avec les êtres de nature astrale, insensibles aux attaques physiques mais fortement vulnérables contre les attaques magiques.
L'essentiel du système de jeu tourne autour de la notion de grimoires que les instructeurs vous apprendront à utiliser durant toute la première journée et que vous conserverez ensuite définitivement. Dès lors, vous serez libre d'invoquer la totalité des unités relatives à la féerie, la nécromancie, la sorcellerie et l'alchimie, chacune étant plus forte ou plus faible par rapport à une autre. Chaque nouvelle mission vous permettra non seulement de disposer de nouvelles créatures, mais aussi de leur octroyer de nouvelles capacités. Les ordres que vous pouvez donner à vos unités dépendent en effet de leurs talents propres, certains ayant la capacité de construire des tourelles défensives, d'autres de lancer un sort de zone, d'endormir une cible ou encore de produire une aura défensive. Chacun a donc son utilité, même les plus insignifiants qui se dévoueront la plupart du temps aux tâches de collecte des ressources, à l'instar des elfes, des diablotins et autres créatures mineures. Ces ressources sont symbolisées par le mana contenu dans les cristaux que vous devez conquérir pour en faire des sanctuaires dédiés à l'une ou l'autre des quatre écoles de magies précitées. Ceci fait, il ne restera plus qu'à créer une rune correspondante et ressemblant à un cercle d'invocation depuis lequel vous pourrez produire vos troupes. Le nombre d'unités sous votre contrôle est évidemment limité, mieux vaut donc deviner quel type de magie convient le mieux plutôt que de produire en masse.
Chaque nouvelle mission démarre d'ailleurs avec une ou plusieurs runes déjà installées, vous donnant une idée de la façon dont vous allez pouvoir développer votre base. Le mana acquis à partir des cristaux est inépuisable, mais vous en aurez besoin autant pour créer des unités que pour mettre vos runes à niveau afin de convoquer rapidement de puissants compagnons. Les contrôles sont simples et faciles à assimiler, mais ils avouent rapidement leurs limites en terme d'ergonomie. Le principal est sauf puisque le jeu se met en pause à chaque fois que vous effectuez une action, mais la sélection d'unités laisse à désirer. On peut certes désigner facilement toute une catégorie de créatures, mais la manoeuvre ne prend pas en compte celles qui sortent des limites de l'écran, et on ne peut pas non plus décider d'envoyer toutes ses troupes à la fois. Même quand on passe le curseur sur plusieurs unités pour les sélectionner, on ne peut pas prendre plusieurs types de créatures différentes à la fois, et encore moins dessiner un cadre pour englober les unités voulues. Résultat, on passe le plus clair de son temps à guider ses troupes au cas par cas, ce qui casse le rythme de la partie et finit par devenir fastidieux. Au chapitre des reproches, on déplorera aussi le côté brouillon des batailles, les trois niveaux de zoom étant quasiment identiques et les sprites étant tellement gros qu'on ne peut jamais bénéficier d'une lisibilité vraiment satisfaisante.
En dépit de ces défauts, Grim Grimoire est un titre assez plaisant à jouer qui offre une difficulté ajustable sur trois niveaux à chaque fois que vous débutez une mission. Si les conditions de victoire se limitent presque toujours à l'éradication des runes adverses, le fait de pouvoir contrôler des magies aussi diverses que le Glamour et la Necromancy suffit à nous convaincre de ne pas nous arrêter en cours de route, ne serait-ce que pour savoir quels mystères dissimule cette drôle d'histoire où il semble qu'on ne puisse faire confiance à personne. La quête principale garantit environ huit heures de jeu, mais il faut y ajouter les 25 missions Trials qui proposent des défis particuliers et parfois très corsés. Dommage que les concepteurs n'aient pas cherché un moyen d'intégrer des parties à plusieurs, sans parler de la gestion des contrôles qui auraient pu être optimisés. Grim Grimoire reste néanmoins un soft à découvrir si vous êtes réceptif à son univers, d'autant que ce n'est pas tous les jours que l'on a droit à un jeu de stratégie aussi original sur console.
- Graphismes16/20
Encore un bel exemple de ce que peut nous offrir un titre en 2D superbement réalisé. La taille énorme des sprites permet de profiter au mieux de leur design et de leurs animations, mais la lisibilité en prend un coup.
- Jouabilité12/20
Le gameplay est original et bien pensé, notamment pour ce qui est de l'usage des grimoires affiliés aux différents types de magies et de la production d'unités aux capacités propres. En revanche, le manque de lisibilité et surtout le système de sélection d'unités trop limité et trop peu ergonomique rendent les parties souvent fastidieuses à jouer.
- Durée de vie13/20
Prévoyez environ 8 heures de jeu pour la quête principale et quasiment le double si vous souhaitez terminer les 25 missions Trials totalement optionnelles. La difficulté est ajustable, et ce pour chacune des missions dont la durée peut facilement dépasser les 20 minutes. Pas de mode 2 joueurs malheureusement.
- Bande son15/20
La bande-son est particulièrement mélodieuse, elle est d'ailleurs assurée par Sakimoto pour le thème principal ainsi que par quelques autres compositeurs moins connus. Le doublage anglais est réussi mais on aurait aimé pouvoir conserver les voix originales.
- Scénario15/20
Le scénario totalement imprévisible est l'un des points forts du titre, mais tout le monde ne pourra pas l'apprécier à sa juste valeur étant donné que les textes ne sont pas traduits en français. Les cut-scenes se limitent à de simples discussions entre les personnages.
Audacieux et original, Grim Grimoire est un jeu de stratégie pas comme les autres qui semble miser davantage sur son atmosphère enchanteresse que sur l'efficacité de son gameplay. Les bonnes idées ne manquent pas, notamment à travers l'utilisation des runes, l'invocation de créatures et l'opposition des magies, mais le côté limité de l'ensemble ne permet pas aux missions de se renouveler suffisamment pour en faire un STR vraiment convaincant. Un jeu à découvrir tout de même pour sa narration, sa réalisation et son approche originale.