De la Seconde Guerre mondiale, les jeux vidéo nous ont surtout montré les plus grandes batailles, les affrontements de masse entre bataillons entiers. Et que cela soit dans une Europe en flammes ou dans les eaux écarlates du Pacifique, ce sont surtout les soldats du rang dont on aura suivi les pérégrinations. Mais Death To Spies choisit lui de nous entraîner loin des explosions et des charges héroïques pour nous glisser subrepticement derrière les lignes ennemies. Une position délicate dont on ne pourra se sortir qu'en faisant preuve de beaucoup de jugeote, et surtout de patience.
Haggard Games nous invite en effet à revêtir le déguisement d'un agent du SMERSH. Acronyme d'une expression russe signifiant "mort aux espions", SMERSH désigne en fait le service de contre-espionnage soviétique chargé principalement de tout faire pour mettre des bâtons dans les chenilles de l'armée allemande. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le SMERSH ne rendait compte qu'à Staline lui-même et officiait dans le secret le plus absolu, n'hésitant pas à liquider les informateurs après les avoir délestés de leurs précieuses informations. Ancré dans une réalité historique brumeuse mais fascinante, Death To Spies nous impose une dizaine de missions variées aux objectifs difficiles. Sabotage, vol de documents, remplacement par des faux, kidnapping, assassinat, le titre ne nous épargne rien et nous place continuellement dans des situations fort inconfortables.
Forcé d'évoluer dans des zones infestées de soldats allemands (et peut-être même d'autres ennemis...), le joueur devra tout faire pour rester invisible. On devra donc feinter continuellement, ramper dans la boue comme une limace, se glisser dans le dos d'un garde assoupi pour prolonger indéfiniment son sommeil, dissimuler le corps, poser des pièges, voler des uniformes et crocheter des serrures, le tout afin de plonger toujours plus loin vers le coeur palpitant de la machine de guerre allemande. Et s'il faudra parfois disposer de réflexes surhumains pour se défaire d'un garde trop inquisiteur, on évitera généralement de faire couler le sang, car la moindre fusillade signera votre arrêt de mort, peut-être plus sûrement encore qu'un juge texan. Au fond, la véritable clé de la réussite dans Death To Spies réside davantage dans l'observation minutieuse de l'environnement que dans vos talents de combattant. Il sera par exemple nécessaire de mémoriser les rondes des gardes. Une tâche rendue un petit peu plus facile par la présence d'une carte tactique qui s'affiche en surimpression sur l'écran de jeu et qui reprend quelques-uns des mécanismes en usage dans Commandos, un autre soft d'infiltration. La carte en question présente non seulement la position des ennemis, mais également la portée de leur regard, matérialisée par des cônes de couleurs. Et le système, bien que fondamentalement artificiel et classique, se montre diablement efficace.
Death To Spies cherche pourtant à délivrer une expérience réaliste. Et c'est ainsi que les gardes ennemis repèrent très facilement le moindre élément ne cadrant pas parfaitement avec leur quotidien grisâtre. Veillez donc à ne pas garder votre équipement russe lorsque vous vous glissez dans l'uniforme d'un soldat allemand. Notez d'ailleurs que vous ne pourrez piquer d'uniforme que si son porteur n'a pas été transpercé de part en part par un de vos couteaux. Car voyez-vous, le sang, ça tache. Les sentinelles sont également attentives à vos changements de position et à votre attitude. Pris à fureter dans un quartier réservé aux officiers ? Les sagouins n'y vont pas par quatre chemins et vous logent instantanément un pruneau dans le popotin, voire même une grenade. Et c'est justement là que le bât blesse. Car à trop vouloir rendre leurs sentinelles compétentes, les petits gars de studio Haggard Games ont fini par en faire de véritables Terminators. Tantôt aveugles à vos simagrées pourtant effectuées en pleine rue, ces dernières se montreront tout d'un coup capables de voir que vous portez une mitraillette russe en bandoulière, alors que vous conduisez un camion à 50 km/h. Le niveau de suspicion desdits soldats est matérialisé par une jauge qui du coup, fluctue en permanence et impose constamment sa loi au joueur apeuré. Et souvent, on verra cette dernière se remplir intégralement pour quelque raison obscure, plongeant alors notre pauvre espion dans le plus profond désarroi. Le jeu, déjà très exigeant au niveau de difficulté le plus bas, peut donc devenir étonnamment frustrant.
Mais il est vrai que concevoir une I.A. équilibrée est loin d'être évident pour des développeurs qui s'essaient à l'art délicat de l'infiltration. Celle de Death To Spies est certes sujette à de nombreux défauts et soulève parfois de quelques problèmes de cohérence, mais elle s'avère malgré tout bien plus performante que dans bon nombre de titres du genre. Et malgré le classicisme certain de Death To Spies, on se sentira toujours poussé en avant, incité à persévérer et à trouver un moyen de pénétrer discrètement dans un bâtiment. Cela est d'autant plus vrai que le titre nous laisse généralement une grande liberté d'action. Aucun chemin n'est véritablement obligatoire, bien que certains d'entre eux paraissent bien évidemment plus praticables que d'autres. Et Death To Spies de se transformer en puzzle géant, exigeant concentration, précision, et un peu de chance. Dommage dans ces conditions que la réalisation soit si limitée. Car sans être franchement moche, Death To Spies accuse quelques années de retard en terme d'animation et de qualité des textures. Un problème largement compensé par un level-design de qualité.
- Graphismes13/20
Avec toutes les options graphiques au maximum, Death To Spies offre un rendu correct, parfois même agréable. L'animation en revanche est très lacunaire. Mais malgré ces reproches, force est de constater que l'univers martial dépeint dans le jeu est tout à fait crédible, et c'est bien là le principal.
- Jouabilité14/20
Death To Spies condense beaucoup des actions caractéristiques des jeux d'infiltration sur une même galette. Et si on n'y découvrira absolument rien d'original, on appréciera tout de même le fait que la moindre action soit réalisable immédiatement, sans qu'on ait trop à tâtonner. Seul véritable souci, l'I.A., tantôt redoutable, tantôt étrangement laxiste, avec une prédilection pour la première caractéristique. On se retrouve donc avec un jeu exigeant, mais qui plaira sans doute aux amateurs du genre.
- Durée de vie15/20
Une douzaine d'heures seront nécessaires pour compléter les 11 missions du jeu. Sans doute plus si vous êtes néophyte, puisque celles-ci ne rendront pas facilement les armes.
- Bande son13/20
Une bande-son convenable et relativement sobre, malgré quelques musiques de film d'action qui semblent totalement déplacées dans cet univers.
- Scénario14/20
L'histoire nous est présentée sous la forme d'un compte-rendu oral, produit par l'espion à la demande d'un de ses supérieurs. Les cinématiques ne sont pas franchement réussies, mais l'ensemble est cohérent. On apprécie cependant de voir ces événements à travers les yeux d'un espion soviétique. Un changement de perspective qui se montre particulièrement saisissant lors de certaines missions.
Extrêmement classique sur le fond comme sur la forme, Death To Spies n'en reste pas moins agréable à parcourir. Etonnamment exigeant, le bébé d'Haggard Games saura se faire apprécier par les fans du genre. Les néophytes en revanche, préféreront sans doute se faire les dents sur un autre jeu du genre avant de tenter l'aventure.