Comme toute bonne série qui se respecte, The Shield se devait d'avoir sa propre adaptation vidéoludique. C'est maintenant chose faite, grâce (?) à l'infinie bonté du studio Point Of View, qui nous livre ici un titre d'action mâtiné de quelques phases d'infiltration. L'occasion (ou pas) de se replonger dans l'univers cradingue d'une des séries les plus polémiques du moment.
Tout comme 24, ou Alias avant lui, The Shield tente bien entendu de recréer l'univers de la série dont il emprunte le nom et propose donc au joueur d'incarner l'inspecteur Vic Mackey, plus échevelé que jamais, au cours de ses opérations policières musclées. L'unité spéciale de l'inspecteur, la bien nommée «Strike Team», est sur le point d'être démantelée car ses résultats sur le terrain, de même que ses méthodes pour le moins expéditives, sont copieusement critiqués par la hiérarchie. Joyeusement conspué par les ronds de cuir, Vic décide de lancer une dernière opération coup de poing afin de redorer le blason de son groupe d'intervention et de s'assurer que les pépettes continueront toujours à tomber dans son escarcelle. Il s'agira cette fois de mettre fin à une guerre de gangs qui ensanglante les rues crasseuses de Los Angeles. Tous les moyens sont bons, et comme sur le petit écran, Vic et ses acolytes n'hésiteront pas à reconfigurer des dentitions, à multiplier les orifices artificiels et à semer les fausses preuves comme des doughnuts afin d'impliquer puis de confondre de nombreux malfrats.
Commençons par du lourd et déclarons d'emblée que la seule véritable qualité du jeu est de nous offrir quelques dialogues juteux, pleins de jurons et de réflexions scabreuses, en anglais cependant, qui cadrent tout à fait avec ce que l'on connaît des personnages. Au-delà de ça, The Shield se contente de nous faire enchaîner des phases de shoot, de combats à mains nues, d'interrogatoires, de recherche d'indices et finalement d'infiltration dont l'unique constante se trouve être le manque d'intérêt et la création d'un sentiment de frustration chez le joueur désemparé. En guise d'exemple, attardons-nous sur une aguicheuse scène d'interrogatoire. Avant de pouvoir questionner un «témoin», vous devrez logiquement le travailler au corps en le passant à tabac, or le système de combat est tout sauf intuitif, et vous donnera toutes les impressions du monde, sauf celle de participer à une empoignade. Il s'agira grossièrement de cliquer sur la souris, d'appuyer sur un bouton pour saisir le malheureux, puis de le trimballer dans la ou les pièces environnantes pour dénicher un objet utile à l'interrogatoire : une gazinière sur laquelle on appliquera le visage de l'individu, une cuvette de toilette, une étagère... etc. Cela peut certes paraître réjouissant sur le papier, mais dans les faits, l'action était aussi énergique qu'un cours de tricot. D'autant que le titre, pour conclure votre «sondage» vous fera appuyer en rythme sur une série de boutons qui apparaissent à l'écran. Wahou ! On ne m'avait jamais fait le coup !
En fait, quelle que soit la phase de jeu, The Shield s'évertue à montrer ses limites et à se dépecer tout seul. Les phases de shoot sont molles et caractérisées par beaucoup d'imprécision et vos coéquipiers passent leur temps à se faire trouer la peau, mettant ainsi fin à la partie. Les phases d'infiltration sont tout bonnement catastrophiques car complètement aléatoires. Un garde qui ne vous aura pas repéré pendant vos 5 premières tentatives, se mettra soudain à faire de la concurrence à Superman en vous repérant à 20 mètres, alors que vous êtes dans son dos, et dissimulé dans l'ombre. On devra donc reprendre la même scène plusieurs fois (si toutefois vous n'avez pas déchiqueté votre clavier) jusqu'à ce que la chance fasse son oeuvre et que vous passiez finalement inaperçu. Quant à la recherche d'indices, elle ne revient qu'à s'approcher d'un élément du décor puis se livrer à un mini-jeu insipide (Balader un cercle sur une plaque de flic, celui-ci se rétrécissant si vous vous approche de l'élément à découvrir, et s'élargissant si vous vous en éloignez). Ce que vous découvrirez pourra venir s'ajouter à la «pension de retraite» de calvitie-man, ou bien être remis aux autorités compétentes. Si vous choisissez de vous graisser votre propre patte de poulet, une jauge de pression augmentera alors, et si celle-ci atteint un niveau critique, vous perdez la partie. En fait, ce système est valable pour la plupart des actions du jeu. Moins vos méthodes sont hygiéniques, plus la jauge augmente, et plus vous vous comportez en honnête homme, plus la jauge baissera. L'idée est amusante, mais complètement hors de propos, puisque dans la plupart des cas, vous n'aurez d'autre choix que de jouer au bad guy.
Le fait est que la plupart des séquences de The Shield sont grossièrement amenées, et même si le soft fait tout pour ressembler à la série, avec des changements secs d'angle de caméra, des plans brutaux, des détails empreints de perversité, comme ces extraits de films douteux que l'on retrouve sur chaque téléviseur du jeu («Tabatha Cash Aux Pays Des Merveilles», si je ne m'abuse), il n'y parvient jamais. Tout est édulcoré, toute la violence caractéristique de la série ne se retrouve pas dans le jeu, sans doute pour tenter d'éviter un macaron 18 + qui n'aurait pas manqué de faire frémir les ménagères de tout âge. Si ce point de vue est compréhensible, The Shield sur PC n'en devient pas moins une pâle imitation de son modèle, sans saveur et sans âme. Un constat que la médiocre réalisation du jeu ne risque pas de venir contrarier. The Shield sur PC est donc un titre à éviter qui s'en ira sans doute au panthéon des adaptations de séries ratées. Vic, paix à ton âme et à ta casquette en peau de fesses.
- Graphismes9/20
Les personnages de la série semblent étrangement déformés, tels des quasimodos des temps modernes. Les visages prêtent à rire, surtout pour ce pauvre Vic qui ressemble plus que jamais à un moine tibétain croisé avec un bouledogue. Quant à l'animation, c'est avant tout la rigidité et le manque de fluidité qui la caractérisent.
- Jouabilité7/20
The Shield offre un gameplay au moins aussi pauvre que la flore crânienne de son héros. Toutes les phases de jeu souffrent de gros soucis de maniabilité, laissant plus d'importance à la chance qu'à vos talents de joueur. Quant à l'aspect moral du soft, il se montre trop mal exploité.
- Durée de vie9/20
Le titre offre une petite quinzaine de niveaux, tous divisés en plusieurs séquences de jeu, pour un total de cinq ou six heures (en fonction de votre chance). Le contenu déblocable semble pourtant se montrer conséquent, l'ennui c'est que l'essentiel de ces bonus se révélera tout à fait inintéressant, même pour les fans.
- Bande son12/20
Je n'en mettrais pas ma main à couper, mais il semble que les véritables acteurs ont prêté leur voix à cet amas de pixels, pour un résultat étonnamment convaincant. Du moins pour ceux qui apprécient les dialogues de mauvais goût en version originale. Oh yeah. Le reste en revanche est à l'image de l'aventure...
- Scénario12/20
L'histoire du jeu n'est pas franchement très recherchée, même si elle est censée s'inscrire juste après que les personnages se soient emparés du magot sur le train de marchandises des trafiquants, entre la deuxième et la troisième saison.
The Shield n'a pas grand-chose pour lui, tant les défauts s'accumulent. Il ne fait aucunement honneur à la série dont il s'inspire et se contente de délivrer des phases de jeu impraticables et inintéressantes. A éviter absolument.