Parmi la pléthore de spin-off et autres dérivés engendrés par la série des MegaTen, Devil Summoner fait clairement partie des meilleures excroissances de la série originelle. Sans être un des RPG les plus importants de ces dernières années sur PS2, le titre d'Atlus tire parti de l'époque choisie pour installer une intrigue sulfureuse, enfumée et mystérieuse à souhait. D'un character design magnifique à un excellent système de jeu, il va donc de soi qu'on ne se privera pas pour lui jeter des corbeilles de roses au visage avant que le ciel sombre d'Edo, synonyme de lendemains sanglants et de nuits blanches, ne nous happe complètement pour mieux nous régurgiter au lever du soleil.
Etudiant au lycée Yumizuki, travailleur à temps partiel à l'agence de détectives Narumi et invocateur de démon. Si ce CV vous paraît fort rempli pour un jeune éphèbe de 18 ans, sachez cependant qu'il s'agit de votre propre curriculum vitae, celui de Raidou Kuzunoha. Tout commence dans la proche banlieue d'Edo en l'an 20 de l'ère Taisho. Alors que vous venez d'être intronisé en tant que 14ème invocateur de démons après avoir subi une série d'épreuves à la chapelle de Shinoda, vous voilà parachuté dans une agence de détectives, qui vous servira de base d'opération tout au long du jeu. Si l'aventure débute avec un simple enlèvement d'une jeune demoiselle, vous comprendrez très vite que cet acte, loin d'être si singulier que cela, ne sera en fait que le vecteur d'une série de catastrophes derrière lesquelles se cachent des hommes et démons avides de pouvoir. Bien que Devil Summoner délaisse l'aspect apocalyptique des précédents volets ou le côté "school academy" des Persona, on y retrouve tout ce qui fait le charme de cette série : un univers mystérieux peuplé de démons et une tripotée de personnages énigmatiques auxquels s'ajoute ici une ambiance délicieusement feutrée.
Si de prime abord, ce MegaTen peut sembler linéaire de par des déplacements limités, sachez qu'au fur et à mesure de votre progression, vous aurez la possibilité d'accèder à de plus en plus de lieux de la ville d'Edo. Cependant, pour atteindre des lieux relativement éloignés les uns des autres, vous devrez payer le tramway, ce qui est en soi fort logique mais en pratique, on regrettera de devoir dépenser de l'argent à tout va. D'ailleurs, ceci est sans doute le gros point négatif du titre qui est bien trop gourmand en argent. Si il est normal de devoir payer pour acheter divers items ou munitions de revolver, on a un peu de mal à avaler la pilule quand il s'agit d'allonger la monnaie pour restaurer la vie du personnage principal ou de nos démons. Et les auberges ? Que nenni mes bons amis. Point d'hôtel dans Devil Summoner, ce qui vous obligera à combattre sans relâche pour obtenir quantité de yens nécessaires aux transports, aux soins et autres achats. D'ailleurs si les affrontements sont paradoxalement indispensables à notre survie, on notera que la fréquence de ces derniers est extrêmement élevée. Heureusement qu'ils restent somme toute plus dynamiques que ceux de bon nombre de RPGs.
En fait, les rixes de ce MegaTen se déroulent en temps réel, enfin si je puis dire puisqu'il vous faudra au préalable pénétrer dans une zone de combat à l'image de quantité de jeux de rôle. Pourtant, une fois l'affrontement débuté, vous pourrez librement bouger dans la surface de combat, plutôt réduite, et asséner plusieurs coups à vos adversaires. Le tout se situe donc entre un RPG et un Action-RPG, ceci offrant au soft une dimension hybride assez originale. Bien entendu, on aurait aimé avoir davantage de coups à sa disposition mais entre la possibilité de parer, de tirer (avec différentes balles élémentaires) et d'utiliser un katana (via un Dash ou deux attaques spéciales), on prend malgré tout du plaisir à occire nos adversaires. D'autant plus vrai qu'il est également question d'utiliser des démons en renfort (ce qui nous permet de profiter d'une attaque dévastatrice une fois le moral de notre compagnon au maximum) et d'enrôler des ennemis pour en faire de nouveaux alliés. Cet aspect étant particulièrement important, attardons-nous un instant sur ce point.
Comme dans tout bon Shin Megami, le joueur peut recruter une quantité impressionnante de familiers, qui de statut d'ennemis passeront à celui d'amis. Mais avant de pouvoir en arriver là, vous devrez tout d'abord utiliser l'art du confinement qui est en fait une méthode de capture de monstres nécessitant de les enfermer dans de petits tubes, un peu à l'image de ce qu'on trouve dans le manga Dragon Quest : La Quête de Daï, afin de pouvoir les ressortir plus tard à n'importe quel moment. Ainsi une fois que vous aurez affaibli un monstre lors d'une bataille, vous devrez rapidement vous approcher de lui et appuyer rapidement sur la touche Rond afin d'essayer de l'enfermer. Si vous réussissez, vous aurez alors le choix d'en disposer comme bon vous semble. Si en fonction des faiblesses de vos ennemis, certains démons seront plus efficaces que d'autres, sachez que plus vous utiliserez un familier, plus il gagnera d'expérience, à l'image de votre propre héros. De plus, il est aussi ici question de fusions par lesquelles la création de nouveaux monstres plus puissants sera réalisable. Malheureusement, comme dans les autres MegaTen, vous ne pourrez jamais créer un monstre dont le niveau est supérieur au vôtre. Frustrant mais c'est le jeu. Mais l'utilisation des démons ne s'arrête pas là, bien au contraire.
Une des autres facettes de cette collaboration se trouve dans la résolution d'énigmes. Par exemple, il vous faudra obligatoirement un type bien précis de monstres pour détruire des barrières mystiques. De plus, à divers endroits, vous devrez contrôler vous-même votre Mignon qui pourra mettre à profit son invisibilité aux yeux des humains, ainsi que des capacités spécifiques pour accéder à des pièces gardées. L'idée est vraiment bonne même si cela implique que durant ces phases, vous devrez combattre sans l'aide de Raidou. Enfin, comme je le disais plus haut, à mesure que vous utiliserez un démon, son niveau de loyauté augmentera, condition sine qua non pour avoir accès aux fusions. A ce sujet, notez tout de même que ce ne sera pas la seule façon de procéder puisque outre la fusion binaire, vous pourrez sacrifier des monstres pour transférer des capacités vers un autre démon ou bien les forger avec l'épée de Raidou afin de rendre l'arme plus puissante.
Par bien des côtés, Devil Summoner semble donc élitiste mais alors que le jeu se montre parfois beaucoup trop difficile, on a du mal à lâcher l'affaire tant le scénario parsemé d'enquêtes se montre prenant. Il faut aussi comprendre que le plaisir qu'on ressent en jouant à ce MegaTen provient en grande partie de l'atmosphère poussiéreuse devant autant au polar qu'au film d'horreur. Le mélange avait déjà profité à l'excellent Shadow Hearts Covenant et le soft d'Atlus nous prouve une fois encore à quel point le background d'un jeu est important. Loin des exactions cataclysmiques des précédents volets de la saga, ce spin-off se pare d'une robe de velours tout en s'appuyant sur un gameplay qui a depuis longtemps fait ses preuves. On regrette que les développeurs n'aient pas cherché à rectifier les soucis inhérents audit système mais en dépit de quelques errances, cet énième volet de la saga d'Atlus se présente comme un mets de choix.
- Graphismes16/20
Les décors pré-calculés sont somptueux et nous offrent une vision romancée et crépusculaire de l'ancienne Edo. Le character design est de toute beauté et entre le côté dandy de Narumi ou la classe de Raidou, le soft profite d'une galerie de personnages qui lui apporte beaucoup de charme.
- Jouabilité15/20
Si le jeu bénéficie d'un système de combat en temps réel plus dynamique que celui des Digital Devil Saga, on reste un peu sur notre faim en ce qui concerne les mouvements disponibles. On signalera aussi une fréquence d'affrontements bien trop élevée. Pourtant, Devil Summoner reste malgré tout un très bon RPG fort bien réalisé (qui aurait mérité une localisation) et très intéressant grâce à la capture et l'utilisation des démons sans parler du système de fusions associé à vos Mignons.
- Durée de vie14/20
Comme souvent avec les Shin Megami, les quêtes annexes ne pullulent pas vraiment. Cependant, l'aventure reste assez longue à terminer avec sa douzaine d'épisodes mais surtout à cause d'une difficulté relativement élevée sans parler de la capture de monstres et le système de fusions qui pourront vous retenir très longtemps pour peu que vous vous preniez au jeu.
- Bande son13/20
Point de voix pour le coup, seuls quelques thèmes musicaux, ne ressortant pas vraiment, faisant office de bande-son.
- Scénario14/20
Renvoyant par certains côtés à celui de Shadow Hearts Covenant, le scénario de Devil Summoner se veut néanmoins plus sérieux tant dans ses situations que dans ses personnages énigmatiques. A ce sujet, on signalera la présence de Raspoutine (également visible dans Covenant) qui apporte un soupçon de mystère à l'ensemble.
Spin-off de la série Shin Megami, Devil Summoner conserve une partie du système de jeu de ses aînés ainsi qu'une ambiance horrifique tout en profitant d'une qualité technique bien supérieure à celle de Digital Devil Saga. Le jeu se laisse suivre grâce à une atmosphère agréable, un système de jeu fort prenant et des personnages travaillés. Se rapprochant bien plus d'un RPG comme Shadow Hearts Covenant que d'un Dungeon RPG comme Lucifer's Call, Devil Summoner devrait facilement vous convaincre d'autant qu'il bénéficie d'un prix de vente légèrement réduit à défaut d'une traduction française, chose qui ne semble malheureusement toujours pas être une préoccupation pour Koei France.