Nous voulons des jeux spécifiques à la Wii, de véritables projets originaux pensés pour la console ! Combien de Eledees faudra t-il avant que les éditeurs reconnaissent cette évidence ? Le titre de Konami démontre, en opposition à tous les portages fâcheux et inadaptés, que la réussite d'un gameplay sur la nouvelle console de Nintendo est garantie par cela. Jeu de tir à dimension domestique, Eledees est si instinctif que l'on en oublie Wiimote et Nunchuk, devenus prolongements naturels de notre corps. Et ça, c'est déjà une sacrée performance. Dommage que l'expérience s'émousse après quelques heures.
Kay est une petite tête qui souffre du pire des problèmes : un manque d'affection de la part de ses parents. Ces scientifiques reclus dans leur laboratoire travaillent sans relâche sur une forme inédite d'électricité : les Eledees. Ces mini-luminaires sur pattes sont des créatures ancestrales aux propriétés étonnantes. L'homme a évidemment appris à dompter ces capacités, et les Eledees sont désormais à l'origine des frustrations de Kay, qui aimerait bien que son foyer retrouve l'harmonie familiale d'antan. Une nuit magique arrive : un coup de tonnerre incroyable provoque un court-circuit général sur tout le quartier. Les parents de Kay, surpris que les Eledees ne puissent parer à ce genre de problème, délaissent encore une fois leur fiston pour se rendre à leur laboratoire. Mais le jeune garçon n'entend pas rester dans l'obscurité et la solitude bien longtemps, surtout qu'il s'était déjà préparé une petite soirée pépère devant la télé. Armé d'un pistolet expérimental qui appartient à son père, il s'apprête à remettre le jus dans la maisonnée, même si ça signifie de secouer la moindre pipe en bois pour y dénicher des Eledees.
De ce petit conte domestico-électrique, il est facile de déceler l'implémentation de la Wiimote au coeur même du concept. Si le Nunchuk servira à vous déplacer à la manière de n'importe quel FPS, la télécommande représente évidemment le pistolet de capture lui-même. Outre le fait que son rayon permet la capture rapide de Eledees, l'engin partage une propriété importante avec le Gravity Gun de Half-Life 2 : saisir un objet, le secouer à volonté et le relâcher comme une vulgaire poupée en chiffon. L'appareil permet également de déplier les battants d'une armoire, d'ouvrir les portes, d'actionner les appareils électriques, ou de tourner des mécanismes comme un robinet. Il s'agit donc d'une seconde main plutôt que d'une arme aux accents de couteau suisse. Le plaisir, d'abord indescriptible du gameplay, tient essentiellement dans ce naturel désarmant avec lequel on s'approprie les lieux grâce à l'outil. Mettre le souk et zapper tous les Eledees qui s'enfuient en couinant devant tant d'agitation devient quelque chose d'immédiatement instinctif. La mise en marche des appareils électriques, qui cachent des agglomérats de bestioles, ne pose pas plus de difficultés : un mouvement de rotation sec du poignet suffit. Seules les portes et les battants sont légèrement problématiques. Il faut dire que le moteur physique est plutôt tolérant : les objets ont des poids dérisoires. Ce qui signifie qu'avec n'importe quel volet dépliable, il faudra éviter des manipulations trop brusques sous peine de voir le panneau se rabattre en permanence.
Le jeu se découpe en trois modes : histoire, multijoueur et édition. Le premier met en scène 30 niveaux, soit 30 parties de la maison à secouer comme des boules souvenirs pour obtenir les Eledees. La réussite dans ces missions est soumise à deux conditions : atteindre un certain volume de watts et respecter un délai prédéfini. Il faut savoir que votre progression est régie par la puissance électrique. Chaque Eledees récupéré fait monter cette valeur. Par échelons croissants, vous pourrez ainsi ouvrir davantage de portes, soulever des objets toujours plus lourds et activer des appareils électriques sophistiqués. Dans un même niveau, il y a donc un ordre logique à respecter si vous désirez atteindre la limite de watts requise. L'utilisation des bonus est aussi chaudement recommandée. Assommer un grouper entier d'Eledees, lancer plusieurs rayons en simultané, poser un gâteau pour attirer les bestioles : les moyens d'accélérer la grande razzia ne manquent pas ! Par contre, la présence de différents types d'Eledees a finalement peu d'influence, mis à part avec les moutons noirs de la bande, à laisser consciencieusement de côté sous peine de perdre bêtement des watts durement gagnés.
Les premières heures défilent ainsi dans un plaisir évident, surtout que vos capacités électriques augmentent très rapidement. Le jeu est ainsi passablement facile, à condition que vous ne jouiez pas les Tazmania, auquel cas l'action peut rapidement devenir illisible. On apprécie également cette impression de ramener chaleur et vie dans ce foyer sans âme. Sur votre passage, les lumières s'allument, la petite maison de banlieue américaine bourrée de clichés se transforme en capharnaüm sans nom, les appareils électriques deviennent fous... Hélas, toutes ces belles sensations finissent pas s'amenuiser passé un certain cap. L'ennui c'est que le gameplay ne propose rien d'autre que son concept de départ et aucune variation sérieuse. Certes, il est toujours amusant de dénicher des Eledees dans les endroits les plus improbables mais on aurait aimé, par exemples, de changer d'environnement ou voir les bestioles changer de comportement. Surtout que le titre ne peut guère compter sur les deux autres modes pour prolonger l'expérience. Le multijoueur, qui consiste en une traque compétitive des Eledees, est une véritable déception. Puisque les développeurs ont choisi de le disposer sur un seul écran, un seul des participants (de 2 à 4) a le contrôle de la caméra. Une idée incongrue qui ruine évidemment l'équité entre les joueurs. Quant à l'éditeur de niveaux, il demandera tout de même un certain investissement avant de créer un environnement qui ne se "démonte" pas en une petite minute. Eledees est cependant un effort très appréciable et qui devrait joliment colorer ce mois de mai sur Wii. Considérez son achat comme un substitut idéal en attendant les grosses pointures à venir.
- Graphismes13/20
Les textures plutôt grossières et le manque de variété des environnements sont compensés par la précision minutieuse avec laquelle chaque pièce est reproduite. Il y a énormément d'objets, de petits détails charmants, dans la veine du vieux Toy Commander. Le moteur physique ne faillit jamais, même quand on bouscule une armoire entière remplie de bibelots. Les effets de lumières provoqués par les Eledees finissent de donner beaucoup de vie au rendu.
- Jouabilité14/20
Enfin une utilisation intelligente, limpide et immédiatement fun de la vue à la première personne sur Wii. Les manipulations sont instinctives même si l'ouverture des portes est problématiques dans les premiers temps. Jouer au déménageur fou est à proscrire si vous voulez garder un minimum de lisibilité. Avec la montée en puissance de votre rayon, le plaisir de soulever des charges de plus en plus lourdes est également croissant. Mais il retombe logiquement après un moment puisque le gameplay ne se renouvelle pas et que le level-design accuse pas mal de répétitions.
- Durée de vie11/20
Il faut une dizaine d'heures pour parcourir les 30 niveaux du mode aventure et la moitié pour s'offrir tous les défis annexes. Le mode multijoueur est malheureusement raté : quelle idée de refuser le split-screen au profit d'un mode à un écran où un seul des joueurs dirige la caméra... Dans l'ensemble le titre ne peut espérer vous retenir plus d'une quinzaine d'heures.
- Bande son12/20
Les amateurs de pisto-lasers et de miaulements suraigus vont s'en mettre plein les oreilles. Ce piaillement constant devient crispant en moins d'une heure : pauses obligatoires. La musique n'a aucun relief, ce qui n'est pas bien important.
- Scénario10/20
Le coup du jeune enfant laissé à lui-même et qui ramène lumière et chaleur dans son foyer n'est qu'un simple prétexte à la chasse aux Eledees. C'est mignon, sans plus.
Formé à l'école de la simplicité, Eledees amuse instantanément. Le combo Wiimote/Nunchuk fait partie du concept même, ce qui résulte forcément sur un résultat mieux maîtrisé que tous les portages à la noix. Même si Konami reste timide et se contente d'exploiter le principe de base sur 30 niveaux, sans trop chercher à faire varier l'expérience, on ne peut que féliciter cette prise de risque originale. Eledees se pose en quelque sorte comme le Pikmin de la Wii : un jeu très rafraîchissant et qui mérite une suite !